Libye : Disparition d’un chef militaire au moment le plus sensible
La mort du lieutenant-général Mohammed Ali Ahmed al-Haddad, chef d’état-major de l’armée libyenne, dans un crash aérien survenu près d’Ankara, dépasse le cadre d’un simple accident. Elle intervient dans une Libye toujours fragmentée, où chaque choc au sommet de l’appareil militaire produit des effets politiques et stratégiques durables.
L’accident, qualifié de technique par les autorités turques, s’est produit alors qu’Al-Haddad rentrait d’une visite officielle en Turquie, partenaire clé du gouvernement basé à Tripoli. Aucun élément ne permet à ce stade d’évoquer une action intentionnelle. Mais dans le contexte libyen, le moment d’un événement compte parfois autant que ses causes.
Un pilier du camp de Tripoli disparaît
Chef d’état-major sous l’autorité du gouvernement d’unité nationale reconnu par l’ONU, Mohammed Al-Haddad occupait une position centrale dans l’architecture militaire de l’Ouest libyen. Il assurait à la fois la coordination des forces régulières et le maintien d’un équilibre fragile entre milices, autorités politiques et partenaires étrangers.
Il était également l’un des principaux opposants militaires au camp de l’Est, dirigé par le maréchal Khalifa Haftar, dont les forces avaient tenté par le passé de s’emparer de Tripoli. Sa disparition affaiblit donc le camp occidental au moment où celui-ci cherchait à préserver une cohérence minimale face à des rivalités internes persistantes.
Un contexte régional loin d’être neutre
Le crash intervient quelques jours après une séquence diplomatique et militaire significative, marquée par des rencontres entre le chef de l’armée pakistanaise Asim Munir et les responsables militaires de l’Est libyen, ainsi que par la finalisation d’un accord de coopération militaire d’envergure, en dépit de l’embargo onusien sur les armes.
Dans ce contexte, la disparition du principal chef militaire de Tripoli modifie objectivement le rapport de force, sans qu’il soit nécessaire d’établir un lien de causalité direct. Le camp de l’Est, solidement implanté en Cyrénaïque et dans une partie du Sud libyen, se retrouve face à un adversaire momentanément fragilisé sur le plan du commandement.
Un vide stratégique aux effets durables
Pour autant, parler de basculement immédiat serait prématuré. L’armée de Tripoli conserve ses structures, ses soutiens internationaux et sa capacité de résilience. Mais l’absence d’Al-Haddad ouvre une phase d’incertitude, marquée par la question de la succession, la recomposition des équilibres internes et le risque de rivalités au sommet de l’appareil militaire.
Ce vide stratégique profite avant tout aux acteurs qui privilégient une logique de rapport de force au détriment des processus politiques encadrés par les Nations unies. Officiellement, il s’agit d’un accident. Stratégiquement, c’est un signal. En Libye, la disparition d’un homme clé ne crée pas nécessairement un vainqueur immédiat, mais elle redessine silencieusement les marges de manœuvre des camps en présence.
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