DĂšs les premiers instants, un silence profond a enveloppĂ© la salle du 4e Art Ă Tunis. Alors que le public prenait place pour la cĂ©rĂ©monie du quarantiĂšme jour du dĂ©cĂšs dâAnouar ChaĂąfi, un geste sobre et bouleversant captait les regards par sa portĂ©e symbolique : sa chaise roulante, fidĂšle compagne de ses derniĂšres annĂ©es, avait Ă©tĂ© installĂ©e parmi les spectateurs, Ă la place exacte quâil occupait habituellement, avant dâĂȘtre portĂ©e sur scĂšne, comme pour prolonger son regard vers ce public qui lâa toujours fascinĂ©.
Câest dans une atmosphĂšre chargĂ©e dâĂ©motions, entre nostalgie, douleur, mĂ©lancolie et souvenir, que le Théùtre National Tunisien a commĂ©morĂ©, mardi soir, la mĂ©moire du metteur en scĂšne, dramaturge et critique théùtral disparu le 30 avril 2025, Ă lâĂąge de 75 ans, en prĂ©sence dâun grand nombre dâartistes, dâhommes de culture et de reprĂ©sentants des mĂ©dias.
Dans son hommage, Moez Mrabet, directeur général du Théùtre National Tunisien, est revenu sur le parcours de celui qui a fondé le Centre des arts dramatiques et scéniques de Médenine et dirigé le Théùtre national entre 2011 et 2014.
Anouar ChaĂąfi, qui a laissĂ© plus de vingt Ćuvres théùtrales et une sĂ©rie dâĂ©crits qui continueront Ă nourrir les gĂ©nĂ©rations futures, a toujours dĂ©passĂ© les formes Ă©tablies pour proposer un théùtre expĂ©rimental qui interroge, bouscule et rĂ©vĂšle, a-t-il tĂ©moignĂ© avant de conclure : «Anouar ChaĂąfi restera vivant dans le cĆur des hommes de théùtre et Ă jamais prĂ©sent dans lâhistoire du théùtre tunisien».
Prenant la parole, Nissaf Ben Hafsia, directrice des arts scĂ©niques au ministĂšre des Affaires culturelles, a Ă©voquĂ© avec Ă©motion la perte de celui quâelle considĂ©rait Ă la fois comme un maĂźtre et un ami. Son premier rĂŽle sur scĂšne, se souvient-elle, remonte Ă Oud Romman, une piĂšce produite en 1993 dans le cadre du mouvement théùtral initiĂ© par ChaĂąfi Ă MĂ©denine, alors quâelle Ă©tait encore Ă©tudiante.
Jamel Chandoul, directeur du Centre des arts dramatiques et scĂ©niques de MĂ©denine, a, lui aussi, rendu un dernier salut Ă la mĂ©moire de celui qui, en 1989, fonda la troupe du Théùtre dâexpĂ©rimentation, et, trois ans plus tard, lança le Festival national du théùtre expĂ©rimental. GrĂące Ă lui, MĂ©denine est passĂ©e dâun dĂ©sert artistique Ă un vĂ©ritable havre de crĂ©ation, a-t-il tĂ©moignĂ©. La cĂ©rĂ©monie de commĂ©moration a Ă©galement Ă©tĂ© marquĂ©e par des tĂ©moignages de plusieurs acteurs culturels qui lâont accompagnĂ© tout au long de son parcours, dont notamment Mohsen Ben Mohamed, Lotfi Arbi Snoussi, Ghazi Zaghbani, Ridha Boukadida et Ali Yahyaoui.
Cette commĂ©moration, ponctuĂ©e par lâinterprĂ©tation dâextraits de trois de ses piĂšces, ainsi que par la projection de vidĂ©os dâarchives retraçant les grandes Ă©tapes de son parcours artistique, a pris fin au fil de la voix de la jeune artiste Ichraq Matar dans une interprĂ©tation de la chanson «Kalimet», Ă©crite par Mnaouar Smadah, composĂ©e par Hamadi Ajimi, en guise dâadieu Ă celui qui avait fait du théùtre bien plus quâun mĂ©tier : une vie dĂ©diĂ©e Ă la scĂšne.