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CIFF 2025 – Entre identité et interprétation : conversation avec Adam Bakri

24. November 2025 um 19:54

Un hommage chargé de sens au Caire

Lors de la 46ᵉ édition du Festival international du film du Caire (CIFF), qui s’est tenue du 12 au 21 novembre 2025, le jeune acteur palestinien Adam Bakri a été honoré au cours d’une cérémonie organisée à l’hôtel Sofitel, en présence de nombreux professionnels du cinéma et de la presse. Hussein Fahmy, président du festival, a salué la carrière de l’acteur et son parcours international, rappelant l’importance des liens entre les peuples égyptien et palestinien, et soulignant que « le Palestinien est considéré en Égypte comme une partie intégrante du tissu national ».

Visiblement ému, Adam Bakri a exprimé sa profonde gratitude envers le public égyptien, le festival et son président. Il a dit combien cet hommage venu d’Égypte, pays dont il a grandi en regardant les films, revêtait pour lui une dimension symbolique. Il a ajouté que Hussein Fahmy faisait partie de ces artistes qui avaient accompagné son enfance, et qu’entendre de sa bouche les mots « tu es égyptien » était une reconnaissance immense. Il a affirmé considérer cette distinction comme une étape précoce mais essentielle dans sa carrière, et un encouragement pour la suite.

CIFF 2025
Adam Bakri

Une conversation autour de l’art et de la mémoire

Quelques jours plus tôt, une rencontre publique lui avait été consacrée dans le cadre des Cairo Industry Days, animée par le journaliste Sherif Nour Eldin, sous le titre Entre identité et interprétation : conversation avec Adam Bakri. Cette discussion, à la fois intime et lucide, a permis de retracer un parcours marqué par la mémoire, la conscience identitaire et une fidélité profonde à l’art comme forme de résistance.

Des débuts marqués par la filiation et la rigueur

Dans ce parcours, la filmographie d’Adam Bakri occupe une place centrale. Révélé par Omar (2013) de Hany Abu-Assad, il enchaîne avec Ali and Nino (2016), Slam (2018), Official Secrets (2019) aux côtés de Keira Knightley, If You See Something (2024) et All That’s Left of You (2025) de Cherien Dabis. Il apparaît également dans la série arabe Bab Al-Jaheem (La Porte de l’Enfer, 2021), qui marque son retour vers le monde arabe. Ces œuvres, parmi les plus marquantes de sa carrière, s’ajoutent à d’autres films et séries internationales qui ont contribué à installer son visage dans un paysage cinématographique à la fois arabe et global.

Le Caire, entre cinéma et réalité

Invité pour la première fois en Égypte, Adam Bakri a confié au public son émotion à découvrir une ville qu’il connaissait par le cinéma. « C’est ma première fois au Caire, et la ville est exactement comme je l’imaginais. J’ai grandi avec les films égyptiens et, en arrivant ici, je me suis senti comme dans un film. Cela ne fait que deux jours que je suis en Égypte, et j’ai envie de tout visiter : les pyramides, les musées… »

Une naissance marquée par la mémoire palestinienne

L’acteur, dont la carrière s’étend aujourd’hui entre le monde arabe et les États-Unis, a rappelé le lien intime qui l’unit à l’histoire de son peuple. « Je suis né le 15 mai, le jour de la Nakba. Drôle de coïncidence, peut-être, mais je ne crois pas aux coïncidences. Être né ce jour-là me rappelle, dans chacun de mes choix, d’où je viens. Certains diraient que c’est nahss, un porte-malheur, mais pas pour moi. Au contraire : c’est une responsabilité. »

Entre Haïfa et New York : la formation d’un acteur

Né à Haïfa, il a grandi dans une famille d’artistes. Son père, le réalisateur et acteur Mohammad Bakri, est l’une des grandes figures du cinéma palestinien engagé, et ses frères, Saleh et Ziad, sont eux aussi acteurs. « J’ai été élevé avec le cinéma de mon père, ses pièces, ses histoires. Mais quand on naît dans une famille où quelqu’un a déjà accompli de grandes choses, il devient difficile d’atteindre ce même niveau. »

Après Haïfa, Adam Bakri s’installe à New York pour étudier au Lee Strasberg Theatre & Film Institute. « C’était une expérience très riche et très difficile, mais aussi belle. » Seul Arabe — et surtout seul Palestinien — de son école, il travaille sans relâche : « Je devais faire plus d’efforts que les autres pour être accepté. Je ne savais pas ce que voulait dire aller à une fête. Heureusement que la voix de ma mère m’accompagnait toujours, comme une présence constante. » De ces années, il garde une leçon essentielle : « Quand tu es passionné, tu fais abstraction des difficultés. »

Une rigueur héritée du père

Son apprentissage a été marqué par un épisode décisif. « La première fois que je suis monté sur scène, je n’ai pas pu terminer la représentation. Mon père était dans la salle, je ne voyais que lui. J’ai eu une attaque de panique, je suis rentré et j’ai pleuré. » Ce soir-là, Mohammad Bakri s’assoit sur son lit et lui dit simplement : « Si tu veux vraiment jouer, tu montes demain sur scène. Sinon, tu rentres en Palestine. » Une phrase sèche mais fondatrice, qui a défini la rigueur qu’il s’imposera pour la suite.

