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Edito: Banques

11. Mai 2025 um 04:37

Avril-mai 2025, où l’on voit fleurir le printemps des banques. Image inversée de celle que renvoie de lui un immense contingent d’entre- prises à l’agonie. Et c’est loin d’être un simple slogan à la gloire des institutions bancaires. Elles viennent, les unes après les autres, de tenir leurs Assemblées générales. Un moment fort de gouvernement d’entreprise, laissant apparaître une véritable mécanique humaine et professionnelle réglée comme du papier à musique.

Présidents de Conseil, directeurs généraux, administrateurs font face à leurs juges, aux sentences glaciales. Les actionnaires, gros et petits, donnent libre cours à leur exercice favori. Ils scrutent et passent au peigne fin les résultats, les ratios, les prévisions et les projections d’avenir de la banque. Rien qui puisse altérer leur humeur et l’idée qu’ils se font de la banque ne leur échappe.

Cérémonial immuable : présentation dans les règles de l’art de l’activité de la banque, revisitée par les récentes innovations technologiques. Ouverture du bal par le président du Conseil, dont on mesure la parfaite maîtrise des arcanes de la banque et du maquis législatif et procédurier. Rien n’est occulté ou déformé. Les moindres détails sont évoqués et portés à la connaissance d’une Assemblée en état d’alerte maximale, si reconnaissante soit-elle par ailleurs. La transparence est de rigueur, sous l’œil vigilant d’actionnaires initiés aux subtilités des chiffres et aux mystères de l’activité bancaire.

Les commissaires aux comptes ne sont pas en reste : impassibles comme ils savent l’être, ils apportent leur caution et leur onction, mais non sans s’interdire de formuler au passage réserves et recommandations. En la matière, ils jouent gros. Ils engagent plus que leur réputation, leur propre responsabilité. La loi est ainsi faite, elle incrimine le moindre écart et toute forme de complaisance, aussi minime soit-elle. La voie est ainsi balisée pour le DG, le timonier du vaisseau bancaire. Le plus dur reste à faire : présenter et justifier résultats, stratégies, prévisions et projections lointaines. Il doit avoir réponse à tout, face à l’immanquable rituel de la montée des questions et questionnements de la salle qui apostrophe, interpelle souvent sans ménagement toutes les parties prenantes. Il n’est pas rare qu’elle parvienne, à force de détermination, à renverser la table et à décider autrement du sort et du montant des dividendes, principal enjeu d’actionnaires aux revendications tranchées et sans concession.

Epreuve difficile, pénible même, où les dirigeants sont moins encensés qu’obligés de se justifier et de convaincre. Mais bel exercice pour autant de démocratie économique propre à toutes les banques de la place, dont seule la sincérité vaut quitus. Elles sont loin d’évoluer en terrain conquis chez leurs propres actionnaires, aux légitimes attentes, ou auprès des clients, qui sont pourtant fortement sollicités, courtisés, voire adoubés, si l’on en juge par les valeurs portées et défendues par les banques. Ces derniers ont une tout autre résonance du slogan : « Les clients sont rois ». Que n’ont-ils dit au sujet des banques, avec pour ultime reproche qu’elles prospèrent sur les ruines des PME/PMI ! Celles-ci, et pas qu’elles seules, donnent à penser qu’elles sont perçues moins comme partenaires et davantage comme concurrents qu’il faut presser au plus fort pour faire monter le curseur des bénéfices qui font, il est vrai, pâlir d’envie la cohorte des entreprises qui luttent pour leur survie.

L’idée que les banques seraient plus enclines à voler au secours de l’Etat qu’à porter assistance aux entreprises en danger n’est pas dénuée de fondement.

L’idée que les banques seraient plus enclines à voler au secours de l’Etat qu’à porter assistance aux entreprises en danger n’est pas dénuée de fondement. Financer l’économie, en ces temps de morosité et de crise économique larvée ou réelle, expose les banques à des risques aux antipodes des bénéfices garantis générés par les souscriptions de bons du Trésor ou d’emprunts obligataires émis par la puissance publique. L’Etat, jamais rassasié à cause de son déficit fi nancier abyssal, rafle la mise, au point de vampiriser les entreprises et de priver l’économie de liquidité. Il a mieux à faire pour financer ses dépenses courantes que d’asphyxier l’économie et de priver les entreprises d’oxygène par effet d’éviction. On attend de lui qu’il relance les investissements d’avenir, stimule les investissements privés et libère au final l’ensemble des leviers de la croissance.

