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Heute — 22. September 2025Haupt-Feeds

Par Mehdi Taje: De l’impératif d’un radar ou sonar géopolitique pour les entreprises tunisiennes ( 1ère partie)

22. September 2025 um 11:13

La réflexion stratégique et géopolitique, couplée à de rigoureuses méthodes d’anticipation et de prospective, s’impose plus que jamais face aux tumultes du monde : ce n’est plus une approche réservée à une élite, c’est un impératif de survie pour tout décideur tunisien public ou privé évoluant dans le grand tourbillon géopolitique et géoéconomique ambiant. « Gérer au jour le jour et toujours trouver un moyen de s’en sortir en limitant les pertes » était possible par le passé : aujourd’hui, cela relève d’un « suicide stratégique ».

La grande bascule géopolitique et géoéconomique mondiale

Face aux grands chambardements géopolitiques et géoéconomiques nous propulsant dans un monde chargé d’incertitudes, de menaces et de risques mais aussi d’opportunités, un monde émietté, « archipellisé », un monde fracturé, un monde en ébullition stratégique et dérégulé où les amortisseurs de chocs sont inopérants, un monde où les prédateurs sortent du bois, les décideurs tunisiens ne pourront indéfiniment faire le dos rond et attendre que cela passe !!!! La Tunisie n’est pas un espace clos protégé des turbulences. Nous sommes face à un nouveau monde encore en gestation et, cette fois-ci, ça ne passera pas sans remise en cause de notre manière d’appréhender cette nouvelle réalité nébuleuse dans laquelle nous baignons et sans changer radicalement de logiciel. Un « reset » mental et de management et de leadership s’impose. La guerre économique et monétaire en cours, la fragmentation géoéconomique recomposant les chaînes de valeur, la guerre technologique, l’impact majeur du changement climatique sur la rive sud de la Méditerranée, les chocs géopolitiques, sécuritaires, sanitaires, sociaux, cyber, etc. sont autant de vecteurs de profonds bouleversements amplifiant nos angles de vulnérabilité intérieure et impactant directement notre tissu économique et nos chefs d’entreprise. « La fin de l’histoire » fait place à un retour en force de l’histoire, de la géographie, de l’Homme, bref de la géopolitique. C’est le temps de la lucidité, du réalisme et du sursaut face à l’imprévisibilité croissante.

L’entreprise plus exposée que jamais

Longtemps, l’entreprise a cherché à évoluer à l’abri des préoccupations et des incidences géopolitiques, « comme si les marchés étaient des espaces commerciaux protégés, des bulles de paix et de prospérité, préservés des évolutions et des chocs géopolitiques ». Aujourd’hui, deux mots dominent la presse économique mondiale : géopolitique et innovation. Prise dans la tourmente d’une mondialisation effrénée de plus en plus remise en cause et rejetée par les peuples, cette vision idéale, quasi utopique, a volé en éclats. Aujourd’hui, à la lumière des bouleversements géopolitiques, économiques, sociaux et financiers, du jeu des forces profondes opaques et du reclassement en cours des puissances sur fond d’exacerbation des rivalités, tout marché est menacé, les frontières ne constituant plus ces barrières réputées infranchissables. En effet, historiquement, toute reconfiguration des rapports de puissance et des sphères d’influence ne s’est jamais faite dans la paix et la sérénité. Les entreprises tunisiennes ne peuvent plus prétendre échapper à cette réalité, à moins de faire preuve d’un aveuglement coupable. Des secousses, même lointaines, ne peuvent plus être ignorées et doivent être intégrées dans la stratégie de toute entreprise soucieuse d’assurer sa pérennité et de consolider ses parts de marché.

Aujourd’hui, globalisé ou inversement fragmenté, le marché de l’entreprise est paradoxalement un territoire « déterritorialisé », fuyant, incertain, évolutif et poreux. Dans cette optique, les marchés sont autant d’espaces à conquérir, à investir et à tenir face aux assauts d’une concurrence de plus en plus acerbe. Le caractère national est dilué et relativisé. Portés par la révolution numérique et digitale, de nouveaux acteurs aux pouvoirs surpassant parfois ceux des Etats émergent et redessinent les rapports de force par le contrôle de l’information. Les GAFA et leurs rivaux chinois sont le laboratoire de ce nouveau champ de confrontation risquant d’asservir les individus et les petites PME. Les conflits font naître ou disparaître des marchés de plus en plus conditionnés par l’évolution des rapports de force entre Etats ou tout autre acteur influent. Des ensembles régionaux se constituent ou se fragmentent, des acteurs disparaissent ou inversement émergent, constituant ainsi de puissantes dynamiques de restructuration des champs économiques.

