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Cannes 2025 – Deux Tunisiens récompensés aux Critics Awards for Arab Films

18. Mai 2025 um 14:52

Le 17 mai, en marge du 78e Festival de Cannes, l’Arab Cinema Center (ACC) a organisé la neuvième cérémonie des Critics Awards for Arab Films, sur la plage des Palmes. Pratiquement tous les professionnels du cinéma arabe présents à Cannes étaient là, parmi eux la grande star du cinéma égyptien et président du Festival International du Film du Caire Hussein Fahmy, notre fierté nationale Dhafer L’Abidine, le réalisateur palestinien Rashid Masharawi, le scénariste et producteur égyptien Mohamed Hefzy…

 

 

 

 

Le palmarès inclut cette année deux lauréats tunisiens : Adam Bessa, désigné Meilleur acteur pour son rôle dans Ghost Trail, et Amine Bouhafa, primé pour la Meilleure musique originale dans Aïcha de Mehdi Barsaoui.

Adam Bessa reçoit cette récompense pour la deuxième fois, après avoir été primé en 2023 pour son rôle dans le film tunisien Harka, déjà salué cette année-là dans la section Un Certain Regard. Quant à Amine Bouhafa, il remporte pour la quatrième fois le prix de la meilleure musique décerné par les Critics Awards.

La cérémonie s’est ouverte par la remise des Prix d’honneur pour l’ensemble d’une carrière critique à Ninos Mikelides (Chypre) et Erfan Rashid (Irak).

 

 

Le palmarès a été établi par 281 critiques de cinéma internationaux, réunis par l’Arab Cinema Center, en partenariat avec la plateforme Festival Scope. Les prix distinguent des films arabes sortis au cours de l’année écoulée, dans dix catégories.

Le cinéma palestinien est très présent cette année, avec quatre distinctions : le très beau Thank You for Banking with Us! de Laila Abbas reçoit les prix du Meilleur film et de la Meilleure réalisation, No Other Land est désigné Meilleur documentaire — un film qui a également remporté l’Oscar 2025 du meilleur documentaire — et l’étonnant et magnifique Upshot de Maha Haj, projeté en ouverture des Journées Cinématographiques de Carthage 2024, remporte le prix du Meilleur court métrage.

 

 

 

Palmarès complet des 9e Critics Awards for Arab Films :

  • Meilleur long métrage de fiction : Thank You for Banking with Us! – Laila Abbas (Palestine)
  • Meilleur scénario : Everybody Loves Touda – Nabil Ayouch & Maryam Touzani (Maroc)
  • Meilleure réalisation : Laila Abbas – Thank You for Banking with Us! (Palestine)
  • Meilleure actrice : Nisrin Erradi – Everybody Loves Touda (Maroc)
  • Meilleur acteur : Adam Bessa – Ghost Trail (France/Tunisie)
  • Meilleure musique originale : Amine Bouhafa – Aïcha (France/Tunisie)
  • Meilleur montage : Xoftex – Noaz Deshe & Felipe Guerrero (Roumanie/Colombie)
  • Meilleure photographie : Mostafa El Kashef – The Village Next to Paradise (Égypte)
  • Meilleur documentaire : No Other Land – Basel Adra, Hamdan Ballal, Yuval Abraham, Rachel Szor (Palestine)
  • Meilleur court métrage : Upshot – Maha Haj (Palestine)
  • Prix d’honneur pour l’ensemble de la carrière critique : Ninos Mikelides (Chypre), Erfan Rashid (Irak)

Avec cette neuvième édition, les Critics Awards for Arab Films s’inscrivent comme un rendez-vous annuel important dans la reconnaissance des talents du monde arabe, en marge du Festival de Cannes. D’ailleurs rendez-vous a été pris pour le premier samedi du Festival de Cannes 2026 !