Les banques ne sont pas pleinement dans leur rôle quand elles s’installent dans leur zone de confort avec la complicité de l’Etat qui se sert d’elles comme d’une bouée de sauvetage. Comment s’en sortir ? Le pourraient-elles ? Le voudraient-elles ? Seule certitude, sans le concours et l’engagement des banques aux côtés de l’Etat tant en monnaie locale qu’en apport en devises, l’histoire aura été écrite autrement. Nos banques ont puisé dans leurs réserves et se sont substituées aux bailleurs de fonds étrangers quand ces derniers nous ont tourné le dos. Elles ont fait voler en éclats le spectre du défaut de paiement. Le concours à l’économie s’en est ressenti surtout pour les ménages et les entreprises offrant peu de garantie.

Leur engagement pour cause d’utilité publique et de devoir national les honore, mais elles n’en restent pas moins des banques, soumises à des impératifs financiers.

Leur engagement pour cause d’utilité publique et de devoir national les honore, mais elles n’en restent pas moins des banques, soumises à des impératifs financiers. Elles ont une obligation de résultat. Elles seront lourdement sanctionnées si les profits, signe de bonne gouvernance dans un marché concurrentiel, ne sont pas au rendez-vous. Et elles ne sont pas les seules à bénéficier de cette manne. L’Etat, plus que les actionnaires, reprend d’une main sous forme d’impôts ce qu’il donne de l’autre, en contrepartie de ce que lui coûtent ses emprunts à répétition.

Il serait inimaginable et contraire à toutes les règles et lois de la gouvernance que les banques n’affichent pas des résultats à la hauteur de leur performance, de leur professionnalisme, de la pertinence de leurs choix et de leurs décisions. Elles sont les plus assujetties à l’impôt et ne cherchent nullement à s’y dérober. De surcroît, leur implication dans la RSE les exonère de tout reproche. Elles ont d’autant plus de mérite qu’elles sont soumises à des contraintes qui relèvent plus de l’ingérence dans leur gestion que de nécessaires règles prudentielles : abandon de 50% sur les taux d’intérêt fixes à plus de 10 ans ; ponction de 8% de leur bénéfice au profit de faibles crédits sans garantie et à taux zéro. Rien de moins qu’un prélèvement supplémentaire qui n’ose pas dire son nom, avec pour effet de provoquer une saignée dans leurs comptes. Il n’y a pas d’équivalent de ces mesures dans le monde. Si le souci d’équité prime dans le second cas, il en va différemment dans le premier: les bénéficiaires ne sont pas tous à plaindre.

Attention danger : à force de trop tirer sur la corde, elle fi nit par se rompre. Que serait, que deviendrait notre économie, si les banques perdaient pied et révélaient une réelle fragilité sous l’avalanche de prélèvements et de ponctions en tout genre ?

Attention danger : à force de trop tirer sur la corde, elle fi nit par se rompre. Que serait, que deviendrait notre économie, si les banques perdaient pied et révélaient une réelle fragilité sous l’avalanche de prélèvements et de ponctions en tout genre ? Il ne peut y avoir d’économie en croissance forte et durable sans un secteur bancaire sain et en pleine confiance. Déjà, l’étroit corset législatif les prive d’initiative. Au surplus, les contraintes d’un autre âge qui leur sont imposées ne leur permettent pas de se positionner aujourd’hui à l’avant-garde des banques de la région. Et ce n’est pas faute d’ambition, d’esprit d’ouverture, d’appétence pour le changement si elles ne figurent pas au-devant de la scène africaine. Notre législation bancaire, notre système de change hérité du passé, inhibent plus qu’ils n’incitent. Ils constituent un frein à l’innovation, à l’ouverture, au développement et à leur capacité disruptive.

