Les récentes réformes législatives en Tunisie, notamment l’amendement de l’article 412 du Code de commerce par la loi n° 1 de 2024, ont suscité de vives préoccupations parmi les acteurs du secteur bancaire. En dépit des attentes, les banques rencontrent des difficultés majeures pour appliquer cette nouvelle législation, notamment en raison de l’absence de directives claires de la part de la Banque centrale.
L’économiste spécialisé dans les marchés financiers, Moez Hdidane, a expliqué que les banques n’ont pas pu appliquer l’article 412 du Code de commerce, tel qu’amendé par l’article 1 de la loi n° 1 de l’année 2024. Il a souligné que l’absence de directives claires ou d’une note explicative émise par la Banque centrale concernant la mise en œuvre de cet article est la principale raison de cette difficulté.
Lors de son passage sur les ondes d’une radio privée, Hdidane a précisé que l’application de cet article nécessite des ressources financières à long terme et à des taux d’intérêt faibles, ce qui constitue un véritable défi pour les banques.
“Les banques utilisent différentes ressources : certaines gratuites, comme les dépôts, et d’autres coûteuses, telles que les emprunts sur le marché financier ou auprès de la Banque centrale. Ces ressources sont souvent onéreuses, rendant l’application de cette nouvelle réglementation particulièrement complexe”, a-t-il expliqué.
Pour illustrer cette complexité, Hdidane a pris l’exemple d’une personne ayant contracté un prêt à long terme. “Imaginons une personne qui a souscrit un prêt de dix ans avec un taux initial de 11%. Après avoir payé trois ans d’échéances, elle demande à la banque de réajuster ce taux à 5,5% pour les sept années restantes. Dans ce cas, la banque se retrouvera face à une situation difficile, car les ressources qui avaient été allouées à ce prêt reposaient sur un taux d’intérêt plus élevé. Si le taux est réduit à 5,5%, la banque pourrait enregistrer des pertes dues à la différence de coût entre les anciennes et les nouvelles ressources”, a-t-il encore précisé.
L’économiste a ajouté que les banques dépendent de ressources de diverses durées, certaines à court terme et d’autres à long terme, mais avec des coûts qui varient en fonction du temps. “Le problème réside dans le fait que la Banque centrale et le marché financier fixent des taux différents. Les banques doivent allouer des ressources pour couvrir ces prêts à long terme, mais le coût de ces ressources dépasse souvent les taux demandés par les clients”, a-t-il indiqué.
Hdidane a également souligné qu’il existe des enjeux juridiques concernant l’application de cet article, notamment en ce qui concerne la fixation des taux d’intérêt. Selon les pratiques habituelles, les comptes des banques sont soumis à l’assemblée générale des actionnaires chaque fin d’année. Si le taux d’intérêt est fixé en dessous du coût réel des ressources, cela pourrait entraîner des objections juridiques lors de ces assemblées.
De plus, une opposition importante pourrait survenir de la part des actionnaires, d’autant plus que le taux d’imposition des banques a atteint 66%. Cela comprend : 40% pour l’impôt sur les bénéfices des sociétés, 4% pour la contribution sociale solidaire, 4% pour une taxe exceptionnelle, 8% pour les prêts à faible taux d’intérêt et 10% pour la répartition des bénéfices.
En conséquence, les actionnaires ne perçoivent que 34% des bénéfices, ce qui pourrait engendrer des revendications pour revoir la distribution de ces derniers, notamment en ce qui concerne les prêts à faible taux sans garanties.
Pour Hdidane, une solution plus pertinente aurait été la création d’un fonds auquel les banques pourraient contribuer. Il a suggéré que la Poste tunisienne pourrait jouer un rôle clé dans la gestion de ce fonds, car elle pourrait mieux allouer ces ressources. Il a également mentionné que l’un des principaux défis actuels réside dans le fait que les banques, notamment pour les prêts immobiliers à long terme, ne sont probablement pas prêtes à appliquer ces taux fixes.
“Si ce modèle n’est pas mis en place, nous risquons de voir une baisse de l’offre de prêts immobiliers dans les années à venir, en particulier ceux dont la durée dépasse sept ans avec un taux fixe”, a-t-il indiqué.
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