Les risques vus par le Forum Economique Mondial de Davos (WEF) : polycrises, mégachocs, etc.

Dans le rapport « Global Risks Report 2025 » du Forum Economique mondial de Davos paru le 15 janvier 2025[1], pour la première fois depuis la fin de la Guerre Froide, le risque de conflit armé est classé en premier par les experts et chefs d’entreprises consultés. Le changement climatique arrive en second suivi de la confrontation géoéconomique, de la désinformation et de la guerre de l’information et de la polarisation, voire fragmentation, des sociétés.

[1] Ce rapport est téléchargeable avec toutes ces conclusions au lien suivant : https://www.weforum.org/publications/global-risks-report-2025/digest/

 

Cinq risques majeurs qui n’épargneront pas notre voisinage et la Tunisie. A titre simplement illustratif, sur fond d’exacerbation des tensions à l’échelle maghrébine dopée par une course à l’armement de plus en plus prononcée sur fond de déstabilisation et de risque de balkanisation ou de somalisation de la ceinture de sécurité du sud de la Tunisie, le Sahel africain, les impacts du changement climatique avec la multiplication d’événements extrêmes mettent à rude épreuve nos sociétés et nos économies. La Méditerranée se réchauffe 20% plus vite que le reste de la planète et la zone MENA, dont le Maghreb, sera la plus impactée par le stress hydrique à l’horizon 2050. Le manque d’eau et son impact sur l’agriculture vont lourdement peser sur l’avenir du Maghreb et de la Tunisie. Voici les risques classés par priorité pour la Tunisie selon le rapport du Forum Mondial de Davos du 15 janvier 2025 :

Dans ce contexte de stress hydrique sévère, classé en premier en 2025, des mesures urgentes doivent être adoptées pour en mitiger les effets. L’adaptation au changement climatique doit être érigée en urgence nationale. En effet, avec un probable réchauffement terre-océan de 2 à 4 degrés à l’horizon 2050 selon certains experts parmi les plus avertis, c’est une autre Tunisie qui se dessinera. Faisons en sorte que ce soit celle vers laquelle nous voulons tendre, c’est-à-dire le scénario volontariste et souhaitable. Face au stress hydrique, la carte de l’agriculture tunisienne risque d’être profondément bouleversée générant, si rien n’est mis en place à court et moyen termes, des migrations internes significatives. Certains experts, à la faveur de cet exode rural, estime que le Grand Tunis pourrait augmenter d’un million d’habitant à un horizon de 30 ans avec tous les coûts que cela signifie à l’échelle nationale. Certains experts évaluent ces coûts dans une fourchette oscillant entre 10 et 20 milliards de dinars à l’horizon 2050.

Une autre menace majeure pour le tissu économique tunisien serait incarnée par une possible extension vers l’UE du modèle de reshoring américain, en pleine expansion, qui frapperait de plein fouet et réduirait notre secteur de la sous-traitance, pourtant le plus dynamique, en particulier pour l’export.

Mutations, chocs violents et bouleversements internes et externes s’entremêlent suivant une alchimie complexe qu’il convient d’être en mesure de déchiffrer pour se prémunir des risques et saisir les opportunités. Sans boussole stratégique, le chef d’entreprise est comme un voyageur traversant le désert à l’aveugle, sans aucun savoir, ni instrument de navigation. Compte tenu des conditions extrêmes, il a peu de chance de s’en sortir.

Ainsi, « sans anticipation des enjeux et mutations géopolitiques, toute entreprise hypothèque son avenir, sa compétitivité, ses performances, voire sa survie par une dilution de l’action dans la gestion quotidienne et la tyrannie du présent ».

Tunis, le 22 septembre 2025

Mehdi Taje

Directeur de Global Prospect Intelligence

Senior expert en géopolitique et en méthodologies de la prospective et de l’anticipation

 

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