Leur réussite les expose à de virulentes critiques, voire à la vindicte populaire. Elles ont du mal – c’est génétique à convaincre, en dépit de leur sollicitation et de l’effort de conquête de sympathie nationale

Leur réussite les expose à de virulentes critiques, voire à la vindicte populaire. Elles ont du mal – c’est génétique à convaincre, en dépit de leur sollicitation et de l’effort de conquête de sympathie nationale. Dire que dans les moments les plus difficiles, elles se sont rangées sous la bannière de l’Etat ! Elles étaient le meilleur garant de notre sécurité et souveraineté nationales. Elles ont évité au pays, resté droit dans ses bottes, un désastre économique et une tragédie financière. Ailleurs, elles auraient eu droit à une infinie reconnaissance et seraient élevées au rang de « meilleure institution » de l’année, suprême consécration.

Il n’est jamais trop tard pour qu’aux grands et fidèles serviteurs du pays, au patriotisme chevillé au corps, la nation soit reconnaissante.

Cet édito est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n° 919 du 7 au 21 mai 2025

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Habib Ammar, candidat au poste de SG de l’ONU Tourisme : « Je souhaite porter une vision engagée d’un tourisme responsable, moteur de croissance économique, de développement inclusif et de durabilité environnementale »

10. Mai 2025 um 11:06

Il a tous les attributs pour prétendre au poste de SG de l’ONU Tourisme. Habib Ammar, on l’aura deviné, s’y est pleinement investi tout au long d’une carrière en tout point réussie. Il s’est construit très tôt une vision globale, mercantile certes, mais profondément humaine du secteur. Il connait et maitrise l’ensemble des ressorts, économiques, sociaux, sociologiques, financiers, psychologiques et humains. Il sait ce que le tourisme signifie et ce qu’il représente, notamment pour les pays en développement qui aspirent à rejoindre le banquet mondial : rien de moins que le cœur battant de leurs économies. Il a aussi et surtout une conscience aiguë de ce que doit être le tourisme : un facteur de paix, de solidarité, d’amitié et de stabilité dans le monde.

Candidat de la Tunisie au poste de SG de l’ONU Tourisme, il affirme vouloir porter une vision engagée d’un tourisme responsable, moteur de croissance économique, de développement inclusif et de durabilité environnementale. En clair, il ne plaide pas que pour notre chapelle, il se fait le messager de tous, voulant ainsi donner aux sans-voix droit au chapitre. Il veut se faire l’avocat des pays privés de moyens financiers, alors que la nature les a dotés de véritables édens qui feront exploser l’activité touristique.

La candidature de Habib Ammar, africain convaincu, est des plus sérieuses. Elle est appuyée comme il se doit par le ministère des Affaires étrangères et de la Migration, qui s’est mobilisé pour la cause. Une candidature, pertinente et légitime, rien qu’à l’énoncé du programme, on ne peut plus convaincant,  concocté par le candidat à cet effet.

Ecoutons-le.

 

Q’est-ce qui justifie ou légitime votre candidature ? 

Pour répondre à votre question, qui est très pertinente, je dirais qu’il ne s’agit pas de la candidature de la personne de Habib Ammar, mais de celle d’un haut cadre du tourisme tunisien, que je suis – et il y en a d’autres. A travers moi, c’est tout le pays et, surtout, c’est tout le secteur touristique tunisien, qui a 60 ans d’existence aujourd’hui, qui se porte candidat. C’est aussi une forme d’hommage fut-ce à titre posthume à tous les pionniers qui ont eu l’intelligence du moment de bâtir un secteur par la seule force des bras et de leur patriotisme. C’est une expérience extrêmement originale. Nous avons été les pionniers en Méditerranée du Sud dans le domaine du tourisme, suivis par beaucoup d’autres pays, il ne faut pas l’oublier. Nous avons été les premiers à investir dans le secteur. Toute l’infrastructure touristique de notre pays a été créée par des Tunisiens et avec des Tunisiens, qui n’avaient, à l’époque, ni connaissance ni formation dans le secteur du tourisme.

 

Pour un pays qui venait d’avoir son indépendance, on comprend que c’était quelque part une expérience inédite.

