Pollution plastique, transport illicite de migrants, trafic de stupĂ©fiants, piraterie et harcĂšlement des femmes marinsâŠ
Ces mots résonnent presque comme des événements ordinaires. Ces activités criminelles se sont toutes intensifiées au cours des derniÚres années avec un point commun : celui de se dérouler sur les mers et les navires.
Car la mer, espace de libertĂ©, dâĂ©changes, de communication et de commerce, est aussi celui de tous les risques. Ă lâinstar des 90% de marchandises qui inondent les quatre coins de la planĂšte, câest la voie maritime la plus prisĂ©e pour le transport de produits illicites.
Que lâon parle de trafic dâarmes, de stupĂ©fiants, de biens de contrefaçon ou encore de traite dâĂȘtres humains, le constat est le mĂȘme: les trafiquants savent que la mer offre le meilleur moyen dâaccomplir leurs sombres desseins. NoyĂ©es dans la masse des quelque 27 millions de tonnes qui sillonnent les ocĂ©ans chaque jour, leurs cargaisons sont ainsi acheminĂ©es en toute discrĂ©tion.
Pollution plastique : un massacre sous lâeau
Chaque minute, ce sont 17 tonnes de dĂ©chets plastiques, soit lâĂ©quivalent dâun camion poubelle qui sont dĂ©versĂ©es dans la mer. La pollution plastique, câest 9 Ă 12 millions de tonnes de dĂ©chets plastiques chaque annĂ©e. Chaque annĂ©e 1,5 million dâanimaux marins meurent Ă cause du plastique. Lâon recense 1.400 espĂšces affectĂ©es. En 2050, si nous nâagissons pas, la mer contiendra plus de plastiques que de poisson.
Quand un bateau de plaisance jette lâancre le long des cĂŽtes, câest comme couper quatre arbres dans une forĂȘt pour garer sa voiture. Alors que dans huit cas sur dix on peut mouiller Ă cĂŽtĂ© sur le sable. Lâancre jetĂ©e arrache les posidonies sur, des kilomĂštres. Pourtant, les vastes forĂȘts sous-marines que forme cette plante Ă fleurs â les herbiers de Posidonie, â fournissent des services Ă©cosystĂ©miques dâune valeur inestimable. Elles constituent en premier lieu une source de nourriture ; de nombreuses espĂšces de poissons et de crustacĂ©s viennent sây nourrir et sây reproduire. Poumons de la MĂ©diterranĂ©e, les posidonies produisent de lâoxygĂšne et permettent la vie aquatique et une bonne qualitĂ© des eaux littorales. Elles sont en mĂȘme temps une arme contre le rĂ©chauffement climatique.
Des dauphins sont pĂȘchĂ©s par milliers accidentellement, des tortues de mer Ă©chouent dans les filets. Lâhomme est responsable Ă 75% de la dĂ©gradation de lâĂ©cosystĂšme terrestre. Il est Ă lâorigine de la disparition de 85% des zones humides, il est la cause de la disparition de 32 millions dâhectares de forĂȘt tropicale entre 2010 et 2015. Le continent africain, qui subit de plein fouet la grande sĂ©cheresse et ses consĂ©quences environnementales, connaĂźt mieux que quiconque les effets nĂ©fastes du changement climatique : dĂ©forestation, disparition du couvert vĂ©gĂ©tal et dâespĂšces rares, avancĂ©e Ă grands pas du dĂ©sert, assĂšchement des plaines, le tout corroborĂ© par la rĂ©duction paradoxale du lac Tchad dont la superficie est passĂ©e de 25.000 km2 dans les annĂ©es 60 Ă moins de 3.000 km2 actuellement !
Une richesse précaire
Le bassin mĂ©diterranĂ©en est le deuxiĂšme lieu au monde le plus riche en termes de biodiversitĂ© : riche en diversitĂ© vĂ©gĂ©tale avec plus de 25.000 espĂšces de plantes. Les forĂȘts mĂ©diterranĂ©ennes et les autres terres boisĂ©es de la rĂ©gion apportent une contribution vitale au dĂ©veloppement rural, Ă la rĂ©duction de la pauvretĂ© et Ă la sĂ©curitĂ© alimentaire, ainsi quâaux secteurs de lâagriculture, de lâeau, du tourisme et de lâĂ©nergie. Cependant, les espaces protĂ©gĂ©s ne couvrent que 9 millions dâhectares, soit 4,3% de la superficie totale de la rĂ©gion.
Et les crimes contre la biodiversitĂ© sont commis depuis des siĂšcles en mer ou sur terre mais il y a aussi dâautres crimes qui voient le jour.
