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Edito: Banques

11. Mai 2025 um 04:37

Avril-mai 2025, où l’on voit fleurir le printemps des banques. Image inversée de celle que renvoie de lui un immense contingent d’entre- prises à l’agonie. Et c’est loin d’être un simple slogan à la gloire des institutions bancaires. Elles viennent, les unes après les autres, de tenir leurs Assemblées générales. Un moment fort de gouvernement d’entreprise, laissant apparaître une véritable mécanique humaine et professionnelle réglée comme du papier à musique.

Présidents de Conseil, directeurs généraux, administrateurs font face à leurs juges, aux sentences glaciales. Les actionnaires, gros et petits, donnent libre cours à leur exercice favori. Ils scrutent et passent au peigne fin les résultats, les ratios, les prévisions et les projections d’avenir de la banque. Rien qui puisse altérer leur humeur et l’idée qu’ils se font de la banque ne leur échappe.

Cérémonial immuable : présentation dans les règles de l’art de l’activité de la banque, revisitée par les récentes innovations technologiques. Ouverture du bal par le président du Conseil, dont on mesure la parfaite maîtrise des arcanes de la banque et du maquis législatif et procédurier. Rien n’est occulté ou déformé. Les moindres détails sont évoqués et portés à la connaissance d’une Assemblée en état d’alerte maximale, si reconnaissante soit-elle par ailleurs. La transparence est de rigueur, sous l’œil vigilant d’actionnaires initiés aux subtilités des chiffres et aux mystères de l’activité bancaire.

Les commissaires aux comptes ne sont pas en reste : impassibles comme ils savent l’être, ils apportent leur caution et leur onction, mais non sans s’interdire de formuler au passage réserves et recommandations. En la matière, ils jouent gros. Ils engagent plus que leur réputation, leur propre responsabilité. La loi est ainsi faite, elle incrimine le moindre écart et toute forme de complaisance, aussi minime soit-elle. La voie est ainsi balisée pour le DG, le timonier du vaisseau bancaire. Le plus dur reste à faire : présenter et justifier résultats, stratégies, prévisions et projections lointaines. Il doit avoir réponse à tout, face à l’immanquable rituel de la montée des questions et questionnements de la salle qui apostrophe, interpelle souvent sans ménagement toutes les parties prenantes. Il n’est pas rare qu’elle parvienne, à force de détermination, à renverser la table et à décider autrement du sort et du montant des dividendes, principal enjeu d’actionnaires aux revendications tranchées et sans concession.

Epreuve difficile, pénible même, où les dirigeants sont moins encensés qu’obligés de se justifier et de convaincre. Mais bel exercice pour autant de démocratie économique propre à toutes les banques de la place, dont seule la sincérité vaut quitus. Elles sont loin d’évoluer en terrain conquis chez leurs propres actionnaires, aux légitimes attentes, ou auprès des clients, qui sont pourtant fortement sollicités, courtisés, voire adoubés, si l’on en juge par les valeurs portées et défendues par les banques. Ces derniers ont une tout autre résonance du slogan : « Les clients sont rois ». Que n’ont-ils dit au sujet des banques, avec pour ultime reproche qu’elles prospèrent sur les ruines des PME/PMI ! Celles-ci, et pas qu’elles seules, donnent à penser qu’elles sont perçues moins comme partenaires et davantage comme concurrents qu’il faut presser au plus fort pour faire monter le curseur des bénéfices qui font, il est vrai, pâlir d’envie la cohorte des entreprises qui luttent pour leur survie.

L’idée que les banques seraient plus enclines à voler au secours de l’Etat qu’à porter assistance aux entreprises en danger n’est pas dénuée de fondement.

L’idée que les banques seraient plus enclines à voler au secours de l’Etat qu’à porter assistance aux entreprises en danger n’est pas dénuée de fondement. Financer l’économie, en ces temps de morosité et de crise économique larvée ou réelle, expose les banques à des risques aux antipodes des bénéfices garantis générés par les souscriptions de bons du Trésor ou d’emprunts obligataires émis par la puissance publique. L’Etat, jamais rassasié à cause de son déficit fi nancier abyssal, rafle la mise, au point de vampiriser les entreprises et de priver l’économie de liquidité. Il a mieux à faire pour financer ses dépenses courantes que d’asphyxier l’économie et de priver les entreprises d’oxygène par effet d’éviction. On attend de lui qu’il relance les investissements d’avenir, stimule les investissements privés et libère au final l’ensemble des leviers de la croissance.

