Littérature | À la recherche de la tombe de Tahar Ouettar
Hier, mercredi 13 août 2025, à l’occasion de l’anniversaire de la disparition de l’écrivain algérien Tahar Ouettar, un ami m’a raconté sa visite au cimetière d’El Alia, à Alger, où il est inhumé. Avec quelques proches, il voulait se recueillir sur la tombe du romancier.
Djamal Guettala
À l’entrée, le gardien l’oriente directement vers le carré des martyrs. Mais le groupe préfère passer par l’administration du cimetière. Sur place, accueil chaleureux, archives classées par année, carte détaillée et application recensant les défunts : tout semble prévu pour faciliter la recherche.
Pourtant, impossible de trouver le lieu exact de la sépulture de l’écrivain. Après avoir tenté plusieurs pistes, y compris celle des défunts du 13 août 2010, ils n’obtiennent aucun résultat. Sur le point d’abandonner, ils retournent au carré des martyrs… et finissent par trouver la tombe.
En sortant, le gardien, toujours à son poste, lâche avec un sourire ironique : «Je vous l’avais bien dit, carré des martyrs… mais vous, vous suivez la technologie.» Réponse amusée de mon ami: «Excusez-moi… j’avais oublié que c’est vous le maître du cimetière.»
Moralité : la fonction efface le grade, mais pas toujours l’instinct.
Figure majeure des lettres algériennes
Tahar Ouettar (1936-2010), figure majeure de la littérature algérienne d’expression arabe, laisse derrière lui une œuvre abondante et profondément enracinée dans la réalité sociale et historique de son pays.
Né à Sedrata, dans l’est algérien, il a su faire de la langue arabe un outil de création littéraire moderne, capable de dire la complexité de l’Algérie contemporaine tout en préservant ses racines.
Parmi ses œuvres les plus marquantes, on retrouve ‘‘Dukhan fi Qalbi’’ (Fumée dans mon cœur), ‘‘Al Zilzal’’ (Le Tremblement de terre), ou ‘‘Tajriba fi Al Îchq’’ (Une expérience d’amour). Ses récits mêlent mémoire collective, tensions sociales et questionnements intimes. Plusieurs de ses histoires ont connu des adaptations remarquées : ‘‘Les martyrs reviennent cette semaine’’, tiré de ‘‘Dukhan fi Qalbi’’, a été porté au cinéma et couronné par la télévision algérienne; ‘‘Al shuhada’ ya`udun hadha al usbu’’ a été adapté au théâtre et primé au Festival international de Carthage; ‘‘Al Harib’’ a été monté sur scène au Maroc et en Tunisie.
Une œuvre à portée universelle
Traduit en français, anglais, allemand, russe, italien, portugais et dans bien d’autres langues, son œuvre est étudiée dans de nombreuses universités à travers le monde. Elle a inspiré des thèses et des recherches sur plusieurs continents, témoignant de sa portée universelle.
Voyageur curieux, il a visité la France, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, le Royaume-Uni, Cuba, l’Inde, l’Angola et la quasi-totalité du monde arabe.
Tahar Ouettar se définissait comme un oriental attaché à ses rites et au respect de la foi des croyants, revendiquant dans son imaginaire l’héritage à la fois de Pablo Neruda et des poètes arabes classiques tels qu’Al Mutanabi ou Al Chanfara. Quinze ans après sa disparition, sa plume continue de vibrer dans la mémoire des lecteurs, comme une voix libre et indélébile de l’Algérie littéraire.
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