Eclairages – Tensions géopolitiques, décisions monétaires et chocs pétroliers : quels impacts pour l’économie tunisienne ?
Alors que le Moyen-Orient s’embrase à nouveau avec un regain de tensions entre Israël et l’Iran, les marchés internationaux réagissent par des hausses des cours du pétrole et une recrudescence des incertitudes. En toile de fond, les grandes Banques centrales, à commencer par la Réserve fédérale, s’apprêtent à dévoiler leurs décisions monétaires.
Pour la Tunisie, à la croisée de ces dynamiques, les répercussions pourraient être multiples, touchant aussi bien sa balance énergétique que son inflation et ses marges budgétaires.
- Le choc géopolitique au Moyen-Orient : un effet domino sur les cours du pétrole
La nouvelle escalade militaire entre l’Iran et Israël a ravivé les craintes d’un embrasement régional. Les frappes aériennes échangées ont fait des victimes civiles et renforcé la perception d’un risque géopolitique accru, notamment sur les marchés pétroliers. Les prix du Brent ont rebondi à plus de 74 dollars le baril, et pourraient repartir à la hausse en cas de conflit prolongé ou d’atteinte aux infrastructures énergétiques du Golfe.
Pour la Tunisie, qui importe la quasi-totalité de ses besoins en hydrocarbures, une flambée durable des prix du pétrole pèserait lourdement sur sa facture énergétique, creusant à la fois le déficit commercial et les charges budgétaires de compensation. Une hausse des cours mondiaux se traduirait inévitablement par des tensions inflationnistes, au moment même où l’économie peine à contenir la hausse des prix.
- Le G7 et la diplomatie en échec : vers un désordre mondial renforcé ?
Réunis au Canada, les dirigeants du G7 tentent de contenir l’escalade. Mais au-delà des appels à la désescalade entre Israël et l’Iran, le sommet est aussi miné par les tensions commerciales avec les États-Unis, notamment sur la question des droits de douane sur l’acier et l’aluminium.
Pour la Tunisie, ce désordre commercial mondial est source d’instabilité indirecte. En tant qu’économie extravertie et dépendante de ses exportations, notamment vers l’Union européenne, toute dégradation du commerce mondial affecte ses débouchés extérieurs. L’incertitude ambiante alimente par ailleurs une réticence des investisseurs internationaux, affectant l’attractivité d’un pays déjà fragilisé par un climat des affaires hésitant.
- Banques centrales face à l’inflation importée : vers un resserrement monétaire généralisé ?
La Réserve fédérale américaine semble vouloir maintenir le statu quo sur ses taux, mais une pression haussière liée à la remontée des prix de l’énergie pourrait rebattre les cartes. En Europe et dans les pays scandinaves, d’autres banques centrales s’apprêtent également à ajuster leur politique monétaire en fonction de la dynamique inflation-croissance.
Pour la Tunisie, ces décisions monétaires auront un effet de contagion : une politique monétaire restrictive dans les pays développés implique un renchérissement du coût de la dette extérieure, notamment pour un pays comme la Tunisie dont la dette est en grande partie libellée en devises. Cela pourrait accentuer la pression sur le dinar et rendre plus difficile le financement du déficit budgétaire. De plus, la Banque centrale de Tunisie (BCT) pourrait se retrouver contrainte d’ajuster sa propre politique pour contenir les effets de second tour de l’inflation importée.
- Consommation mondiale et commerce international : les signaux restent mitigés
Aux États-Unis, les ventes au détail s’annoncent en recul, et les signaux sur le moral des consommateurs sont contrastés. En Chine, la production industrielle ralentit, bien que les ventes au détail aient montré une certaine résilience.
Ces dynamiques mondiales pèsent sur la demande extérieure adressée à la Tunisie, que ce soit pour ses exportations industrielles ou ses recettes touristiques. Le ralentissement de la croissance mondiale — notamment dans les deux grandes puissances économiques — fait peser un risque baissier sur les perspectives d’exportation, dans un contexte où la Tunisie peine déjà à équilibrer sa balance courante.
In fine, quelles marges de manœuvre pour la Tunisie ?
Dans un environnement mondial dominé par les incertitudes géopolitiques, les tensions sur les prix de l’énergie et le durcissement monétaire, la Tunisie doit plus que jamais activer ses leviers internes. Cela implique : une rationalisation de la politique de subventions énergétiques pour en limiter les effets budgétaires, une relance ciblée de la production nationale pour réduire sa dépendance aux importations, une diplomatie économique active pour attirer des flux d’investissements dans les secteurs à haute valeur ajoutée.
Mais surtout, le pays doit anticiper les chocs exogènes à venir, en renforçant ses mécanismes de résilience et en consolidant la crédibilité de sa politique macroéconomique.
Dans ce contexte volatil, la prévisibilité et la cohérence des choix économiques internes deviennent une condition sine qua non pour éviter un dérapage incontrôlé.
Entre flambée pétrolière, durcissement monétaire international et fragmentation géopolitique, l’économie tunisienne se retrouve prise dans un effet ciseaux. La situation actuelle impose une lecture stratégique des évolutions mondiales, et une adaptation rapide des politiques économiques locales. Plus que jamais, la capacité à agir avec lucidité et réactivité devient la clef de voute de la stabilité économique future.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)
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