Roman | La voix singulière de Ramsès Kefi
Ramsès Kefi signe un premier roman poignant avec ‘‘Quatre jours sans ma mère’’, publié le 21 août 2025 chez Philippe Rey, à Paris. Ce texte, déjà récompensé par le Prix Première Plume 2025, plonge le lecteur au cœur d’une famille secouée par la fugue d’Amani, la mère, et explore avec finesse les liens complexes entre filiation, amour et tradition.
Djamal Guettala
Le récit commence par une nuit d’inquiétude, lorsque Salmane, le fils trentenaire, découvre que sa mère a disparu, sans prévenir personne, laissant derrière elle son quotidien intact : «Avant de tailler sa route, Amani n’a rien changé à ses habitudes. C’est peut-être ça, le plus badant, partir en respectant la routine. Elle a cuisiné et étendu le linge. Dans ma chambre, elle a laissé des draps propres et allumé une bougie vanille sur mon bureau bordélique…»
Cette fugue devient un révélateur pour Salmane et son père Hédi, figure à la fois protectrice et rugueuse, qui le guide dans cette quête nocturne de la mère disparue. Les descriptions de la Caverne, quartier populaire où ils vivent, restituent avec précision le microcosme social et culturel de la cité : «La Caverne, notre terroir, est un quartier populaire comme un autre, où des hiboux aux fenêtres surveillent qui va et vient toute la sainte journée… Ici, une femme ne se barre pas en laissant un homme à la maison. Elle doit rester, quoi qu’il en coûte.»
Addiction génétique au piment
Kefi dresse également un portrait sensible des origines de ses personnages. Amani et Hédi racontent leur enfance dans des orphelinats du Maghreb, leur arrivée en France et leur installation dans un HLM, où se forge l’identité de leur fils : «J’avais cinq ans quand Amani et Hédi m’ont raconté leur enfance dans un orphelinat niché sur une montagne d’Afrique du Nord… Du pays ils n’ont rien ramené, hormis des «R» roulés, un amour pour la neige et une addiction génétique au piment.»
Le roman excelle à montrer comment les gestes quotidiens deviennent porteurs de sens et d’émotion. Une clé rouillée, un café préparé, un bureau désordonné deviennent des ancrages dans la mémoire et l’affection familiale. Les personnages secondaires, comme Maria, amie proche d’Amani, renforcent la richesse de ce microcosme : «Ma mère et cette couturière, immense fumeuse de Gitanes, avaient un paquet de passions communes… Elles passaient le dimanche après-midi à lire, à écouter de la musique et regarder de vieux films ensemble.»
Le style de Kefi mêle réalisme social et sensibilité littéraire. Les dialogues et pensées intimes des personnages alternent avec des observations de la vie quotidienne, donnant au lecteur un sentiment de proximité avec leurs inquiétudes et leurs émotions. Le roman illustre aussi le contraste entre la pudeur de la mère et l’expressivité du père : «Sur le siège passager, Hédi met un point d’honneur à liquider son stock d’insultes. Fumiers, Bons à rien, Chiens… Il se retourne vers moi, la langue sortie et enroulée, prêt à me mimer la scène du Parking.»
Une tendresse infinie
La réception critique souligne la justesse et la tendresse de ce premier roman. Le jury du Prix Première Plume 2025 a salué «un premier roman qui derrière les non-dits et la pudeur d’une famille en plein questionnement, nous couvre d’une tendresse infinie». Jérémy Parrot, président du jury, parle de «l’envol d’une mère au grand dam de ses hommes. Réjouissant».
‘‘Quatre jours sans ma mère’’ confirme la voix singulière de Ramsès Kefi, capable de transformer l’absence en récit universel, où la tension dramatique côtoie l’humour et la poésie des gestes quotidiens. Entre fugue, amour filial et microcosme social, le roman tisse un portrait attachant d’une famille et de ses secrets.
Ramsès Kefi est un jeune écrivain français. Né dans une famille populaire, il puise son inspiration dans son environnement et ses racines pour explorer les dynamiques familiales et sociales. Quatre jours sans ma mère, publié le 21 août 2025 chez Philippe Rey, est son premier roman, distingué par le Prix Première Plume 2025.
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