Vers un incubateur tunisien dédié aux technologies touristiques
L’industrie touristique, en Tunisie comme ailleurs, n’échappe pas à la vague de transformation portée par l’intelligence artificielle. C’est ce que souligne un rapport publié le 8 juillet 2025 par l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises (IACE), qui met en lumière les mutations en cours et appelle à structurer une réponse nationale à travers la création d’un incubateur technologique dédié au secteur.
À l’échelle mondiale, le paysage touristique évolue rapidement. L’IA se glisse dans chaque maillon de la chaîne, des moteurs de recherche de destinations aux interactions sur place, modifiant en profondeur les usages, les attentes et les modes de gestion. Loin de se limiter à une simple automatisation des tâches, ces outils transforment les logiques de personnalisation, de prédiction des flux et de durabilité.
Dans son Travel & Tourism Development Index 2024, le Forum Économique Mondial (WEF) rappelle l’importance d’un équilibre entre avancée technologique et compétence humaine. La compétitivité future dépendra, selon le WEF, de la capacité des États à associer performance digitale et capital humain qualifié. Il s’agit autant de former les professionnels que de préserver une qualité d’accueil incarnée.
L’IACE s’inscrit dans cette vision. À travers son étude, l’Institut met en évidence les applications concrètes déjà en place dans plusieurs pays : reconnaissance faciale dans les aéroports asiatiques, chambres d’hôtel connectées en Europe, ou encore assistants vocaux intégrés dans les parcours de visite. L’objectif est double : optimiser les opérations et enrichir l’expérience utilisateur.
À ce titre, l’étude cite les exemples français et marocain comme modèles à observer. En France, le réseau France Tourisme Lab fédère neuf incubateurs thématiques, dont le Welcome City Lab, installé à Paris. Ce dernier se positionne comme le premier incubateur au monde dédié exclusivement à l’innovation touristique. Il a accompagné des centaines de projets intégrant des solutions avancées : gestion prédictive des flux, valorisation numérique du patrimoine, ou encore dispositifs interactifs multilingues.
De l’autre côté de la Méditerranée, le Technopark Casablanca se distingue également par sa dynamique. Avec plus de 3 500 entreprises soutenues et 15 000 emplois créés, il illustre le potentiel d’une structuration solide de l’écosystème tech appliqué au tourisme. Des initiatives comme le WISE Accelerator Bootcamp ou les Deep Tech Summits y nourrissent un vivier d’innovation à vocation régionale.
Ce panorama n’est pas complet sans mentionner l’Espagne ou les Émirats arabes unis, qui investissent dans des outils de planification prédictive, des doubles numériques de destinations ou encore des plateformes de monitoring comportemental. Des dispositifs qui dépassent le gadget pour devenir des instruments stratégiques de pilotage.
Dans ce contexte, l’IACE formule une recommandation claire : lancer un incubateur tunisien spécialisé dans les technologies touristiques, baptisé TourTech. L’idée n’est pas théorique. Le pays dispose déjà de technopôles capables de porter une telle structure, comme ceux de la Société des Technopôles de Tunisie (S2T). Ces espaces d’innovation, déjà actifs, peuvent servir de socle.
TourTech aurait vocation à devenir un lieu d’articulation entre startups, chercheurs, institutions touristiques et acteurs publics. Il permettrait d’accompagner des entreprises dans les domaines de l’IA, de la réalité augmentée ou de la gestion prédictive appliquée au tourisme. L’IACE y voit aussi une plateforme de partage de données, d’accès à des financements ciblés et d’ouverture sur des réseaux internationaux.
L’enjeu dépasse la seule modernisation technologique. Il s’agit, pour la Tunisie, de se positionner dans un marché touristique en recomposition, où l’innovation est désormais un facteur de compétitivité au même titre que les infrastructures ou le patrimoine.