En effet. Et c’est un point très important. Pourquoi ? Parce que c’est un pays qui, au lendemain de son indépendance, s’est débarrassé de ses complexes pour se mettre au travail, d’une manière souveraine, avec, en ligne de mire, sa croissance économique à travers, notamment, le tourisme.

Il faut savoir qu’au départ, nous n’avons pas fait appel à des chaînes hôtelières européennes pour venir s’installer chez nous. Non. Ce sont des promoteurs tunisiens, sans aucune formation en matière de tourisme, qui ont bâti, avec l’Etat, les premières unités hôtelières. C’est très important à rappeler.

Et comme je le dis toujours, une destination touristique, ce n’est pas simplement des infrastructures touristiques. C’est avant tout la capacité de la population locale à bien accueillir les autres. On peut avoir les plus belles infrastructures du monde, si vous n’avez pas la capacité d’accepter l’étranger, avec sa culture, ses différences, cela ne fonctionnera jamais. C’est là une des spécificités du Tunisien. Le Tunisien est ouvert à l’autre, aux autres cultures.

Pour revenir un peu à votre candidature, en quoi le poste de secrétaire général de l’Organisation mondiale du tourisme peut-il aider à promouvoir le tourisme en général, et le tourisme tunisien en particulier ?

Candidater à ce poste, c’est reconnaitre l’expérience tunisienne dans le domaine. En tant que Tunisien, ce qui me motive le plus, c’est reconnaître l’expérience tunisienne comme une expérience phare dans le développement touristique. C’est un hommage, encore une fois, aux bâtisseurs du tourisme en Tunisie, à tous ceux qui ont joué un rôle dans cette aventure.

N’oublions pas aussi que lorsqu’on parle de l’ONU Tourisme, on parle d’une organisation onusienne de premier plan. C’est une structure qui gère un secteur très spécifique, un secteur qui est en train de traverser des mutations très profondes par rapport aux décennies écoulées.

Ces mutations sont d’abord d’ordre démographique. Ce qui nécessite une adaptation de toutes les entreprises touristiques. Il y a tout d’abord le vieillissement de la population pour lequel il faut se préparer, avec une nouvelle forme de tourisme, très spécifique. Il y a aussi la génération Z,  qui est très connectée. Ce sont des jeunes nés entre 1997 et 2012 et qui représentent aujourd’hui 33% de la population mondiale.

Cette nouvelle génération n’est pas très attirée par les packages des tour- opérateurs. Elle est plus connectée sur les voyages immersifs. Et la troisième chose, c’est cette classe moyenne, dont le nombre augmente de plus en plus. Au niveau international, elle comptera environ 5,3 milliards d’ici 2030. C’est une nouvelle demande qui est en train de bouleverser l’industrie du tourisme.

Ce sont là quelques exemples qui nous rappellent que le secteur du tourisme doit s’adapter. Les destinations doivent repenser leurs infrastructures et services afin de répondre aux nouveaux besoins. C’est là un des chantiers sur lesquels il faut travailler pour promouvoir le tourisme. Mais il y en a d’autres. Il y a tout d’abord le problème de la saturation de certains sites emblématiques. Là, on parle de sur-tourisme, d’un afflux excessif de touristes au point de nuire à la qualité de vie des résidents et à l’expérience des visiteurs.

Pour cela, on peut citer l’archipel des Baléares en Espagne, où il y a eu des manifestations pour demander l’arrêt de l’afflux des touristes, de Venise, une ville de 260 000 habitants, qui reçoit chaque année 5,7 millions de touristes, le Mont Fuji au Japon, classé patrimoine mondial de l’UNESCO et qui est menacé d’érosion à cause de la sur-fréquentation touristique.

Et l’autre grand défi sur lequel il faut travailler, c’est la digitalisation de la compétitivité. Le tourisme est en train de vivre sa révolution digitale et numérique. C’est comme pour toutes les industries. On parle désormais de l’industrie 4.0, avec une technologie numérique qui gère quasiment tous les process. La même révolution est en train de se passer pour le tourisme. On parle désormais de l’expérience immersive et de l’hyperpersonnalisation. Jusque-là, des tour-opérateurs, avec des packages, géraient le secteur.

