12 heures de travail pour 5 dinars : près de 8 000 tunisiennes fouillent les ordures pour nourrir leurs enfants
Derrière les monticules de déchets et leurs risques sanitaires se cachent les histoires de milliers de femmes tunisiennes qui ont trouvé dans le « barbacha » (fouille des ordures) un ultime refuge pour assurer la subsistance de leurs familles.
Une étude récente de l’Observatoire Social Tunisien révèle les dures réalités des femmes collectrices de déchets, qui représentent une part significative de cette main-d’œuvre et subissent des conditions de travail extrêmes et une exploitation systématique.
On estime qu’environ 8 000 femmes en Tunisie exercent l’activité de collecte et de tri des déchets. Une étude menée auprès de 116 femmes dans le Grand Tunis a montré que 62 % d’entre elles pratiquent cette activité à temps plein, et pour 77 % d’entre elles, c’est leur seule source de revenus. Ces chiffres soulignent à quel point les familles dépendent de ce travail pénible et dégradant.
Ces femmes travaillent de longues heures, souvent entre 8 et 12 heures par jour, mais malgré cet effort physique épuisant, leur revenu quotidien ne dépasse pas 5 à 25 dinars tunisiens. C’est bien moins que ce que gagnent les hommes dans la même profession (entre 40 et 70 dinars), un écart qui s’explique par le manque de moyens de transport des femmes, qui permettent aux hommes de collecter de plus grandes quantités de matériaux.
Leurs souffrances ne se limitent pas aux faibles revenus. Elles portent des fardeaux supplémentaires qui vont au-delà du travail éreintant de collecte de déchets, comme le transport de sacs lourds pouvant atteindre 10 kilogrammes sur de longues distances, en plus de leurs responsabilités domestiques. Plus grave encore, 22 % des femmes « barbacha » (collectrices informelles) n’ont pas de carte de soins, et beaucoup d’entre elles souffrent de maladies chroniques en raison des conditions sanitaires déplorables dans lesquelles elles travaillent.
Les femmes « barbacha » sont également exposées à diverses formes de violence et d’exploitation, notamment de la part des intermédiaires qui contrôlent les prix d’achat des matériaux recyclés, ce qui accroît leur vulnérabilité sociale et économique. Ces chiffres alarmants sonnent l’alarme sur la situation de cette catégorie de femmes et appellent à une intervention urgente pour leur assurer une protection juridique, sociale et sanitaire, ainsi qu’une reconnaissance de leur rôle vital dans la société et l’économie.