Anutin Charnvirakul, l’héritier conservateur qui veut stabiliser la Thaïlande
Saxophoniste amateur, pilote d’avion et héritier d’un empire du BTP, Anutin Charnvirakul, 58 ans, a été nommé Premier ministre de Thaïlande ce vendredi, au terme d’un jeu d’alliances politiques complexe, dans un pays toujours marqué par des années d’instabilité. C’est ce qu’indique TV5 Monde.
Centriste conservateur, plusieurs fois ministre et habitué des arcanes du pouvoir thaïlandais, Charnvirakul émerge comme le pari de l’opposition pour sortir le royaume d’une crise politique persistante.
Son ascension au sommet de l’exécutif, soutenue par le Parti du peuple — jusque-là principale force d’opposition —, lui permet de succéder à Paetongtarn Shinawatra, destituée la semaine dernière. Un changement de cap inattendu qui rebat les cartes dans une monarchie parlementaire habituée aux coups de théâtre, écrit TV5 Monde.
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Issu d’une dynastie et élevé dans les cercles du pouvoir
Fils d’un ancien ministre de l’Intérieur et Premier ministre par intérim lors de la crise de 2008, Anutin Charnvirakul est l’héritier d’une influente famille d’affaires ayant bâti sa fortune dans la construction. Leur entreprise familiale, l’une des plus puissantes du pays, a remporté des contrats publics majeurs, dont la construction de l’aéroport international de Bangkok et du nouveau Parlement, précisément là où Anutin a été désigné Premier ministre.
Diplômé en ingénierie industrielle à New York, il fait ses premiers pas en politique dans les années 1990 comme conseiller au ministère des Affaires étrangères. Il occupera ensuite des postes clés dans plusieurs gouvernements successifs, dont ceux de la Santé, de l’Intérieur, et la vice-primature à trois reprises entre 2019 et 2025 — une longévité exceptionnelle dans une scène politique thaïlandaise souvent instable.
« Caméléon politique », selon ses détracteurs, Anutin a su s’adapter à des coalitions parfois idéologiquement opposées, consolidant sa réputation d’homme de compromis autant que d’opportunisme.
Une image populaire soigneusement travaillée
Surnommé « Noo » — la « souris » en thaïlandais —, Anutin cultive une image de proximité avec le public, contrastant avec son statut d’élite économique. Sur les réseaux sociaux, il s’affiche décontracté, cuisinant en short ou jouant de la pop thaïlandaise au saxophone ou au piano. Il pilote également ses propres avions, qu’il utilise, dit-il, pour transporter des malades ou livrer des organes.
Sa carrière n’a pourtant pas été exempte de revers. Membre à l’origine du parti de Thaksin Shinawatra — figure majeure du camp réformateur —, il a été interdit d’activité politique pendant cinq ans en 2007, à la suite de la dissolution du parti pour fraude électorale. Il mettra cette parenthèse à profit pour se consacrer à l’aviation…
Une coalition improbable, un avenir incertain
Après les élections législatives de 2023, son parti rejoint une coalition avec le camp de Thaksin, refusant toutefois toute alliance avec les partis progressistes. Ironie du sort : ce sont précisément ces derniers qui viennent de le propulser à la tête du gouvernement, dans une alliance de circonstance pour éloigner la famille Shinawatra du pouvoir.
Mais cette union reste fragile, pensent certains analystes de la scène politique thaïlandaise. En juin dernier, le Bhumjaithai avait déjà claqué la porte de la coalition, dénonçant la gestion jugée laxiste du gouvernement sur les tensions frontalières avec le Cambodge.
Figure hybride, entre conservatisme assumé et modernité affichée, Anutin Charnvirakul s’installe aujourd’hui au sommet du pouvoir dans un pays en quête de stabilité. Reste à savoir s’il saura apaiser les tensions politiques chroniques tout en répondant aux attentes d’une société de plus en plus polarisée.
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