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ECLAIRAGE – La science économique à l’ère du soupçon numérique

21. Juli 2025 um 06:00

L’article « L’Autopsie de la fin tragique des sciences économiques » de Mahjoub Lotfi Belhedi, publié le 16 juillet 2025 dans L’Économiste Maghrébin, revisité.

 

 

Une provocation salutaire ou un réquisitoire excessif ?

Mahjoub Lotfi Belhedi signe ici un texte à la tonalité incisive, presque pamphlétaire, qui ambitionne de dénoncer la prétendue obsolescence radicale des sciences économiques classiques face aux mutations profondes du capitalisme numérique.

L’auteur affirme que l’économie actuelle, fondée sur l’extraction de métadonnées par les intelligences artificielles, a rendu caduques les outils analytiques hérités de Ricardo, Marx, Keynes ou Friedman.

 

Cette position, bien que provocatrice et volontairement déstabilisante, appelle à être analysée avec nuance.

 

Sa thèse est radicale : les sciences économiques sont mortes, faute d’avoir compris la dématérialisation du capital et l’émergence d’un nouveau régime d’accumulation algorithmique.

Cette position, bien que provocatrice et volontairement déstabilisante, appelle à être analysée avec nuance.

Une lecture audacieuse du capitalisme numérique

L’un des points forts du texte réside dans sa capacité à synthétiser de façon percutante les évolutions du capitalisme contemporain. L’auteur s’appuie implicitement sur les travaux de Shoshana Zuboff (et son concept de capitalisme de surveillance) pour souligner comment la valeur ne provient plus du travail physique, mais des traces comportementales laissées dans l’espace numérique. Chaque clic, chaque pause sur une vidéo, chaque mouvement de curseur devient une « matière première » gratuite, exploitée pour entraîner des IA prédictives.

Cette mutation, incontestable, interpelle effectivement les cadres analytiques classiques, notamment la théorie de la valeur-travail. Peut-on encore parler d’exploitation si l’algorithme extrait de la valeur sans intervention directe du « travail vivant » ? Le texte touche ici une faille théorique réelle, que les économistes contemporains peinent encore à théoriser pleinement. L’article pose donc une vraie question: les sciences économiques peuvent-elles survivre sans redéfinir la source même de la valeur ?

 

L’auteur s’appuie implicitement sur les travaux de Shoshana Zuboff (et son concept de capitalisme de surveillance) pour souligner comment la valeur ne provient plus du travail physique, mais des traces comportementales laissées dans l’espace numérique.

 

Des limites méthodologiques et un excès de généralisation

Cependant, là où l’auteur échoue partiellement, c’est dans sa volonté de dresser un constat d’extinction plutôt que de transformation. Affirmer que les sciences économiques sont mortes revient à méconnaître les efforts actuels de renouvellement épistémologique de la discipline. Des courants émergents comme l’économie computationnelle, l’économie comportementale numérique, l’économie des plateformes, ou encore l’économie algorithmique tentent déjà d’intégrer les mutations liées à l’IA, à la big data et aux logiques attentionnelles.

De même, balayer d’un revers de main Marx, Keynes ou Friedman sous prétexte qu’ils ignoraient TikTok relève d’un anachronisme méthodologique. Ces penseurs ont forgé des outils conceptuels puissants (rapport de production, cycles, asymétrie d’information, monnaie endogène, etc.) qui peuvent encore éclairer les dynamiques actuelles, à condition d’être réinterprétés. La critique de l’économie académique classique est légitime, mais son enterrement relève ici d’un raccourci spectaculaire.

 

Ce que l’auteur identifie comme une fin tragique pourrait être interprété, plus justement, comme un moment de basculement paradigmatique. À l’instar de la physique qui a intégré la relativité et la mécanique quantique, l’économie pourrait bien évoluer vers une nouvelle complexité, où la donnée, l’algorithme et le comportement deviennent des objets d’analyse au même titre que le capital et le travail.

 

Le rêve d’une nouvelle science transdisciplinaire : utopie ou nécessité ?

La proposition de créer une « économie des métadonnées », mêlant sociologie, informatique, éthique et théorie des systèmes, mérite en revanche une attention particulière. Elle rejoint les appels croissants à une refonte transdisciplinaire des sciences sociales à l’ère numérique. Toutefois, cette perspective n’exige pas nécessairement de rejeter les sciences économiques, mais plutôt de les refonder sur des bases élargies.

Ce que l’auteur identifie comme une fin tragique pourrait être interprété, plus justement, comme un moment de basculement paradigmatique. À l’instar de la physique qui a intégré la relativité et la mécanique quantique, l’économie pourrait bien évoluer vers une nouvelle complexité, où la donnée, l’algorithme et le comportement deviennent des objets d’analyse au même titre que le capital et le travail.

 

Mais il pèche par excès de radicalité. Plutôt que d’une fin tragique, il serait plus juste de parler d’un moment critique de refondation, où les sciences économiques sont appelées à sortir de leur cloisonnement pour s’ouvrir aux humanités numériques, à la théorie des systèmes, et à l’analyse critique des technologies.

 

In fine, entre crise de légitimité et promesse de refondation…

Le texte de Mahjoub Lotfi Belhedi agit comme un électrochoc intellectuel. Il traduit un malaise bien réel : celui d’une science économique souvent en retard sur les transformations du monde. En ce sens, il a le mérite de bousculer les routines académiques et d’ouvrir le champ à une critique salutaire.

Mais il pèche par excès de radicalité. Plutôt que d’une fin tragique, il serait plus juste de parler d’un moment critique de refondation, où les sciences économiques sont appelées à sortir de leur cloisonnement pour s’ouvrir aux humanités numériques, à la théorie des systèmes, et à l’analyse critique des technologies.

Ce n’est donc pas la mort d’une discipline que nous vivons, mais sa métamorphose.

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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