Mais les temps ont changé. Aujourd’hui, on est face à la réalité virtuelle. On peut, désormais, de son bureau, avec votre ordinateur, visiter la destination choisie, des musées, avant même de s’y rendre. A cela, il faudra ajouter l’intelligence artificielle. On parle désormais de l’analyse des données comportementales. Cela va permettre de personnaliser l’offre. On est donc loin des packages traditionnels. Ce sera, désormais, des voyages taillés sur mesure.

Ce sont donc de grandes opportunités pour le tourisme, mais aussi de nouveaux défis, notamment en matière d’éthique et de protection des données. Il y a en effet ce risque, mais il y a aussi celui d’être face à un secteur à deux vitesses. Avec le développement de ces nouvelles technologies, seules les grandes entreprises auront les moyens de le faire. Les PME n’auront plus leur place. Or, il ne faut surtout pas en arriver là. Il ne faut surtout pas que le software devienne l’apanage des grandes entreprises. Cela va encore plus creuser l’écart entre les pays développés, qui maîtrisent ces technologies, et les pays en voie de développement, qui ne les maîtrisent pas encore.

Il y a enfin un autre défi à surmonter, le plus important, celui de la résilience ou de la transition vers un tourisme durable. Pour ce qui est de la résilience, le secteur du tourisme a toujours eu cette étiquette, celle d’être un secteur sensible, fragile, confronté aux aléas économiques, politiques, sécuritaires, sanitaires. Mais à y voir de plus près, cela se passe sur le court terme. Si on prend l’exemple de la Tunisie, en 15 ans, nous avons connu trois grandes crises. Au lendemain de la révolution de 2011, avec moins 40% d’activités. Deux ans après, nous avons repris. Il y a eu ensuite les attentats de 2015, avec une baisse drastique. Nous avons pu reprendre nos activités trois ans après. Puis, la pandémie de Covid-19, qui a mis tout le monde à genoux. Mais là aussi, le secteur s’en est remis et a repris.

Maintenant, pour ce qui est du problème de la durabilité, il y a  trois volets : environnemental, économique et social et culturel.

Pour le volet environnemental, certains chiffres font froid dans le dos. Le tourisme a généré environ 6,7% des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2023. Il y a aussi le transport aérien, qui est énergivore. Tout cela pour dire que  le secteur est à la fois pollueur, donc victime de sa propre pollution, mais victime également de la pollution des autres secteurs. C’est un phénomène qui menace la viabilité même du secteur et qui pose de vrais problèmes dans certaines régions fortement dépendantes du tourisme.

Un petit exemple : celui des Alpes, en France, où se pratique le tourisme de montagne et de ski. Si la tendance d’effet de serre continue, ces montagnes peuvent perdre jusqu’à 80% de leur couverture neigeuse d’ici 2100. De  même pour les produits balnéaires. Les Iles Maldives, où le tourisme a constitué 18,7 du PIB en 2020, risquent une submersion totale d’ici 2100. Mais n’oublions pas aussi nos plages. Elles sont en train de faire face à une érosion côtière énorme.

Tout cela relève de la responsabilité de l’ONU Tourisme, dont le rôle est de sensibiliser à tous ces phénomènes, d’assister, de concevoir des politiques de décarbonation des différents secteurs, et pas seulement celle du tourisme… L’objectif fixé aujourd’hui, c’est que, d’ici 2030, les émissions de gaz à effet de serre du secteur doivent baisser de 50%.

 

Les quatre défis que vous venez de présenter c’est, quelque part, l’ossature de votre programme.

Il est à la base du constat que je viens de faire. C’est une vision ambitieuse pour faire du tourisme un moteur de développement durable et de prospérité mondiale. C’est un programme qui repose sur sept priorités stratégiques :

Première priorité : Assurer une gouvernance inclusive en vue d’assurer une prise de décision équitable et représentative de tous les membres de l’ONU Tourisme. Une attention particulière sera accordée aux pays les moins développés et aux petits États insulaires. Pour cela, nous proposons l’organisation d’un Forum mondial annuel du Tourisme, avec des recommandations concrètes : création de conseils consultatifs régionaux pour garantir une participation équilibrée des membres ; mise en place d’une plateforme interactive pour recueillir les retours en temps réel des États membres et des acteurs privés.