Les banques ne sont pas pleinement dans leur rôle quand elles s’installent dans leur zone de confort avec la complicité de l’Etat qui se sert d’elles comme d’une bouée de sauvetage. Comment s’en sortir ? Le pourraient-elles ? Le voudraient-elles ? Seule certitude, sans le concours et l’engagement des banques aux côtés de l’Etat tant en monnaie locale qu’en apport en devises, l’histoire aura été écrite autrement. Nos banques ont puisé dans leurs réserves et se sont substituées aux bailleurs de fonds étrangers quand ces derniers nous ont tourné le dos. Elles ont fait voler en éclats le spectre du défaut de paiement. Le concours à l’économie s’en est ressenti surtout pour les ménages et les entreprises offrant peu de garantie.

Leur engagement pour cause d’utilité publique et de devoir national les honore, mais elles n’en restent pas moins des banques, soumises à des impératifs financiers.

Leur engagement pour cause d’utilité publique et de devoir national les honore, mais elles n’en restent pas moins des banques, soumises à des impératifs financiers. Elles ont une obligation de résultat. Elles seront lourdement sanctionnées si les profits, signe de bonne gouvernance dans un marché concurrentiel, ne sont pas au rendez-vous. Et elles ne sont pas les seules à bénéficier de cette manne. L’Etat, plus que les actionnaires, reprend d’une main sous forme d’impôts ce qu’il donne de l’autre, en contrepartie de ce que lui coûtent ses emprunts à répétition.

Il serait inimaginable et contraire à toutes les règles et lois de la gouvernance que les banques n’affichent pas des résultats à la hauteur de leur performance, de leur professionnalisme, de la pertinence de leurs choix et de leurs décisions. Elles sont les plus assujetties à l’impôt et ne cherchent nullement à s’y dérober. De surcroît, leur implication dans la RSE les exonère de tout reproche. Elles ont d’autant plus de mérite qu’elles sont soumises à des contraintes qui relèvent plus de l’ingérence dans leur gestion que de nécessaires règles prudentielles : abandon de 50% sur les taux d’intérêt fixes à plus de 10 ans ; ponction de 8% de leur bénéfice au profit de faibles crédits sans garantie et à taux zéro. Rien de moins qu’un prélèvement supplémentaire qui n’ose pas dire son nom, avec pour effet de provoquer une saignée dans leurs comptes. Il n’y a pas d’équivalent de ces mesures dans le monde. Si le souci d’équité prime dans le second cas, il en va différemment dans le premier: les bénéficiaires ne sont pas tous à plaindre.

Attention danger : à force de trop tirer sur la corde, elle fi nit par se rompre. Que serait, que deviendrait notre économie, si les banques perdaient pied et révélaient une réelle fragilité sous l’avalanche de prélèvements et de ponctions en tout genre ?

Attention danger : à force de trop tirer sur la corde, elle fi nit par se rompre. Que serait, que deviendrait notre économie, si les banques perdaient pied et révélaient une réelle fragilité sous l’avalanche de prélèvements et de ponctions en tout genre ? Il ne peut y avoir d’économie en croissance forte et durable sans un secteur bancaire sain et en pleine confiance. Déjà, l’étroit corset législatif les prive d’initiative. Au surplus, les contraintes d’un autre âge qui leur sont imposées ne leur permettent pas de se positionner aujourd’hui à l’avant-garde des banques de la région. Et ce n’est pas faute d’ambition, d’esprit d’ouverture, d’appétence pour le changement si elles ne figurent pas au-devant de la scène africaine. Notre législation bancaire, notre système de change hérité du passé, inhibent plus qu’ils n’incitent. Ils constituent un frein à l’innovation, à l’ouverture, au développement et à leur capacité disruptive.

Leur réussite les expose à de virulentes critiques, voire à la vindicte populaire. Elles ont du mal – c’est génétique à convaincre, en dépit de leur sollicitation et de l’effort de conquête de sympathie nationale

Leur réussite les expose à de virulentes critiques, voire à la vindicte populaire. Elles ont du mal – c’est génétique à convaincre, en dépit de leur sollicitation et de l’effort de conquête de sympathie nationale. Dire que dans les moments les plus difficiles, elles se sont rangées sous la bannière de l’Etat ! Elles étaient le meilleur garant de notre sécurité et souveraineté nationales. Elles ont évité au pays, resté droit dans ses bottes, un désastre économique et une tragédie financière. Ailleurs, elles auraient eu droit à une infinie reconnaissance et seraient élevées au rang de « meilleure institution » de l’année, suprême consécration.

Il n’est jamais trop tard pour qu’aux grands et fidèles serviteurs du pays, au patriotisme chevillé au corps, la nation soit reconnaissante.

Cet édito est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n° 919 du 7 au 21 mai 2025

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