Criminalité en mer
En effet, transport illicite de migrants, trafic de stupéfiants, piraterie⊠ces mots résonnent presque comme des événements ordinaires. Ces activités criminelles se sont toutes intensifiées au cours des derniÚres années avec un point commun : celui de se dérouler sur les océans.
Car la mer, espace de libertĂ©, dâĂ©changes, de communication et de commerce, est aussi celui de tous les trafics. Ă lâinstar des 90% de marchandises qui inondent les quatre coins de la planĂšte, câest la voie maritime la plus prisĂ©e pour le transport de produits illicites.
Que lâon parle de trafic dâarmes, de stupĂ©fiants, de biens de contrefaçon ou encore de traite dâĂȘtres humains, le constat est le mĂȘme : les trafiquants savent que la mer offre le meilleur moyen dâaccomplir leurs sombres desseins. NoyĂ©es dans la masse des quelque 27 millions de tonnes qui sillonnent les ocĂ©ans chaque jour, leurs cargaisons sont ainsi acheminĂ©es en toute discrĂ©tion.
Une recrudescence criminelle
Et ces activitĂ©s criminelles ne datent pas dâhier. QualifiĂ©s dâ«ennemis communs Ă tous» par CicĂ©ron, les pirates sĂ©vissaient dĂ©jĂ durant lâAntiquitĂ©. TrĂšs rĂ©pandue, la piraterie permettait alors dâalimenter les marchĂ©s dâesclaves. Jules CĂ©sar lui-mĂȘme aurait Ă©tĂ© capturĂ© pendant sa jeunesse au large de Pharmacuse, petite Ăźle grecque de la mer ĂgĂ©e. Ce vĂ©ritable flĂ©au est dâailleurs Ă lâorigine des premiĂšres lois antipirate adoptĂ©es en lâan 1011 et 102.
Plus rĂ©cent, le narcotrafic nâa vu le jour quâau XIXe siĂšcle. Il sâest progressivement dĂ©veloppĂ© pour acquĂ©rir une dimension planĂ©taire et devenir un rĂ©el phĂ©nomĂšne globalisĂ© au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Opium, morphine, cocaĂŻne, cannabis⊠tous ces stupĂ©fiants ont empruntĂ© et continuent dâemprunter la mer, vĂ©ritable «voie royale» dont les avantages sont multiples. Plus rentable, plus sĂ»re, plus discrĂšte; la solution maritime sâimpose nettement face au transport par avion ou par ĂȘtre humain.
Peu onĂ©reuse, elle offre Ă©galement lâavantage de permettre lâacheminement dâimportantes quantitĂ©s de stupĂ©fiants sur des embarcations aussi diverses que variĂ©es : voiliers, mini-submersibles, go-fast, navires de commerce, cargos, cĂ©rĂ©aliers, porte-conteneurs⊠Ils recĂšlent tous un nombre considĂ©rable de cachettes potentielles pour dissimuler la marchandise prohibĂ©e. Et il faut dire quâen la matiĂšre, les trafiquants ne manquent pas dâimagination : double coques, cloisons, faux plafonds, rĂ©ceptacles Ă©tanches soudĂ©s sur la partie immergĂ©e de la coque⊠Chaque centimĂštre carrĂ© est susceptible dâĂȘtre exploitĂ© et dĂ©tournĂ© de sa fonction initiale.
Cette constatation vaut Ă©galement pour le transport dâarmes, vĂ©ritable flĂ©au contre lequel il est techniquement trĂšs difficile de lutter au regard des formidables quantitĂ©s de marchandises que peuvent transporter les gĂ©ants des mers au quotidien. Seul un trĂšs faible pourcentage de conteneurs peut ĂȘtre inspectĂ© Ă leur arrivĂ©e dans les ports. Ce contrĂŽle Ă©tant principalement effectuĂ© sur des cargaisons ayant Ă©veillĂ© les soupçons, les trafiquants dâarmes ont su Ă nouveau se parer contre cette Ă©ventualitĂ©. PlutĂŽt que de faire appel Ă des transporteurs peu scrupuleux qui pourraient susciter la mĂ©fiance des agents douaniers et portuaires, ils recourent Ă des armateurs de renommĂ©e mondiale. Les nouvelles technologies peuvent Ă©galement trouver leur place dans ce marchĂ© criminel : entre 2011 et 2013, des trafiquants ont piratĂ© le systĂšme informatique du port dâAnvers pour effacer la trace de certains conteneurs au chargement clandestin avant de les soustraire aux transporteurs maritimes en toute discrĂ©tion.