Deuxième priorité : Développer un tourisme durable et responsable pour en faire un moteur de croissance respectueux de l’environnement et des communautés locales. Ainsi, les actions de l’ONU Tourisme seront alignées sur les Objectifs de Développement Durable (ODD), en favorisant l’écotourisme et l’autonomisation des communautés locales. Pour cela, nous allons plaider pour la création d’un Fonds Vert qui financera des projets durables dans les régions vulnérables. Nous allons aussi développer des modèles d’écotourisme adaptés aux contextes culturels et environnementaux des pays émergents.

Troisième priorité : Réduire la fracture numérique et accélérer la transition digitale du secteur. L’intelligence artificielle, le big data et les plateformes de tourisme intelligent seront au cœur de la modernisation du secteur. Une attention particulière sera portée aux pays en développement et au continent africain.

Pour cela, nous allons travailler pour la création d’un accélérateur numérique du tourisme pour financer l’adoption technologique dans les pays en développement. Nous veillerons, par ailleurs, à la collaboration avec les grandes entreprises technologiques pour offrir des solutions accessibles et abordables aux acteurs du tourisme. 

Quatrième priorité : Renforcer la formation et l’éducation aux métiers du tourisme pour les nouvelles générations et ce, à travers le développement de l’expertise locale, la mobilisation de ressources financières et le partage des connaissances. Pour cela, nous œuvrerons pour la création d’une Académie mondiale du Tourisme ou pour des centres de formation régionaux qui offriront des formations adaptées aux régions sous-représentées. Des bourses et des programmes d’échange pour les étudiants et professionnels des pays en développement seront mobilisés.

Cinquième priorité : Améliorer la résilience du secteur et ses mécanismes de gestion des crises à travers la mise en place de stratégies au profit des Etats membres pour faire face aux crises sanitaires, climatiques ou économiques.  Pour cela, nous allons plaider pour la mise en place d’un Fonds d’urgence pour aider les économies sinistrées dépendantes du tourisme.

Sixième priorité : accorder plus de transparence et de rigueur dans la gestion de l’organisation.

L’ONU Tourisme adoptera des normes strictes de transparence et de responsabilité à travers le renforcement et la modernisation des outils de contrôle, de suivi et de formation des cadres. Pour cela, il y aura un tableau de bord des performances pour suivre et publier l’impact des actions de l’organisation, qui garantira une gestion efficace et équitable. 

Septième priorité : Promouvoir la diversité et l’égalité des opportunités dans le secteur touristique. Il s’agit de faire du tourisme un levier d’autonomisation des femmes, des jeunes et des populations marginalisées. On œuvrera pour cela lors  du lancement du Programme mondial pour l’équité dans le tourisme, avec bourses, mentorats et financements et lors du lancement d’un programme « Femmes, leaders du tourisme» pour encourager le leadership féminin. Dans le même sens, une initiative sera lancée pour favoriser l’emploi des jeunes dans les métiers du tourisme.

Un programme ambitieux. Mais avant de vous lancer, avez-vous  procédé à quelques consultations avec les pays frères et amis pour appuyer un peu cette candidature ?

Cela relève beaucoup plus de la diplomatie tunisienne. Je suis le candidat de la Tunisie en tant que compétence formée dans le secteur.

Maintenant, voilà comment cela se passe : trente-cinq pays forment le Conseil exécutif. C’est là où se déroule le premier vote. C’est celui qui obtient la majorité simple qui sera recommandé à l’Assemblée générale de l’ONU Tourisme, qui se tiendra à Riyad en novembre prochain. C’est elle qui validera.

Voilà un peu le process. Mais pour revenir à votre question, le plus important, c’est que je sois le candidat de la Tunisie. Notre pays va présenter l’une de ses compétences.

 

Précisément, que peut-on savoir sur le candidat Habib Ammar ?