Neïla Driss

 

 
 

 

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Cannes 2025 – Le cinéma palestinien sous les projecteurs

17. Mai 2025 um 19:00

C’est dans le cadre du Marché du Film du Festival de Cannes qu’a eu lieu une table ronde d’une intense charge émotionnelle : « Le cinéma palestinien sous les projecteurs ». Organisé par le Centre du Cinéma Arabe en collaboration avec le Palestine Film Institute, ce panel a mis à l’honneur une cinématographie en lutte, façonnée par l’exil, l’oppression et une quête permanente de mémoire. À travers les récits des intervenant·e·s, s’est dessiné un cinéma de résistance, mais aussi d’une richesse esthétique et narrative encore trop peu connue du grand public.

 

La modération était assurée par Melanie Goodfellow, correspondante internationale senior pour Deadline, qui a orchestré les échanges entre des figures majeures du paysage cinématographique palestinien. Dans la salle, on remarquait la présence de nombreux visages occidentaux — un contraste notable avec l’assistance majoritairement arabe du panel consacré la veille au cinéma égyptien. Un signe sans doute de l’écho international croissant que suscite la Palestine aujourd’hui, dans un contexte mondial marqué par une attention renouvelée à sa cause.

 

 

 

La productrice et réalisatrice May Odeh a ouvert les échanges par un témoignage saisissant sur les entraves physiques et bureaucratiques à la création cinématographique. « Si je voulais tourner un film avec des réalisateurs comme Elia Suleiman ou Hany Abu-Assad, qui ont la nationalité israélienne, je ne le pourrais pas, car je ne suis pas libre de mes mouvements à l’intérieur d’Israël », explique-t-elle. Productrice du film 200 mètres, qui traite justement des restrictions de circulation, elle décrit un quotidien de contrôles, d’autorisations arbitraires, de routes interdites. « J’ai des amis originaires de certaines régions de la Palestine que je ne peux voir qu’à l’étranger. » Et ce type de récit n’est pas isolé : elle évoque aussi le cas de la réalisatrice Najwa Najjar, qui avait dû attendre un mois en Jordanie pour obtenir le visa permettant à l’acteur principal de son film Eyes of a Thief de participer au tournage.

 

 

Cette entrave à la mobilité et à la création, Cherien Dabis l’a vécue de manière plus intime. Réalisatrice et actrice américano-palestinienne, elle raconte son premier voyage en Palestine, à l’âge de 14 ans. « J’ai grandi dans l’Ohio, aux États-Unis. On m’a toujours dit que j’étais palestinienne, mais tout cela restait abstrait. Quand nous sommes allés en famille en Palestine, avec ma petite sœur qui n’avait que deux ou trois ans, j’ai vu mon père, un homme digne, se faire humilier au point d’en rougir de honte. C’était un moment fondateur. » Elle évoque la découverte brutale d’une réalité dont elle connaissait les contours, mais qu’elle n’avait jamais vécue. « Mon cousin a été tué alors que j’avais cinq ans. On en parlait à la maison, mais là, j’ai vu la Palestine. J’ai compris ce qu’était la Nakba. J’ai compris que l’histoire de ma famille était une histoire de dépossession. »

 

 

Rakan Mayasi, lui, n’a jamais pu mettre les pieds en Palestine. Né et élevé en Jordanie, formé au Liban, il explique comment son cinéma est né d’une frustration, d’un vide identitaire. « C’est en réalisant Bonboné que j’ai vraiment commencé à comprendre les difficultés de faire des films palestiniens. Je voulais faire jouer Salah Bakri, mais il n’a même pas pu se rendre au Liban. La logistique, les visas, les refus, les interdictions… tout est un combat. Et c’est une lutte perpétuelle pour trouver des solutions. »

 

 

