A l’heure où les rapports de force mondiaux évoluent à grande vitesse, la Tunisie doit repenser sa place sur l’échiquier international. Entre partenariats historiques, ouverture sur de nouveaux horizons et relance de l’ancrage africain, le pays dispose d’innombrables atouts pour peser davantage sur la scène régionale et mondiale.
La Presse — En 2025, la Tunisie se trouve à un carrefour géostratégique crucial, confrontée à des défis internes et externes tout en explorant de nouvelles opportunités pour renforcer sa position sur la scène internationale. En d’autres termes, de nos jours, la Tunisie navigue dans un environnement géopolitique complexe. D’où la nécessité d’équilibrer ses relations traditionnelles avec l’Europe tout en explorant de nouveaux partenariats. Sa position stratégique en Méditerranée, combinée à une volonté de diversification, pourrait lui permettre de renforcer son rôle sur la scène régionale, à condition de maintenir sa stabilité intérieure et la continuité de ses choix diplomatiques.
Un environnement régional en recomposition
De l’avis de divers géopoliticiens, historiquement, la Tunisie a traditionnellement adopté une politique d’équilibre vis-à-vis de ses voisins maghrébins. Pour revitaliser la coopération régionale, la Tunisie a rejoint le G3 Maghreb en 2024, aux côtés de l’Algérie et de la Libye. Cette initiative vise à renforcer les échanges économiques et sécuritaires, en réponse à l’inertie de l’Union du Maghreb Arabe.
L’Union européenne demeure un partenaire économique de premier plan pour la Tunisie, contribuant au financement de projets de développement et représentant un débouché essentiel pour ses exportations. Si la coopération reste active, elle s’inscrit désormais dans un contexte plus complexe, marqué par des attentes croissantes en matière de réformes structurelles et de gouvernance. Le mémorandum d’entente signé en juillet 2023 traduit une volonté commune de renforcer le partenariat, tout en ouvrant la voie à de nouveaux ajustements dans les priorités économiques et stratégiques.
Ouverture vers de nouveaux partenariats
Face aux défis économiques et à la nécessité de diversifier ses partenariats, la Tunisie a annoncé en mai 2025 son adhésion à l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route ». Cette décision marque une volonté de renforcer la coopération avec la Chine, notamment dans les domaines des infrastructures et du développement économique. Ce serait, à bien des égards, un choix aussi stratégique que bénéfique pour un pays qui cherche à garantir et sa souveraineté nationale et ses intérêts économiques et stratégiques.
D’ailleurs, dans son livre récemment paru sous l’intitulé « Le temps des prédateurs », le grand théoricien des relations internationales, François Heisbourg, fait état d’une Europe fragilisée, qui peine à se défendre face à « ces nouveaux prédateurs que sont la Chine, désormais superpuissance consciente de son rang historique —, la Russie — insatisfaite de l’ordre postsoviétique sur le Vieux continent, et, les États-Unis », cette grande puissance soucieuse de préserver son hégémonie sur le monde.
Bouleversements géopolitiques majeurs
Les principaux acteurs européens semblent être passés, de l’avis du géopoliticien, « de prédateurs à proies ». Et la Tunisie n’a qu’à explorer ses atouts majeurs pour savoir tirer profit de ces bouleversements majeurs. De par l’intérêt grandissant des puissances émergentes dont la Chine et la Russie pour la Tunisie, parmi ces atouts, figure en premier son appartenance à un continent qui se veut l’avenir de l’économie mondiale, d’après les géostratèges les plus en vue.
Les pistes à explorer et les choix à privilégier pourraient être africains. Car l’Afrique, c’est bientôt une population de plus de 2 milliards d’hommes et une classe moyenne de plus de 300 millions de consommateurs, selon des statistiques officielles.
Et si les grandes puissances continuent à se bousculer aux portes d’un continent qui ne cesse d’attiser les convoitises, c’est que son attrait est irrésistible.
La 8e Conférence internationale de Tokyo pour le développement en Afrique (Ticad 8), organisée par le Japon avec les Nations unies, la Banque mondiale et l’Union africaine, les 27 et 28 août dernier, à Tunis, nous a été une grande opportunité à saisir pour ensuite définir une vraie politique africaine. Second pays du continent, après le Kenya en 2016, à accueillir la rencontre afro-japonaise, la Tunisie n’a pas capitalisé ce grand événement pour mieux voyager en Afrique subsaharienne.
Et pourtant, les Tunisiens détiennent un héritage exceptionnel, notamment celui des Carthaginois qui avaient le monopole du trafic de la Méditerranée occidentale, en Sardaigne, en Afrique et en Espagne dès le VIe siècle.
Vaut mieux être un élément opérationnel que décoratif
Sur le terrain de jeu des relations internationales, il y a des éléments opérationnels et d’autres décoratifs. Si notre pays a auparavant relevé du deuxième rang, il a aujourd’hui l’occasion de changer de camp.
Dans un contexte national faisant place à la souveraineté nationale et à la dignité des Tunisiens et dans un contexte international régi par des bouleversements majeurs, l’on serait en mesure d’explorer de nouveaux horizons.
Sauf que négocier d’égal à égal avec les puissants du monde implique préparation et précaution. Car « en stratégie comme à la chasse, il vaut mieux ne pas courir plusieurs risques à la fois ».
Force est de constater qu’il y a aujourd’hui d’autres pôles économiques florissants dans le monde, notamment le pôle des Brics+ (Afrique du Sud, Brésil, Chine, Egypte, Emirats arabes unis, Ethiopie, Inde, Indonésie, Iran, Russie).
L’Adhésion de l’Arabie saoudite, officiellement annoncée, est finalement suspendue.
Ces Brics élargis représentent environ 45 % de la population mondiale et 35 % du PIB mondial en parité de pouvoir d’achat. Avec l’ajout de l’Iran et des Emirats arabes unis, le bloc a augmenté sa production combinée de pétrole de près de 50 % et représente désormais près de 30 % de la production pétrolière mondiale, selon l’Energy Institute.
Voilà donc les bouleversements géopolitiques à méditer pour ensuite tracer la trajectoire à emprunter.