En 1995, c’est au cabinet du ministre du Commerce, puis au cabinet du ministre de l’Industrie, de l’Energie et des PME, que j’ai consolidé mon expertise en matière de gestion économique et de leadership. En 2005, j’ai intégré le ministère du Tourisme en tant que responsable du Programme national de la mise à niveau touristique, avant d’être nommé directeur de cabinet du ministre du Tourisme en 2008, avec un rôle clé : l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies nationales de développement touristique, notamment en présidant le comité de pilotage de l’étude « le tourisme tunisien à l’horizon 2016 », menée par le bureau d’études Roland Berger.

J’ai été ensuite directeur général de l’Office national du tourisme tunisien à une période extrêmement difficile, de 2010 à 2014, avec comme mission de mener une stratégie de diversification de l’offre touristique tunisienne qui dépasse le modèle balnéaire traditionnel. Ma mission était de développer de nouveaux segments à forte valeur ajoutée tels que le tourisme médical, golfique, culturel, de congrès, de bien-être…

Ensuite, en tant que président-directeur général du Groupe touristique Sousse Nord – El Kantaoui, j’ai lancé plusieurs actions structurantes qui ont permis la modernisation et la digitalisation de la gestion des infrastructures de la station touristique, de son port de plaisance et de l’ensemble des sociétés filiales du Groupe. Cette approche a permis de consolider la renommée méditerranéenne de cette destination phare du tourisme tunisien. C’était en 2015, au lendemain des attentats terroristes de Sousse.

En 2020, mon parcours a été couronné par ma nomination en tant que ministre du Tourisme et ministre de la Culture par intérim. C’était en pleine crise sanitaire de la Covid. On parle là des deux ministères les plus impactés par cette pandémie. Cela m’a donné, quand même, une bonne expérience en termes de gestion de crise.

 

Un mot pour conclure, pour résumer votre programme et votre vision pour l’ONU Tourisme.

Je dirais que les mutations que le secteur est en train de connaître nécessitent une stratégie qui doit être collective, qui implique tout le monde : gouvernements, entreprises, citoyens, associations professionnelles…

Mais l’ONU Tourisme a un rôle important, essentiel à jouer dans cette mutation qualitative du tourisme international, celui de coordonner, de conseiller, d’orienter, de sensibiliser, d’assister et d’informer les pays membres. Pour être efficace, l’ONU Tourisme est appelée à renforcer son partenariat avec d’autres agences spécialisées de l’organisation : ONUDI, PNUD, etc.

Un dernier mot. Aujourd’hui, on s’approche de la fin de l’agenda 2030. Le prochain mandat d’ONU Tourisme, c’est 2026-2029. Donc, il y a nécessité d’entamer, dès à présent, la réflexion sur la période post-agenda 2030. Et dans cette tâche, l’ONU Tourisme doit être précurseur. C’est dès maintenant qu’il faut réfléchir, parce que le tourisme est l’un des secteurs les plus menacés.

Il ne faut pas oublier que le tourisme est l’un des piliers de l’économie mondiale. C’est l’un des secteurs les plus dynamiques et les plus influents.

Selon l’ONU Tourisme, en 2024, le PIB direct issu du tourisme va représenter 3% du PIB mondial. Si on ajoute l’effet indirect, l’effet induit, le tourisme représentera 10% du PIB mondial. Le secteur a généré plus de 348 millions d’emplois à travers le monde, soit 1 emploi sur 10 environ. Les recettes du tourisme international ont atteint près de 1 600 milliards de dollars en 2024. À cela, s’ajoute l’effet de synergie sur d’autres secteurs : le commerce international, le transport aérien, les loisirs, la restauration, l’industrie, les services, l’artisanat, etc.

Le tourisme est, par ailleurs, et c’est très important, un secteur à très fort potentiel de croissance. Le nombre d’arrivées des touristes internationaux atteindra 1,8 milliard d’ici 2030, selon les projections de l’ONU Tourisme faites avant la Covid-19. Ce sera probablement plus de 1,8 milliard d’ici 2030.

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Cette interview est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n° 919 du 9 au 23 mai 2025

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