Le cinéaste Rashid Masharawi, présent lui aussi, a raconté une trajectoire marquée par la volonté de filmer envers et contre tout. Né dans un camp de réfugiés à Gaza, il n’a jamais cessé de documenter la vie quotidienne sous occupation, avec des moyens réduits mais une urgence vitale de témoignage. Il évoque notamment son dernier film, From Ground Zero, tourné dans des conditions extrêmes et pourtant parvenu jusqu’aux portes des Oscars 2025, en étant shortlisté dans la catégorie du meilleur documentaire. À travers ce film d’anthologie, des Gazaouis racontent leur quotidien dans les premiers jours de la guerre, avec une caméra comme seule arme, pour documenter l’indicible et porter la voix d’un peuple oublié. « Être sur la shortlist des Oscars, c’est important non pas pour moi, mais pour la Palestine. Cela signifie que notre voix commence, enfin, à être entendue. »

Pour lui, le cinéma palestinien est encore trop souvent dans la réaction plutôt que dans l’action. Or, leur patrimoine culturel est très riche, et les Palestiniens devraient œuvrer à le faire connaître, à faire entendre leur narratif.

 

 

La chercheuse et curatrice Rasha Salti a apporté, quant à elle, une perspective historique et esthétique, rappelant que le cinéma palestinien s’est construit dans la marge, souvent en dehors des normes classiques. « Les colons ont toujours voulu imposer un récit aux colonisés. Toujours — que ce soient les Anglais aux Indiens, ou d’autres — le cinéma palestinien, pour se débarrasser de ces règles, a dû inventer ses propres formes, casser les cadres. »
Elle revient également sur la manière dont les premiers films réalisés en Palestine, notamment par les Européens, ont contribué à forger une image biaisée. « Dès l’époque des frères Lumière, face à cette terre sacrée qu’est Jérusalem, les films montraient une terre vide, sacrée, déconnectée de la réalité. On n’y voyait jamais les écoles, les hôpitaux, les marchés, la vie réelle. Ils servaient à nourrir un fantasme orientaliste. »

Bien que toutes les histoires racontées par les Palestiniens soient dramatiques, ceux-ci ont su les décliner sous des formes très diverses. « Certains films sont drôles, d’autres poétiques… » En tant que programmatrice, elle évoque les réactions du public à New York, souvent surpris par la qualité artistique de ces œuvres. « Ce sont des films sophistiqués, profonds, qui suscitent des débats très riches. Il faut aussi apprendre à parler avec ceux qui ne sont pas d’accord, qui sont choqués, en colère. »

Elle insiste également sur l’importance de montrer ces films dans les camps de réfugiés, notamment au Liban. « Les spectateurs veulent revoir les villes qu’ils ont quittées et où ils n’ont plus le droit de retourner. Ils veulent aussi découvrir d’autres films arabes, car ils n’ont pas la possibilité de voyager. Le cinéma devient une forme d’évasion, mais aussi de transmission. »

Rasha Salti conclut en rappelant la place centrale de la poésie dans le cinéma palestinien. Les symboles y sont omniprésents : les oliviers, les clés, les maisons abandonnées… Autant de figures récurrentes d’un imaginaire bâti sur la perte, mais aussi sur la persistance.

En filigrane de ce panel dense, c’est toute une géopolitique de l’image qui s’est dessinée. Le cinéma palestinien, loin d’être cantonné à un rôle de témoignage, affirme aujourd’hui une voix esthétique forte, inventive, capable de toucher des publics divers… à condition qu’on lui ouvre enfin les portes.

Neïla Driss

 

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Cannes 2025 – L’Égypte, nation phare du cinéma arabe : retour sur un panel ambitieux

15. Mai 2025 um 18:00

A l’occasion du 78ᵉ Festival de Cannes, le Centre du Cinéma Arabe a organisé un panel au Palais des Festivals et des Congrès, intitulé « L’Égypte, nation phare du cinéma arabe », dans le cadre de ses nombreuses activités visant à mettre en lumière les dynamiques cinématographiques de la région. Modéré par Nick Vivarelli, correspondant pour l’Italie et le Moyen-Orient chez Variety, ce rendez-vous a rassemblé plusieurs figures emblématiques du cinéma égyptien contemporain, autour de la place historique et de l’avenir de cette cinématographie majeure dans le monde arabe : la légendaire actrice Yousra, l’acteur Hussein Fahmy, le jeune réalisateur Morad Mostafa, le dirigeant de l’Egypt Film Commission Ahmed Badawi, la productrice Sawsan Yusuf, et l’entrepreneur culturel Amr Mansi. Tous ont esquissé, chacun à sa manière, une fresque vivante du cinéma égyptien, entre héritage et renouveau.

