ECLAIRAGES – Le système financier tunisien à l’orée de 2025
La libéralisation financière entamée en 1992, bien que toujours inachevée, visait à doter le pays d’un système financier capable de jouer un rôle clé dans le financement de l’économie nationale. Toutefois, ce système présente des spécificités qui appellent autant une valorisation de ses atouts qu’une analyse approfondie de ses faiblesses pour orienter les réformes nécessaires.
Au niveau des points forts du système financier tunisien, nous relevons :
Le rôle prépondérant des banques dans le financement de l’économie : avec 95 % du financement de l’économie assuré par le secteur bancaire, ce dernier constitue un pilier central de l’activité économique. Les banques dominent également la composition du Tunindex, représentant 50 % de l’indice. Cette solidité relative reflète leur résilience et leur rentabilité.
La résilience des sociétés cotées et performance boursière : en 2024, le Tunindex a enregistré une croissance notable de 13 %, signalant une confiance accrue des investisseurs. Les sociétés cotées, en particulier dans le secteur bancaire, offrent une rentabilité compétitive, attirant les investisseurs institutionnels et individuels.
La diversité des produits financiers et opportunités pour les investisseurs : le marché financier tunisien propose une gamme variée de produits, allant des titres de capital aux valeurs OPCVM. Cette diversité, associée aux avantages fiscaux, représente un attrait pour différents profils d’investisseurs, petits et grands.
Le cadre juridique et les infrastructures modernisées : depuis 1994, des réformes importantes ont été introduites pour moderniser le marché financier, notamment l’instauration d’un cadre réglementaire adapté. Ces réformes visent à mobiliser l’épargne nationale et à développer les capacités du marché en matière de financement à moyen et long termes.
Perspectives d’élargissement du marché financier : la proposition de nouvelles législations, notamment sur la cotation obligatoire pour certains secteurs et niveaux d’investissement, pourrait transformer la Bourse de Tunis en 2025. Ce développement ouvrirait la voie à une plus grande profondeur et liquidité du marché.
Au niveau des points faibles du système financier tunisien, on retiendra :
La dépendance excessive au financement bancaire : le poids du secteur bancaire dans le financement de l’économie, bien que crucial, souligne une forte dépendance. En comparaison, la Bourse de Tunis ne finance qu’environ 10 % de l’économie, un chiffre bien inférieur à celui de pays similaires où ce taux atteint 30 %. Cette disparité limite la diversification des sources de financement et expose l’économie à des risques systémiques liés aux banques.
La faible contribution du marché financier : malgré les réformes, le rôle de la Bourse reste marginal. Cette faiblesse découle d’une absence de diversification sectorielle. Ainsi, des secteurs clés comme l’agriculture, le tourisme ou l’énergie restent sous-représentés. Cela limite les opportunités d’investissement et freine la mobilisation des ressources.
Le manque de profondeur et de liquidité : le marché financier tunisien souffre d’un manque de profondeur, empêchant une mobilisation efficace de l’épargne nationale. Cette situation est exacerbée par une base d’investisseurs restreinte et des produits financiers souvent peu adaptés aux besoins spécifiques des entreprises.
La lenteur des réformes structurelles : bien que des avancées législatives soient prévues, leur mise en œuvre reste incertaine. Par ailleurs, l’introduction de nouveaux produits financiers, bien qu’identifiée comme une priorité, demeure lente et insuffisamment ambitieuse.
La concentration sur un nombre limité de secteurs : la composition actuelle de la Bourse est dominée par les banques, ce qui rend le marché vulnérable à la performance de ce seul secteur. Une diversification insuffisante empêche l’exploitation du potentiel d’autres industries clés de l’économie tunisienne.
Les perspectives : des pistes pour 2025
Economistes et opérateurs du marché de la place s’accordent pour recommander une réforme hardie, pour pallier ces déséquilibres et dynamiser le système financier tunisien, selon plusieurs pistes, dont notamment :
Une diversification des sources de financement : il est essentiel d’encourager un financement accru par le marché boursier et de réduire la dépendance au secteur bancaire. L’élargissement des secteurs représentés en Bourse (tourisme, agriculture, télécommunications) pourrait attirer de nouveaux investisseurs et améliorer la liquidité.
Une réforme législative ambitieuse : l’adoption de lois favorisant la cotation obligatoire dans certains secteurs et le développement de nouveaux produits financiers, comme les obligations vertes ou les fonds d’investissement spécialisés, pourrait transformer la Bourse en un acteur clé du financement.
Un renforcement des capacités institutionnelles : des campagnes de sensibilisation auprès des entreprises pour promouvoir les avantages de l’introduction en Bourse sont nécessaires. De même, une collaboration renforcée entre les banques et le marché financier pourrait aboutir à des mécanismes hybrides de financement.
Une modernisation des infrastructures financières : investir dans la digitalisation et la transparence des marchés pourrait attirer davantage d’investisseurs étrangers et locaux. Cela renforcerait la confiance dans le système financier et favoriserait une plus grande mobilisation de l’épargne nationale.
Le système financier tunisien, à l’orée de 2025, se trouve à un carrefour stratégique. Tandis que ses fondations bancaires solides constituent une force indéniable, ses faiblesses structurelles et son manque de diversification freinent son potentiel.
La mise en œuvre de réformes ambitieuses et le développement de la Bourse de Tunis seront essentiels pour assurer une croissance durable et inclusive du financement d’une croissance autoentretenue, créatrice d’emplois durables.
A suivre…
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)
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