Fête de l’indépendance américaine, quelle indépendance ?
Il y a trois jours, le peuple américain a célébré le 249e anniversaire de l’indépendance. Une indépendance acquise en deux phases. La grande guerre proprement dite menée dans les années 1770 par George Washington et ses compagnons contre la couronne britannique et le « roi-tyran » George III. Et la petite guerre de 1812 qui consistait à consolider l’indépendance en extirpant les derniers vestiges du colonialisme et en expulsant du pays les dernières forces coloniales.
Avant de quitter définitivement leur colonie américaine, les Britanniques avaient mis le feu aux locaux de la présidence à Washington où officiait alors le 4e président, James Madison. Totalement noircie, la présidence était vite repeinte à la chaux. Les Américains la baptisèrent aussitôt « Maison Blanche », appellation qu’elle garde encore 213 ans plus tard.
Le 4 juillet 1776, donc, fut proclamée à Philadelphie la Déclaration d’indépendance. Animés par une grande ferveur révolutionnaire, les rédacteurs de cette Déclaration affirmaient : « Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. » Une ferveur qui fit oublier à certains d’entre eux, dont notamment Washington, Jefferson et Madison, qu’ils étaient des propriétaires d’esclaves…
Cette contradiction fondamentale entre le texte fondateur des Etats-Unis et la réalité dans laquelle évoluaient les pères fondateurs allait se poursuivre en s’aggravant tout au long des deux siècles et demi de l’histoire du pays.
Le dévoiement politique des Etats-Unis se manifesta très tôt, ce qui poussa quelques voix de sagesse à tirer la sonnette d’alarme dès les premiers signes d’abus de la politique étrangère.
Le premier avertissement remonte au 4 juillet 1821. A la fête du 45e anniversaire de l’indépendance, le Secrétaire d’Etat John Quincy Adams fit part publiquement de ses inquiétudes en ces termes : « L’Amérique ne s’aventure pas à l’étranger en quête de monstres à détruire. Elle souhaite la liberté et l’indépendance de tous ; elle n’est le champion que de la sienne propre. (…) Elle sait bien que si elle se rangeait, ne serait-ce qu’une fois, sous d’autres bannières que la sienne, fussent-elles celles de l’indépendance d’autres peuples, elle s’impliquerait sans pouvoir s’en extraire dans toutes les guerres d’intérêts et d’intrigue, d’avarice individuelle, d’envie et d’ambition, qui adopteraient les couleurs et usurperaient l’étendard de la liberté. Elle pourrait devenir le dictateur du monde. Elle ne serait plus maitresse de son propre esprit. »
Avec ces quelques phrases simples, John Quincy Adams était évidemment à mille lieux de penser qu’il était en fait en train de résumer ce que sera la politique de son pays durant les deux siècles à venir ! Une politique entièrement aux antipodes de celle dont mettait en garde le plus sage et le plus raisonnable des secrétaires d’Etat américains.
En deux siècles, les victimes du dévoiement de la politique étrangère américaine se comptent en dizaines de millions aussi bien dans le voisinage immédiat de l’Amérique que dans des contrées loin de milliers de kilomètres de Washington.
Dans le voisinage immédiat, les abus ont été résumés par la célèbre exclamation du président mexicain Porfirio Diaz : « Pauvre Mexique, si loin de Dieu, si proche des Etats-Unis ! » Dans les contrées lointaines, de la Corée à l’Irak, du Vietnam à la Libye, de la Syrie à l’Afghanistan, les morts se comptent en dizaines de millions et les survivants portent dans leur chair les cicatrices, ou pataugent dans l’anarchie causée par les interventions américaines destructrices dans leurs pays.
L’actualité est tout aussi inquiétante. Participation active au génocide de Gaza ; soutien inconditionnel au déchainement des enragés de Tel-Aviv contre leurs voisins ; intervention active depuis 2014 dans la crise ukrainienne et provocations incessantes contre Pékin en mer de Chine. Sans parler de l’Iran sur lequel les classes politiques américaines successives font une fixation depuis 1953, date du renversement du gouvernement démocratiquement élu de Mohammed Mosaddeq. John Quincy Adams devrait se retourner dans sa tombe.
Le commentateur Andrew Napolitano, l’un des plus critiques de la politique de son pays, a fêté à sa manière le 249e de l’indépendance dans un article dans lequel il écrit : « Lorsque le président des États-Unis bombarde les installations légales d’un pays étranger qui ne représentent aucune menace pour la sécurité nationale américaine, et ce sans déclaration de guerre du Congrès comme l’exige la Constitution ; lorsque des milliers de personnes non violentes aux États-Unis sont arrêtées sans mandat par des agents fédéraux masqués et expulsées du pays sans procédure régulière ; lorsque des troupes armées patrouillent dans les rues d’une grande ville au mépris de la loi fédérale ; lorsque les deux principaux partis politiques soutiennent la surveillance massive des citoyens, les guerres étrangères non déclarées et l’emprunt de milliers de milliards de dollars par an pour financer un gouvernement pléthorique, nous pouvons conclure sans risque d’erreur que la liberté aux Etats-Unis est au crépuscule de son existence. »
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