 

 

Le panel s’est ouvert par un rappel de ce qu’a été l’âge d’or du cinéma égyptien, présenté comme un socle fondateur pour toute l’industrie cinématographique arabe. Un bref survol historique a permis de souligner le rôle précurseur de l’Égypte dans la production, la distribution et la formation artistique dès le début du XXᵉ siècle, lorsque ses studios, ses stars et ses scénaristes faisaient du Caire le Hollywood du monde arabe. Cette introduction a posé les bases du dialogue, ancrant les échanges dans la longue durée d’un héritage aussi prestigieux que complexe.

Yousra : une voix générationnelle entre passé glorieux et chocs modernes

Dès sa prise de parole, Yousra a évoqué l’audace comme moteur du renouveau artistique. Pour elle, si l’Égypte a longtemps été le cœur battant du cinéma arabe, elle garde aujourd’hui une vitalité nourrie par sa capacité à affronter des sujets sensibles. « Nous avons encore le courage de parler de tous les sujets », a-t-elle affirmé, revendiquant une volonté de briser les tabous dans ses choix artistiques. Elle évoque avec fierté son dernier film, réalisé par un jeune cinéaste, qu’elle qualifie de « choc » : une œuvre pensée pour réveiller un public trop absorbé par les écrans et les réseaux sociaux. « Mon film est out of the box », a-t-elle insisté, confiante dans la capacité du cinéma à provoquer une prise de conscience.

Pour moi, cette affirmation selon laquelle le cinéma égyptien pourrait aujourd’hui aborder tous les sujets reste discutable. Il est en réalité très difficile, à l’heure actuelle, de traiter de certains thèmes sensibles dans le contexte égyptien, non seulement en raison de la censure institutionnelle, mais aussi en raison du conservatisme croissant et de la pression exercée par la société. En Égypte, toute personne peut, en effet, porter plainte contre un film ou une œuvre jugée contraire à la morale, aux bonnes mœurs ou à la religion. La liberté qu’avait autrefois le cinéma égyptien, notamment à l’époque de Youssef Chahine ou même jusque dans les années 1990, semble bien loin. En revanche, sur le plan formel, Yousra a raison : de nombreux jeunes cinéastes osent aujourd’hui des approches nouvelles, décalées, parfois radicales. Le film Plumes de Omar El Zohairy, présenté à la Semaine de la Critique en 2021, en est un exemple fort, par son ton absurde et son regard critique, qui s’est pourtant heurté à une vive polémique en Égypte et qui n’y a pas été distribué, malgré les prix récoltés à l’échelle internationale.

Yousra a également souligné la relation unique qu’entretiennent les stars égyptiennes avec leur public. Cet attachement, qu’elle décrit comme « un amour inconditionnel », repose selon elle sur la durée, la confiance et la capacité à surprendre. Elle se dit fière d’avoir été un repère pour les nouvelles générations d’artistes, notant que « 90 % des jeunes artistes actuels ont travaillé avec elle à leurs débuts ».

Enfin, elle a rendu un hommage appuyé à Youssef Chahine, dont elle fut l’une des muses. Youssef Chahine, rappelle-t-elle, « voulait montrer notre cinéma au monde entier » et a multiplié les participations à Cannes. Mais si la relève tente aujourd’hui de suivre ses pas, Yousra le reconnaît avec lucidité : « C’est très insuffisant. »

Hussein Fahmy : mémoire vivante du cinéma égyptien et engagement présidentiel

L’acteur Hussein Fahmy, aujourd’hui président du Festival international du film du Caire (CIFF), a livré une intervention empreinte d’un attachement profond à l’histoire du septième art égyptien. « Le cinéma égyptien existe depuis l’invention du cinéma, depuis les frères Lumière », a-t-il rappelé, revendiquant une continuité artistique ininterrompue.

