Le poème du dimanche | ‘‘Abyme de l’origine’’ de Habib Tengour
Habib Tengour, poète et anthropologue algérien, est né en 1947 à Mostaganem. Il a publié plus de quinze ouvrages (poésie, prose, théâtre, essais) dans des maisons d’édition algériennes et françaises.
L’œuvre des Tengour est traduite dans plusieurs langues (anglais, allemand, arabe, italien, etc.). Il partage son temps entre l’Algérie et la France. Il traduit vers le français, des poètes anglais (Pierre Joris, Charles Bernstein, Cole Swensen), allemands (Hans Thill) et arabes (Saâdi Youssef, Chawki Abdelamir, Moncef Louhaïbi). Il a obtenu le prix Dante de poésie européenne, en 2016, pour l’ensemble de son œuvre poétique et en 2022, le prix Benjamin Fondane. En décembre 2023. Le Centre culturel Laurentum lui a décerné le prix « Dante Alighieri » à Rome. Il édite la collection «Poèmes du Monde» aux éditions APIC (Alger).
Tahar Bekri
Sept cartes de vœux pour Nono*
La langue est moitié de l’homme le cœur l’autre moitié / le reste n’est rien que semblant de sang et de chair.
Zohayr ibn abî Salma
Cadran
Disposition vue ouverte / épreuve inédite / de quelle utilité se prévaloir / expérience terme vital
Manifestement une hésitation / intégrer ce moment autrement / lumineux et plein de joie / laissé sans voix mais calme étant prêt au périple
Doucement destin déserte / invisible existence soumise / à / expertise peut-être recommencer /
Havre où espérer retrouver les amis / noués en gerbes au banquet / irascibles héros d’Homère trouvant / Temps long avant de se vêtir de gloire
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Serpentins
Don de décembre au milieu des guirlandes / épisode à suivre prochainement
Uniprix le cinéma désaffecté / jeunesse exposée aux grands boulevards
Mirage sans conséquence, l’avenir / importance moindre / ludique Place de la Bastille / large journée / entamée à flâner poches vacantes
Décidément les rêves sont têtus / impossible en venir à bout / à expulser forcenés /
Ho là là illuminé / retour d’une Saison /
dépouillée des couleurs tendres / autrefois à la Madrague
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Départ
Déployée cœur aguerri / euphorie du matin / usage épuisant réserves / à examiner toutes les nuances
Mot qu’elle destine d’autorité / comment résister alors / louange exigée à grands frais / lucide pourtant / emplois détournés du chant
Durant le temps que dure / intensément nourri cet / exil volontaire de l’aimée /
Haletant tu interroges / un débris dans la cendre /
incertain d’y trouver ce trésor de mémoire
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Diaphane
Découvrir le blanc du jour / enveloppe d’un manteau / utopie contrée paradoxale / au réveil
Mirage floconnant / intensément tous ces livres feuilletés / lisant à peine quelques lignes / espoir d’un retour à tête reposée
Diaphane ce qui est retenu / inéluctable évacué dans un angle / extrême alcôve mélancolique /
Habitué à tenir dragée haute / user délicatement / incliner les étoiles / toits brûlants de tes émois
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Hokusaï à la rescousse
Déchirure de la nuit quand s’ / enfonce au coin de l’œil / une étoile t’
abandonne / exsangue au seuil de l’immeuble là tu espères sans / illusion trouver refuge / lundi soir comme couteau / lame effilée dans l’ / embrasure de la porte
Défilent soudain les / images emmagasinées / exil atopique /
Hokusaï ne peut te voir en peinture / à l’heure de l’addition / il y a un bonbon sur la / Table desservie
***
Devant le seuil
Débordement d’or et de bleu / éclosion de désirs à la folie / urticante au milieu des tournesols / exultant de rosée craintive-
-ment les yeux gonflés de rêves / interdits à la divulgation / illicites selon les décrets du jour / lune et soleil n’ayant mot à dire / enfuis une durée indéterminée
Depuis lors à guetter une éclaircie / immédiatement perceptible / cette expression fugace des lèvres /
Honte à ceux qui assèchent nos perspectives / uniquement livrer passage à l’acier / interprétant le Livre dans le noir / terreurs englouties en haute mer
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Station
Déhanchement du jour / éclat des pierres du Dahra / un rêve longtemps secret exhale / fragrances oubliées
Merveille te voir dire / incliné sur l’oreiller /
regard ébloui riant / lumière projeté dans l’espace /
étriqué de la pièce soudain explose
Derrière nos angoisses sauvages / indiscipline du cœur aimant /
excès mettant le corps en déroute sans /
Hésiter une seconde devant l’ /unique issue du danger s’ /
inquiéter à quoi bon / trouble mué en pépites sur le drap blanc
Poèmes inédits (Remerciements à l’auteur)
* Noureddine Saâdi, écrivain et universitaire algérien (Note de la rédaction).
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