Ces derniers temps, l’industrie de l’huile d’olive en Tunisie, un secteur historique et stratégique pour l’économie du pays, traverse une période de turbulences. Alors que la production d’huile d’olive en 2024 est abondante, les producteurs se retrouvent confrontés à des défis majeurs, notamment une chute des prix, une faible rentabilité et une organisation du marché déficiente. Après un bon moment de difficultés, la question se pose : est-il encore temps de sauver ce secteur vital, ou bien sommes-nous proches de la fin de la crise ?
Une crise aux multiples facettes
Le constat est sans appel : le secteur oléicole tunisien vit des heures difficiles. En dépit d’une récolte exceptionnelle cette année, la rentabilité des agriculteurs est mise à mal par une baisse significative des prix de l’huile d’olive.
Selon Leith Ben Becher, fondateur du Syndicat des agriculteurs de Tunisie, le prix actuel sur le marché local oscille entre 15 et 16 dinars le litre, bien en dessous des coûts de production. Ce prix ne permet même pas de couvrir les frais de récolte, de transformation et de distribution, laissant les producteurs dans une situation précaire.
“Le prix de l’huile d’olive actuel n’est pas suffisant pour assurer la viabilité économique des exploitations oléicoles… La baisse des prix combinée aux difficultés de distribution et de stockage crée un gouffre financier pour les agriculteurs tunisiens », a-t-il expliqué, lors de son intervention sur les ondes d’Express Fm ce 18 décembre.
L’un des facteurs clés de cette crise réside aussi dans la concurrence internationale accrue. Alors que la Tunisie est l’un des plus grands producteurs mondiaux d’huile d’olive, elle se heurte à des prix de plus en plus compétitifs sur les marchés étrangers, notamment en Espagne et en Italie, qui dominent le marché global. L’exportation, un secteur clé pour la Tunisie, devient ainsi moins rentable et le pays fait face donc à une guerre des prix, ce qui fragilise davantage les producteurs locaux.
Ben Becher a également souligné qu’il existe un écart considérable entre les prix locaux et ceux pratiqués sur les marchés internationaux, ce qui complique encore la compétitivité de l’huile d’olive tunisienne sur le marché mondial. “Cette disparité de prix, couplée à une faible rentabilité, met en péril la pérennité du secteur oléicole en Tunisie”, a-t-il ajouté.
Les racines du problème : une organisation défaillante
Au-delà des enjeux économiques, la gestion des stocks et la distribution de l’huile d’olive souffrent d’un manque d’organisation efficace. Les mécanismes de suivi du marché, essentiels pour ajuster l’offre à la demande, sont inexistants ou trop peu développés. La situation est d’autant plus complexe en raison de la faible intégration des nouvelles technologies dans la filière oléicole, comme l’utilisation de systèmes de surveillance satellitaires ou d’outils de gestion des stocks plus modernes.
Dans ce cadre, Ben Becher a souligné l’importance de réorganiser le secteur. “Il est crucial de repenser le modèle économique de l’huile d’olive, de renforcer la gestion des stocks et de mettre en place des mécanismes de distribution qui permettent de répondre à la demande internationale sans sacrifier les prix locaux”, a-t-il insisté.
Une autre cause profonde de la crise réside dans l’absence d’une organisation cohérente du secteur oléicole tunisien. En effet, en l’absence de coordination entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs, le secteur souffre de déséquilibres structurels. Cette fragmentation génère des tensions qui perturbent la fixation des prix et la distribution des volumes de production. Une réforme urgente du secteur est donc indispensable pour éviter une nouvelle aggravation de la situation.
Une opportunité de renouveau ?
Néanmoins, dans ce contexte sombre, certains experts estiment qu’il existe encore des pistes de sortie de crise. L’amélioration des techniques de production, l’introduction de nouvelles variétés d’olives et l’adoption de technologies avancées pour la gestion de la production et du stockage pourraient redonner de l’élan à ce secteur stratégique.
Le développement de circuits de distribution plus efficaces et la mise en place de politiques publiques favorisant la structuration de la filière sont aussi des leviers importants pour alléger la pression sur les producteurs. De plus, la valorisation de l’huile d’olive tunisienne sur les marchés internationaux pourrait permettre à la Tunisie de renforcer sa position et d’augmenter la rentabilité du secteur.
La clé de la réussite réside, selon les experts, dans une révision complète du modèle de production et de commercialisation de l’huile d’olive, dans le but de rendre ce secteur plus compétitif, plus organisé et plus résilient face aux crises futures.
Si des réformes en profondeur sont mises en place, avec un soutien accru des autorités et des acteurs du secteur, il pourrait sortir renforcé de cette crise. Toutefois, sans action rapide et efficace, ce pilier de l’agriculture tunisienne risque de voir ses fondations sérieusement ébranlées.
La question reste donc en suspens : est-il encore temps de sauver ce secteur stratégique, ou allons-nous plonger à nouveau dans cette crise sans fin ?
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