Formé à la mise en scène, il a d’abord réalisé avant de devenir acteur, convaincu que « c’est la star qui transmet, qui est aimée du public ».

En tant que président du CIFF, il a défendu l’idée de la compétition comme stimulant artistique. Il estime que la rivalité avec le festival du film d’El Gouna est bénéfique : « Cela nous pousse à rester jeunes, à garder un esprit jeune… Cela nous booste. » Il a notamment insisté sur les efforts déployés pour attirer la jeunesse au CIFF, en sortant le festival de ses lieux traditionnels comme l’Opéra du Caire et allant dans les salles de cinéma de la ville du Caire et banlieues, et en proposant des tarifs accessibles aux étudiants. Cette volonté d’ouverture va de pair avec une stratégie de renouvellement du public.

Mais Hussein Fahmy a aussi exprimé des réserves sur les compétitions peu constructives entre les festivals de la région. Il regrette une forme de concurrence désorganisée, liée à la proximité des dates : « Nous nous battons pour voir les mêmes films, pour avoir les meilleurs jurys, cela fait monter les prix… C’est dommage. » Enfin, il a tenu à rappeler que l’hégémonie historique de l’Égypte dans le cinéma arabe repose sur une structure industrielle solide : « Nous avons nos studios, nos stars… Aucun autre pays arabe n’a fait de même. »

 

Cannes 2025 – Les acteurs Hussein Fahmy et Yousra

 

Amr Mansi : Le Festival du Film d’El Gouna, un festival né par hasard devenu acteur stratégique

Le témoignage d’Amr Mansi, cofondateur du Festival d’El Gouna, a apporté un regard différent, plus entrepreneurial. Ancien joueur de squash professionnel, il raconte comment l’idée du festival est née après le succès d’un tournoi sportif à la ville d’El Gouna. La famille Sawiris et l’actrice Bushra ont perçu alors un potentiel inédit. Cinéphile passionné, Mansi affirme n’avoir « jamais raté une sortie de film à Alexandrie sa ville ». Il voit dans le festival du Film d’El Gouna un levier de transformation : « Ce festival a aidé le cinéma égyptien, mais bien plus : il a changé les habitudes de management, y compris dans l’événementiel. »

Il observe aussi un changement de posture dans les relations entre les partenaires : « Au début, ils discutaient de la place de leurs logos ; aujourd’hui, ils veulent s’impliquer dans nos projets et sont devenus nos partenaires. » Son ambition actuelle : attirer des entrepreneurs pour qu’ils deviennent investisseurs dans l’industrie du film, et ainsi bâtir un écosystème durable autour du cinéma.

Morad Mostafa : une voix indépendante, entre regard étranger et reconnaissance locale

Morad Mostafa a évoqué Aisha Can’t Fly Away, son nouveau film présenté cette année en compétition dans la section Un Certain Regard. Il a insisté sur l’importance de la sincérité dans le regard qu’il porte sur son sujet : l’histoire d’une jeune migrante éthiopienne au Caire, confrontée à l’attente, à la peur et à l’injustice. « Je voulais explorer la société égyptienne à travers les yeux d’une étrangère », dit-il. Pour cela, il a choisi de tourner dans de véritables lieux, en suivant le quotidien d’Aisha, et de confier le rôle principal à une actrice non-professionnelle d’origine éthiopienne. Cette attention au réel, à la vérité du contexte, illustre à quel point un film peut toucher juste lorsqu’il reste fidèle à sa réalité propre. Le réalisateur indépendant rappelle aussi la nécessité de trouver une voix originale face à des thèmes déjà abordés par des cinéastes occidentaux. Son premier film, auto-produit, a connu un succès important, lui ouvrant les portes de la coproduction internationale.

