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La mer saigne la plaie d’un pays muet  

25. Juni 2025 um 07:26

La «marée rouge», observée ces derniers jours dans certains de nos plages, n’est pas qu’une catastrophe écologique, c’est une plaie symbolique, un cri de la nature mais aussi de notre inconscient collectif.

Manel Albouchi *

«Ainsi parle l’Éternel : Par ceci tu sauras que je suis … Voici, je vais frapper les eaux du fleuve… et elles se changeront en sang.» (Exode 7 :17) 

Ces derniers jours, alors qu’on digérait encore l’Aïd, entre deux bouchées de viande trop chère et une prière récité-machinal. Occupés par des gladiateurs modernes courant derrière un ballon d’or, en guettant fébrilement les résultats du bac. Tout en suivant, de loin, une guerre qui n’est pas (encore) la nôtre. Pendant que des chefs d’État s’amusaient encore à qui pisse le plus loin, en comparant la taille de leurs missiles…, le pays, lui, saignait en silence. 

La cacophonie des chantiers accompagne comme une musique de fond une inflammation lente, continue et impitoyable : les produits alimentaires flambent : qu’ils soient industriels ou frais, fruits, légumes, viande… espoir.  

Et la parole ?  

Encore sous silence, mais… 

La mer parle 

Aujourd’hui en jetant un coup d’œil sur l’actualité. Une image m’est restée en tête. Une mer rougeâtre qui lèche les rivages de Monastir, des poissons échoués, un silence trop lourd pour être ignoré. 

Je n’ai pas pu m’empêcher de penser au livre de L’Exode «Moïse leva le bâton… et les eaux furent changées en sang. Les poissons moururent. Le fleuve empestait.» 

À première vue, la science parle d’anoxie, de bloom de microalgues. Des explications rationnelles, techniques, médicales. 

Mais à un autre niveau, plus profond, ces images sont un miroir qui nous demande : que sommes-nous en train de faire ? 

C’est un symptôme 

De mon point de vue (psychanalytique), cette mer rouge n’est pas qu’une catastrophe écologique, c’est une plaie symbolique, un cri de la nature mais aussi de notre inconscient collectif.

L’eau, archétype de l’inconscient, s’est teinte de sang. Les poissons, messagers silencieux de nos profondeurs psychiques, meurent. Et je ne peux m’empêcher de voir dans ce spectacle une métaphore de notre mutisme collectif. 

Une parole qui ne circule plus, des vérités étouffées par l’inflation des discours creux et la corruption des sens. 

Comme si nous étions pris dans un cercle vicieux : plus nous taisons la réalité, plus elle devient toxique. 

Corruption et asphyxie   

La corruption est aussi dans le langage, dans les discours qui sonnent faux, dans les institutions qui tournent à vide, dans la bureaucratie sourde. Et quand le symbolique est corrompu, le biologique suit. Et la mer, alors, rougit.  

En voyant les photos, j’ai eu la nausée : celle d’une société qui pourrait s’asphyxier, d’un peuple privé de souffle, et d’une mer qui, à force d’être blessée, refuse de rester bleue. 

Et peut-être que dans sa rougeur, nous invite-t-elle à l’introspection. Elle nous rappelle que lorsque la parole se bloque, l’inconscient éclate. 

La mer a saigné. Elle nous dit, dans une langue archaïque et rouge : «Réparez le lien ou tout s’effondrera».  

Une plaie moderne  

Je n’ai pas de réponse toute faites, ni de solutions. Mais j’ai une intuition claire «Tant que la parole ne circulera pas entre nous, l’eau non plus ne coulera pas librement.» 

C’est une plaie moderne, une plaie de notre temps, à notre échelle, qui nous appelle à réapprendre à écouter, à pleurer, et à guérir ensemble. 

* Psychothérapeute, psychanalyste.

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