CIFF 2025
Adam Bakri
CIFF 2025 – Adam Bakri et son prix d’honneur

Le choc et la lumière d’Omar

Son premier rôle au cinéma, Omar (2013), réalisé par Hany Abu-Assad, le révèle au monde. Présenté au Festival de Cannes, le film remporte le Prix du Jury dans la section Un Certain Regard avant d’être distingué aux Journées Cinématographiques de Carthage en 2014 (Tanit d’or), et de faire le tour des grands festivals, avant d’être nommé aux Oscars. « J’étais jeune et un peu perdu, raconte-t-il. Ce film m’a beaucoup fatigué, et je ne sais pas encore pourquoi. Mon rêve s’est réalisé trop vite, alors que je n’étais pas prêt. Après Omar, j’ai traversé une période de dépression ; il m’a fallu du temps pour retrouver la lumière. » Certaines scènes, dit-il, « incarnaient la souffrance de mon peuple » et ont transformé sa manière de jouer.

Refuser la suprématie du blanc

Après ce succès, il signe avec une agente hollywoodienne réputée, mais leurs visions divergent. « Elle considérait les projets arabes comme sans importance et voulait que je travaille uniquement sur des productions occidentales, jusqu’à vouloir me rendre moins arabe, y compris physiquement. C’était une forme de suprématie du blanc. » Cette collaboration l’éloigne un temps du monde arabe, jusqu’à ce qu’il retrouve, grâce à son père, un rôle dans un projet régional. « C’est à ce moment-là que j’ai rompu avec cette agente. »

Un retour au monde arabe

Avec la série La Porte de l’Enfer (Bab Al-Jaheem, 2021), tournée au Liban, Adam Bakri renoue pleinement avec le monde arabe. « C’était un projet difficile, avec beaucoup d’action et de drame. » Sur ce tournage, il rencontre l’actrice libanaise Cynthia Samuel, qu’il épousera. Depuis, il partage sa vie entre New York et Dubaï. « Ces deux dernières années, j’ai rencontré beaucoup de gens intéressants et j’ai renoué avec le monde arabe que j’avais quitté. » Ce lien retrouvé l’a conduit à rejoindre un feuilleton égyptien à venir, diffusé pendant le Ramadan prochain : « Je ne peux pas en dire plus, mais c’est un projet important pour moi. »

Le cinéma égyptien comme matrice

Interrogé sur le cinéma égyptien, il s’anime : « J’ai grandi en regardant les films de l’âge d’or, surtout en noir et blanc. À un moment, je ne voyais que du cinéma égyptien, avant tous les autres. » Il cite Ciel d’enfer (Seraa’ Fel Wadi, 1954) de Youssef Chahine et Un homme dans notre maison (Fi Baytena Ragol, 1961) de Henry Barakat, et évoque avec émotion Omar Sharif : « Il a apporté au cinéma égyptien une manière nouvelle de jouer. J’ai grandi en rêvant d’être comme lui, et je suis certain qu’il a joué un rôle dans mon choix de devenir acteur. »

Affirmer son intégrité d’acteur

Parmi ses expériences internationales, il évoque Official Secrets (2019), aux côtés de Keira Knightley. Ce rôle lui vaut une nomination au Women Film Critics Circle Awards dans la catégorie « Best Screen Couple ». « Keira est une grande star, dit-il. Elle faisait partie de mes rêves de jeunesse. Travailler avec une artiste de ce niveau te rend meilleur. » Il confie que cette expérience lui a appris « des leçons précieuses sur le professionnalisme » et l’a aidé à mieux définir les rôles qu’il souhaite incarner.

