Habib Kazdaghli présente à Marseille son ouvrage sur l’histoire des juifs en Tunisie
Mercredi 29 janvier 2025, la librairie Transit de Marseille a accueilli l’historien tunisien Habib Kazdaghli pour la présentation de son ouvrage ‘‘Les Juifs, nos frères en la patrie’’ (préfacé par Lucette Valensi, éditions Santillana, Tunis 2025). La rencontre a permis au public de découvrir une approche novatrice de l’histoire des minorités dans les pays musulmans autour de la Méditerranée.
Djamal Guettala
Les communautés minoritaires des pays musulmans ont souvent été étudiées à travers le prisme de leurs propres descendants ou de chercheurs adoptant une perspective ethno-religieuse cloisonnée. Ces travaux, bien que riches, avaient tendance à isoler chaque groupe sans le mettre en relation avec ses voisins. De plus, l’histoire de ces communautés était fréquemment présentée sous un prisme victimaire, insistant sur l’oppression subie, d’abord sous le régime de la dhimma, puis dans des États modernes pratiquant la discrimination et l’exclusion.
Un regard historique audacieux
Les historiens des narrations nationales, quant à eux, ont généralement minimisé ou ignoré la place de ces minorités dans l’histoire des pays majoritairement musulmans.
Habib Kazdaghli, historien tunisien de tradition musulmane, rompt avec cette approche. Son travail ne vise pas à embellir ou à réécrire l’histoire, mais à la recomposer en intégrant pleinement les minorités dans le récit national.
En inscrivant l’histoire des minorités – et notamment celle des Juifs de Tunisie – dans l’histoire nationale, il met en lumière la richesse du passé tunisien. Comme il le souligne : «La Tunisie a vu défiler sur son sol des Berbères, des Phéniciens, des Arabes, des Juifs, des Andalous, des Maltais, des Siciliens, des Français. La Tunisie est un creuset de rencontres entre l’Orient et l’Occident. C’est un travail de recherche rigoureux qui a mis en lumière des dimensions culturelles, sociales et économiques qui, au fil des siècles, ont contribué à façonner l’identité tunisienne. Et je mets en valeur la présence juive en Tunisie.»
Cette approche brise un tabou en intégrant les minorités dans la mémoire collective nationale, au-delà des frontières religieuses et ethniques.
L’importance de cette démarche a d’ailleurs été mise en avant par Kapitalis, qui a consacré un article au livre ‘‘Les Juifs, nos frères en la patrie’’ sous le titre «Habib Kazdaghli et l’identité plurielle de la Tunisie», publié le 28 novembre 2024. Cet article souligne le rôle fondamental de l’historien dans la redécouverte et la valorisation de la diversité qui a façonné la Tunisie au fil des siècles.
Un échange enrichissant avec le public
Après la présentation de son ouvrage, Habib Kazdaghli a répondu aux nombreuses questions du public. Parmi les points abordés, il a insisté sur un enjeu fondamental du métier d’historien : la surveillance exercée à la fois par les autorités religieuses et politiques. Il a rappelé que les historiens, en particulier ceux qui s’intéressent aux minorités et aux récits alternatifs, sont souvent confrontés à des pressions qui cherchent à orienter ou à limiter leur travail.
Cette tension entre la quête de vérité historique et les contraintes imposées par le pouvoir ou les dogmes religieux est un défi constant dans les sociétés contemporaines. Habib Kazdaghli a souligné que son travail repose sur des recherches de terrain rigoureuses, menées avec une démarche académique qui vise à dépasser ces pressions et à offrir une lecture objective et documentée du passé.
L’échange s’est terminé par une séance de dédicaces, permettant aux participants de prolonger la discussion avec l’auteur et d’acquérir un exemplaire personnalisé de son ouvrage.
Cette soirée à la librairie Transit a offert une réflexion précieuse sur l’histoire des minorités et leur place dans les récits nationaux. Elle a également mis en avant l’importance d’une historiographie ouverte et inclusive, qui dépasse les cloisonnements identitaires pour proposer une lecture plus nuancée du passé.
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