HarcĂšlement
Selon Cleopùtra Doumbia-Henry, directrice du Département des activités sectorielles du BIT, « les femmes ne représentent que 1 à 2% du 1,25 million de marins recensés dans le monde ». Cependant, « elles constituent 17 à 18% des effectifs des navires de croisiÚre. 94% des femmes marins travaillent dans le transport de passagers (dont 68% sur des ferries et 26% sur des bateaux de croisiÚre) et 6% dans le transport de marchandises (porte-conteneurs, pétroliers, etc.).
Quant Ă leurs emplois, certaines sont capitaines, chefs mĂ©caniciens ou officiers. Mais, dans lâensemble, les femmes font partie du personnel hĂŽtelier des navires qui transportent des passagers », souligne-t-elle. Parmi celles-ci, 51,2% sont originaires de pays de lâOrganisation de coopĂ©ration et de dĂ©veloppement Ă©conomique (Ocde), 23,6% de lâEurope de lâEst, 9,8% de lâAmĂ©rique latine et de lâAfrique, 13,7% de lâExtrĂȘme- Orient et 1,7% de lâAsie du Sud et du Moyen-Orient.
HarcĂšlement et autres agressions
Face Ă cette prolifĂ©ration du nombre de femmes Ă bord, on assiste dans le monde entier Ă une prise de conscience croissante concernant la violence et le harcĂšlement Ă bord des navires, y compris le harcĂšlement sexuel, les actes dâintimidation et les agressions sexuelles, qui viennent sâajouter Ă des conditions de travail dĂ©jĂ difficiles pour ces femmes.
Dâailleurs, pour soutenir les actions encourageant les femmes Ă pĂ©nĂ©trer le domaine maritime, le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâOMI, M. Arsenio Dominguez, a dĂ©clarĂ© Ă Londres : «Nous restons inĂ©branlables dans notre engagement Ă crĂ©er un environnement de travail sĂ»r et respectueux Ă bord». Reconnaissant quâil sâagit non seulement dâun impĂ©ratif moral, mais aussi dâune nĂ©cessitĂ© pratique pour la croissance durable du secteur, nous nous engageons Ă prĂ©venir et Ă combattre les actes dâintimidation et le harcĂšlement dans le secteur maritime. «Notre objectif commun est clair : rĂ©pondre aux attentes des gens de mer, du secteur, des administrations et du grand public en faisant en sorte que le secteur des transports maritimes soit exempt de toute forme dâagression». Pour sa part, le Directeur du DĂ©partement des politiques sectorielles de lâOIT (Sector), M. Frank Hagemann, a soulignĂ© Ă ce propos quâil est «essentiel que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour rĂ©soudre les problĂšmes qui peuvent amener les gens de mer expĂ©rimentĂ©s Ă quitter la mer ou dissuader les jeunes femmes dâembrasser la profession. Toute forme dâactes dâintimidation, de harcĂšlement ou de violence est en contradiction directe avec le concept mĂȘme de travail dĂ©cent. Il doit y avoir une tolĂ©rance zĂ©ro Ă lâĂ©gard de ce type de comportement».
A cet effet, le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâOMI encourage les Ătats Membres, dans son message, Ă agir pour que «les femmes puissent ĂȘtre formĂ©es au mĂȘme titre que les hommes dans leurs instituts maritimes et acquiĂšrent ainsi le haut niveau de compĂ©tence exigĂ© pour travailler dans le secteur».
Dâailleurs, lâOMI agit en faveur de lâĂ©galitĂ© des sexes et de lâautonomisation des femmes en octroyant des bourses Ă des femmes, en leur permettant dâaccĂ©der plus facilement Ă des formations techniques de haut niveau dans le secteur maritime des pays en dĂ©veloppement et en crĂ©ant un environnement favorable Ă lâidentification et Ă la sĂ©lection de femmes, par lâintermĂ©diaire des autoritĂ©s dont elles dĂ©pendent, pour une Ă©volution de carriĂšre dans les administrations maritimes, les ports et les Ă©tablissements de formation maritime.
Campagne de sensibilisation internationale
Le lancement dâune campagne internationale conjointe OIT-OMI, avec le soutien des Ătats membres de lâOIT et de lâOMI, des gens de mer, des propriĂ©taires de navires, des organisations gouvernementales et non gouvernementales, afin de sensibiliser le public Ă cette question, a aussi Ă©tĂ© Ă©voquĂ©. Il sâagit dâencourager les gouvernements Ă lancer des campagnes nationales en collaboration avec les partenaires sociaux et dâautres organisations nationales.
Le Groupe de travail tripartite mixte a demandĂ© aux SecrĂ©tariats de lâOMI et de lâOIT dâĂ©tudier les moyens de collecter des donnĂ©es, de maniĂšre appropriĂ©e, sur la violence et le harcĂšlement, y compris le harcĂšlement sexuel, les actes dâintimidation et les agressions sexuelles dans le secteur maritime.
M.KN