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ECLAIRAGE – Croissance à contre-courant – L’illusion d’un miracle tunisien

21. August 2025 um 06:03

Derrière le miracle du PIB se cache un paradoxe inquiétant : une économie qui se félicite de croître pendant que sa demande intérieure s’asphyxie.

 

Une statistique qui trompe

On nous dit que la Tunisie croît, que le PIB dépasse les attentes, comme si un miracle économique était en marche. Pourtant, dans les marchés, dans les foyers, dans les ateliers, la réalité est tout autre : la demande s’étouffe, les prix étranglent, les liquidités se raréfient. La preuve ? La disparition quasi brutale des paiements par chèque, un instrument longtemps au cœur des échanges, dont l’effondrement de près de 50% en volume au premier trimestre 2025 révèle une vérité que les chiffres officiels maquillent : l’économie informelle, moteur invisible de la consommation, est à genoux.

 

Le grand mensonge du PIB

Cette croissance n’est pas une victoire, c’est un trompe-l’œil. Si les comptes nationaux affichent une progression, c’est parce qu’ils ne mesurent que ce qui est visible, déclaré, fiscalisé. Or, une part significative de la consommation tunisienne s’est toujours nourrie d’échanges opaques, fluidifiés par les chèques non nominatifs. Leur mise au ban ne supprime pas l’activité : elle la rend invisible, elle la pousse à l’asphyxie. Voilà pourquoi les statistiques sourient quand la rue grince des dents. Le PIB est devenu un écran, un indicateur qui rassure les bailleurs de fonds mais ignore le quotidien des Tunisiens.

 

Le coût de l’ombre

On ne le répétera jamais assez : l’informel est à la fois un poison et une béquille. Un poison parce qu’il prive l’État de ressources fiscales colossales — près de 3 milliards de dinars de TVA évaporés cette année. Mais aussi une béquille, car il absorbe une partie de la misère sociale et soutient une consommation que l’économie formelle n’est pas capable de porter. La brutalité des réformes sur les chèques a fait tomber le masque : quand l’informel s’étouffe, c’est tout un pan de la demande qui disparaît, sans alternative crédible pour le remplacer.

Faut-il réécrire les règles du jeu ?

Certains confrères avanceront qu’il suffirait de recalculer le PIB, d’intégrer l’informel, comme l’a fait le Nigeria, pour se donner l’illusion d’une richesse plus grande et alléger les ratios d’endettement. Mais ce serait une fuite en avant. Le problème n’est pas de gonfler artificiellement les chiffres : il est de reconstruire un modèle où l’économie ne dépend plus d’échanges souterrains et où l’État n’est pas réduit à quémander l’aide extérieure pour financer ses déficits.

 

Une économie sous anesthésie statistique

La vérité est dure à dire : la croissance tunisienne est une illusion statistique. Elle ne résulte pas d’un regain de productivité ni d’une dynamique d’investissement, mais de la disparition forcée d’une partie de la consommation des radars officiels. Les chiffres du PIB montent, pendant que les étals se vident. Cette anesthésie statistique peut tromper les bailleurs internationaux, mais elle ne trompe pas les Tunisiens, qui vivent la contraction au quotidien.

Le vrai défi

La Tunisie doit cesser de courir derrière des indicateurs flatteurs pour Bruxelles ou Washington, et affronter la réalité : sans une fiscalité plus juste, une inclusion financière crédible et une protection sociale digne de ce nom, l’informel continuera de renaître sous d’autres formes, échappant aux radars et affaiblissant l’État. Le choix est clair : soit nous restons prisonniers d’un PIB qui ne reflète qu’une partie du réel, soit nous engageons enfin un chantier courageux de réintégration et de régulation.

 

La chute des chèques est un électrochoc. Elle ne signe pas une modernisation, mais une fracture. Et si nous ne transformons pas ce choc en réforme, alors la Tunisie continuera à croître… dans les chiffres, mais à s’appauvrir dans la réalité.

 

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Article en relation: Croissance à contre-courant : que cache la chute libre des paiements par chèque en Tunisie ?

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG).

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