« Equip Auto 2025 » : La Tunisie se positionne dans l’industrie automobile du futur
Placée sous le thème « Le secteur automobile face aux transformations mondiales : défis, opportunités et perspectives », la Conférence Equip Auto s’est tenue le 13 mai 2025, à l’initiative conjointe de la Chambre de Commerce et d’Industrie Tuniso-Française (CCITF) et de la Tunisian Automotive Association (TAA). L’événement a été marqué par la signature d’un protocole d’accord entre les deux institutions, renforçant leur collaboration pour accompagner la filière automobile tunisienne dans un contexte en pleine mutation.
Cet engagement a été paraphé par Khelil Chaibi, président de la CCITF, et Myriam Elloumi, présidente de la TAA. Cette collaboration s’inscrit dans le cadre du renforcement des relations économiques entre la Tunisie et la France, en amont de la 27ᵉ édition du salon EQUIP AUTO, prévue à Paris du 14 au 18 octobre 2025. L’accord vise à structurer et intensifier les actions communes déjà entreprises, notamment la promotion de l’équipement automobile tunisien et la mise en œuvre de projets conjoints à l’échelle nationale et internationale.
Trois axes principaux guident cette coopération. Le premier consiste à faciliter les échanges entre entreprises tunisiennes et françaises, en multipliant les opportunités de partenariats industriels et commerciaux. Le deuxième a pour objectif de valoriser l’industrie automobile tunisienne sur le marché français, à travers l’organisation de missions économiques et de rencontres professionnelles. Enfin, le troisième axe prévoit l’organisation d’événements conjoints en Tunisie et en France, afin de renforcer la visibilité de l’écosystème automobile tunisien à l’international.
Un secteur en pleine mutation
Lors d’un panel intitulé « L’impact des mutations mondiales sur l’industrie automobile : entre disruption technologique, transition énergétique et reconfiguration géopolitique », Imed Charfeddine, vice-président de la TAA, a dressé un bilan contrasté du secteur automobile tunisien. Alors que le marché européen, principal débouché historique, connaît un recul marqué, la Tunisie doit se réinventer pour maintenir sa compétitivité.
Face au déclin des marchés traditionnels, les industriels tunisiens explorent de nouvelles opportunités, notamment auprès des constructeurs asiatiques. La Chine s’impose comme un acteur clé, tandis que les investisseurs américains et japonais manifestent un intérêt croissant pour la production de composants électriques. Le tissu industriel local, qui emploie plus de 100 000 personnes, doit désormais évoluer vers des technologies avancées telles que les logiciels embarqués, la connectivité et la maintenance prédictive. La Tunisie dispose d’atouts majeurs, avec une formation solide d’ingénieurs et des coûts salariaux compétitifs, attirant des groupes internationaux comme Leoni et Coficab.
Pour Charfeddine, l’avenir réside dans l’industrie 4.0 et les alliances stratégiques, s’appuyant sur les accords commerciaux avec l’Europe et l’Afrique. Le véhicule électrique, plus accessible à produire, représente une opportunité, tout comme la voiture connectée, où le logiciel joue un rôle central. Dans un secteur en pleine mutation, la Tunisie pourrait tirer son épingle du jeu, à condition d’accélérer sa transformation technologique et de valoriser son vivier de compétences.
Une vision pragmatique des défis à venir
Philippe Baudin, président d’EQUIP AUTO, a pour sa part analysé les mutations du secteur avec lucidité. Il a souligné le basculement du pouvoir automobile vers l’Asie, où la Chine domine désormais avec une production de 30 millions de véhicules, contre 250 000 en 1994. Cette suprématie ne se limite pas aux volumes : la qualité des modèles chinois, comme ceux de BYD vendus à moins de 8 000 euros, rivalise désormais avec des productions européennes bien plus coûteuses, à l’image de la future Renault 5 affichée à 40 000 euros.
La transition électrique, davantage impulsée par les gouvernements que par l’industrie, reste un sujet controversé. Baudin relève que seulement 1,87 % du parc automobile mondial est entièrement électrique, un chiffre modeste au regard des enjeux climatiques. Il questionne l’adéquation de cette technologie aux besoins réels des utilisateurs, soulignant par exemple les limites d’un véhicule urbain comme la Twingo pour une famille nombreuse. Selon lui, l’électrique doit s’adapter aux usages plutôt que l’inverse.
L’Europe, en perte de vitesse industrielle, voit sa production automobile s’effondrer, passant de 4 millions à 1,3 million de véhicules en France. Baudin déplore cette érosion de la souveraineté industrielle, tout en saluant la dynamique positive de pays comme la Tunisie, en pleine expansion.
Enfin, il alerte sur les défis de l’après-vente dans l’ère électrique, où la formation des réparateurs et l’intégration des nouveaux constructeurs chinois poseront des problèmes techniques inédits. À l’approche des 50 ans d’EQUIP AUTO en 2025, Baudin annonce une mobilisation renforcée pour accompagner ces mutations, avec une édition record regroupant 95 % des grands acteurs du secteur. Une vision pragmatique pour une industrie à la croisée des chemins.