Interrogé sur la manière d’éviter les stéréotypes imposés aux acteurs arabes, il répond : « Il suffit de refuser les rôles de terroristes. J’en ai refusé beaucoup, et ils ont fini par ne plus m’en proposer. Pour eux, l’Arabe est soit terroriste, soit victime. Mais on ne peut pas bien jouer un rôle qu’on n’aime pas, et je ne veux pas contribuer à donner une mauvaise image des Arabes. » Il ajoute : « Je suis privilégié, je pouvais refuser. Je n’avais pas de contraintes financières. Et le rôle d’Omar m’imposait une responsabilité : je ne pouvais pas devenir terroriste après avoir été militant. »

CIFF 2025
Adam Bakri
CIFF 2025 – Adam Bakri et Sherif Nour Eldin

Le cinéma palestinien face aux obstacles

En 2024, il tourne If You See Something, un film qu’il juge essentiel : « C’est l’histoire d’un Irakien qui essaie de vivre normalement aux États-Unis, d’aimer une femme, mais le système ne le lui permet pas, parce qu’il n’est pas blanc. »

Avec All That’s Left of You (2025), réalisé par Cherien Dabis, il signe l’un de ses projets les plus personnels. Le film, choisi pour représenter la Jordanie aux Oscars 2026, raconte l’histoire d’une famille palestinienne sur trois générations, de 1948 à nos jours. « Pour la première fois, je tourne avec mon père et mon frère », dit-il. Adam est également coproducteur du film. « C’est un jalon personnel et artistique. » Le tournage devait se dérouler en Palestine, mais le 7 octobre 2023 bouleverse tout : « J’étais arrivé le 6 pour tourner à Haïfa. Le lendemain, tout a changé. L’équipe étrangère a pris peur et est partie. Nous avons fini le tournage à Chypre et en Grèce. »

Adam Bakri reconnaît que tourner en Palestine devient de plus en plus complexe. « C’est très difficile, pas seulement pour des raisons de sécurité, mais aussi à cause des autorisations. Certains lieux sont inaccessibles, certains visas impossibles à obtenir. Malgré tout, je pense qu’il faut continuer à filmer là-bas. » Pour lui, le cinéma palestinien doit rester un témoignage : « Un bon film, c’est un film réaliste. Certains réalisateurs enjolivent la réalité, d’autres non. Moi, j’admire ceux qui restent fidèles à ce qu’ils voient, comme Michel Khalifeh. »

Le 7 octobre et la conscience du monde

Pour Adam Bakri, cet instant a marqué un tournant. « Le 7 octobre a mis la cause palestinienne sur le plan international. Je descendais dans le métro à New York et je voyais de jeunes Américains blancs porter le keffieh et lire des livres sur la Palestine. Je pense qu’il n’y aura plus de retour en arrière. » Il ajoute : « Il faut que nous puissions nous libérer de la colonisation qu’ils ont construite en nous pendant de longues années. »

Un artiste multiple

Son engagement se traduit aussi par la continuité de son œuvre. Omar sera prochainement projeté à New York lors d’un événement pour Gaza. « Le monde est aujourd’hui prêt à nous écouter. Les gens verront ce film sous un angle différent. »

Au-delà du cinéma, Adam Bakri cultive d’autres formes d’expression. « J’espère pouvoir un jour faire une exposition, j’adore peindre », confie-t-il. Il publie ses œuvres sur un compte intitulé Hay, du nom d’un personnage apparu dans un rêve. « Cinq ans plus tard, alors que je traversais une période difficile, je me suis souvenu de lui. Hay est devenu une figure que je continue de développer. »

Il écrit, lit beaucoup, y compris de la poésie, et accorde une grande importance à la culture : « Une personne doit lire. Si tu ne lis pas, tu meurs. Il faut connaître les expériences des autres, cela t’enrichit. » Longtemps passionné par les essais, il s’est tourné vers le roman après avoir découvert l’écrivain Maruani : « Il m’a ouvert à l’importance du monde intérieur et de l’imagination. Cela m’aide énormément comme artiste. »

Même les échecs, qu’il pratique en amateur, participent à cette quête intérieure : « Mon père et mes frères sont très bons, moi je débute. Mais ce jeu apprend la patience et une autre façon de penser. »

Quand Sherif Nour Eldin lui demande ce que signifie pour lui la notion de “chez soi”, il répond sans hésiter : « Mon chez-moi, ce sont des personnes, pas un lieu. C’est là où sont mes proches, mes amis, les gens que j’aime. »

Rêver, encore

Poète autant qu’acteur, Adam Bakri revendique sa part de rêveur. « Aujourd’hui, mes rêves sont plus clairs. Chaque décision que je prends, je la pèse davantage. » Sur ses aspirations : « Elles sont nombreuses. Sur le plan général, je souhaite que Gaza se relève, que les Arabes aillent mieux. Sur le plan personnel, j’aimerais continuer à accomplir des choses qui comptent. »

Il conclut avec sérénité : « La vie sans rêve est plus difficile. Avoir des objectifs clairs permet de faire des choix conscients. »

En écoutant Adam Bakri, on comprend que le cinéma n’est pas seulement un art, mais une forme de résistance tranquille, un langage pour exister autrement. Derrière chaque rôle, il cherche moins à représenter un peuple qu’à redonner un visage à l’humain. Et peut-être est-ce là la véritable puissance du cinéma arabe aujourd’hui : celle d’inviter le monde à regarder, enfin, sans détour.

Neïla Driss

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