Partager une voiture pour partager des coûts. Théoriquement, le covoiturage est avant tout un outil simple pour alléger la facture de carburant, réduire le nombre de véhicules sur les routes et faire un geste concret pour la planète. Sauf qu’en Tunisie, la pratique est devenue, pour beaucoup, un véritable casse-tête mental, logistique et financier.
Un besoin né du vide laissé par les transports publics
Dans certaines régions, il suffit de rater un bus pour perdre des heures. Un bus censé accueillir une trentaine de passagers en transporte souvent plus du double, des voyageurs accrochés aux portes, un pied sur la marche, l’autre dans le vide. Entre bus bondés, trains en retard et taxis grands et petits souvent hors de prix, le covoiturage s’est imposé comme une solution… ou plutôt comme un pis-aller.
C’est devenu une source de stress. Certains conducteurs, au lieu de partager équitablement les frais d’essence, imposent des tarifs qui dépassent le simple partage des coûts.
Les prix varient de 5 à 8 dinars par jour, parfois plus. Pour une seule personne, cela peut vite représenter jusqu’à 160 Tnd par mois pour un simple aller-retour quotidien, un montant qui pèse lourd sur le budget des classes moyennes.
Quand le rapport de force s’installe
Ceux qui «offrent» ces trajets finissent par transformer le covoiturage en activité parallèle rentable. Certains refusent de partir tant que la voiture n’est pas remplie à ras bord. Résultat: salariés et étudiants patientent une heure de plus devant leur lieu de travail, souvent sans alternative. «Si ça ne te plaît pas, il y en a dix autres pour prendre ta place», lâche parfois le conducteur. Et gare à celui ou celle qui a cinq minutes de retard le matin: le ton monte vite, et l’ambiance devient toxique.
Sans compter les risques: la majorité des «offres» se négocient sur des groupes Facebook, où l’on tombe souvent sur des profils verrouillés ou anonymes. Du coup, on ne sait pas vraiment à qui on a affaire. Ça peut être un inconnu mal intentionné ou un psychopathe. Allez savoir!
Pourquoi l’État doit réguler
Partout dans le monde, le covoiturage s’est structuré grâce à un encadrement clair: plateformes officielles, tarifs transparents, garanties de sécurité pour les passagers. En Tunisie, aucune réglementation ne définit aujourd’hui qui peut proposer du covoiturage, à quel prix ni selon quelles conditions.
Il est urgent de poser un cadre légal. Cela pourrait passer par un tarif maximum réglementé, des critères clairs (véhicule assuré, chauffeur vérifié), voire des avantages fiscaux pour encourager la pratique vertueuse du covoiturage.
Comment ça se passe ailleurs?
En France, BlaBlaCar est l’exemple emblématique: une plateforme encadrée par la loi qui vérifie l’identité des membres et interdit de dégager un profit — le conducteur peut uniquement partager les frais, pas gagner de l’argent (source: ministère de la Transition écologique).
En Allemagne, le covoiturage est soutenu par des politiques incitatives comme les voies réservées aux voitures avec plusieurs passagers. Le gouvernement investit dans des parkings-relais et des bornes de rencontre.
En Afrique du Sud, des startups comme GoCarShare ou Jozibear se sont inspirées des modèles européens. Mais les initiatives sont encore jeunes et souvent freinées par l’absence de politique publique dédiée.
Au Maroc, le covoiturage reste marginal mais le gouvernement encourage la mobilité partagée dans le cadre de son plan climat
Une pratique à sauver… en l’organisant
Le covoiturage est loin d’être une mauvaise idée. Bien encadré, il pourrait réellement soulager les budgets des ménages tunisiens, réduire la congestion urbaine et contribuer à la lutte contre la pollution. Mais sans règles claires, il ne reste qu’un système parallèle qui profite à quelques-uns au détriment du plus grand nombre.
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