Par ailleurs, pour lui, le paysage est en train de s’ouvrir en Égypte : « Aujourd’hui, il y a beaucoup de supports et d’opportunités pour les jeunes. » Son expérience incarne à la fois les défis et les possibles d’un cinéma indépendant en quête de reconnaissance locale et internationale.

Sawsan Yusuf : équilibre entre exigence artistique et succès populaire

Productrice et fondatrice de Bonanza Films, Sawsan Yusuf revendique un modèle qu’elle qualifie d’équilibré : « Nous faisons les films que nous aimons, mais nous cherchons aussi à plaire au box-office. » Co-productrice du film Aisha Can’t Fly Away avec Morad Mostafa, elle défend un cinéma enraciné, à la fois local et universel : « Lorsqu’on fait des films avec sa propre authenticité, les gens le sentent, et ces films marchent. »

Elle n’hésite pas à pointer les limites de certaines coproductions internationales, en particulier lorsqu’elles imposent des conditions de tournage éloignées du projet initial. « Je préfère tourner chez nous, dans notre propre pays », affirme-t-elle. À ses yeux, l’identité visuelle et narrative d’un film repose avant tout sur un ancrage géographique et culturel fort, qui ne saurait être sacrifié pour des considérations extérieures.

Cette réflexion fait écho à une conviction que je partage pleinement. L’authenticité, lorsqu’elle naît d’un ancrage sincère dans une réalité locale, devient paradoxalement le vecteur le plus puissant d’universalité. En vérité, l’humain est le même partout. Mais le public, qu’il soit arabe, européen ou d’ailleurs, est sensible aux récits vrais, enracinés, porteurs d’une identité propre, à condition qu’ils évitent l’écueil du folklore. C’est une idée que j’ai d’ailleurs développée il y a quelques années dans un article intitulé Le cinéma arabe à la conquête du public européen ?

 

Cannes 2025 – Sawsan Yusuf et Morad Mostafa

 

Ahmed Badawi : l’ouverture aux tournages étrangers comme stratégie nationale

À la tête de l’Egypt Film Commission, Ahmed Badawi a présenté les mesures concrètes mises en place pour attirer les tournages étrangers en Égypte. L’objectif, selon lui, est de répondre au mieux aux attentes des productions internationales, y compris les plus exigeantes. Il cite ainsi l’exemple d’une autorisation exceptionnelle accordée pour l’importation de grandes quantités de fausses armes destinées à un tournage, ou encore l’usage d’hélicoptères militaires au pied des pyramides.

Le gouvernement, affirme-t-il, « fait énormément d’efforts pour permettre à ces gros projets de venir chez nous ». Ces efforts se traduisent notamment par des incitations financières : des ristournes pouvant atteindre 30 % sur les taxes appliquées aux services, et des tarifs préférentiels sur les hébergements proposés aux équipes étrangères.

Mais au-delà des avantages économiques, Ahmed Badawi insiste aussi sur les atouts intrinsèques du pays. « Nous avons une grande diversité géographique, une grande infrastructure, des entreprises de production… », rappelle-t-il, soulignant que l’Égypte dispose d’un écosystème complet capable de répondre aux besoins des productions de grande envergure.

Dans cette perspective, il défend une stratégie résolument compétitive à l’échelle régionale, visant à faire de l’Égypte un hub incontournable pour les tournages internationaux.

Une vitalité plurielle, un avenir en construction

Ce panel, à la fois institutionnel, artistique et entrepreneurial, a montré à quel point l’Égypte continue d’incarner une puissance cinématographique majeure dans le monde arabe. Entre transmission générationnelle, renouveau de la production indépendante, professionnalisation des festivals et stratégies économiques nationales, le pays affirme une volonté collective de reprendre sa place sur la carte mondiale du cinéma. Un chemin complexe, entre mémoire et transformation, que le Festival de Cannes a permis d’entendre dans toute sa diversité.

Neïla Driss

 

 
 
 
 

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