Editions Nirvana | Les éclats du réel et les battements du cœur
Certains récits ne racontent pas seulement des histoires : ils creusent une mémoire, réveillent une douleur, rappellent une promesse. Les éditions Nirvana publient cinq textes récents qui incarnent cette parole nécessaire. Cinq livres comme autant de visages d’une Tunisie multiple : entre villes anciennes et révolutions trahies, entre l’exil et le foyer, entre la mémoire et l’amour. Des voix qui ne hurlent pas, mais qui frappent juste. Et longtemps.
Djamal Guettala
‘‘Du cœur de la médina’’ — Salah Darghouth :
Un pas après l’autre, Salah Darghouth nous guide dans les ruelles de Tunis, du côté de Bab Souika et Halfaouine. Loin des cartes postales, la médina reprend ses droits : odeurs d’épices, patios bruissant de voix, silence des souvenirs. Ce roman sensible et lumineux ressuscite un monde disparu, où l’islam était douceur, où l’enfance se mêlait à la pierre, et où la mémoire dessinait les contours de l’identité.
‘‘J’ai oublié d’aimer’’ — Zoubeida Khaldi :
Sabra croyait tenir une bouée, elle a sombré avec. Dans une Tunisie blessée, en lutte contre un virus et contre elle-même, une fille-mère lutte pour rester debout. Inspiré d’un fait réel, ce récit au couteau explore les violences sociales, l’abandon, l’humiliation — et malgré tout, une volonté farouche d’exister. Zoubeida Khaldi offre un roman bouleversant, nécessaire, qui parle pour toutes celles qu’on a réduites au silence.
‘‘Le Patio de Joubrane’’ — Béchir Ben Aïssa :
Joubrane, enfant déplacé, déporté, cherche à rembourser sa dette envers les siens. Son parcours finit dans le mystère, entre souvenirs déchirés et vérité enfouie. Béchir Ben Aïssa signe une fable sombre, portée par une écriture tendue entre l’allégorie et l’enquête. Un livre sur l’exil, sur les enfances volées, sur la fidélité aux morts. Rien n’est apaisé, mais tout est dit avec une justesse rare.
‘‘Réflexions d’un promeneur solitaire’’ — Gilbert Naccache :
Dernier message d’un homme libre, ce recueil posthume rassemble les pensées d’un esprit lucide et fidèle à ses combats. Gilbert Naccache écrivait pour transmettre, mais aussi pour rompre, déranger, réveiller. Chaque fragment résonne comme un rappel au devoir de mémoire, un refus de la résignation. Avec la complicité d’Azza Ghanmi et Thameur Mekki, cette voix continue de marcher parmi nous. Plus que des réflexions : un legs.
‘‘L’enfant de la mer’’ — Mohamed Hachani :
Face à l’extrémisme, à la corruption, à l’exil sans retour, que reste-t-il ? L’amour, peut-être. Mohamed Hachani inscrit son récit dans une Tunisie fracturée, post-Ben Ali, où des jeunes fuient à bord d’embarcations fragiles, cherchant une vie meilleure. Pourtant, dans ce chaos, l’amour survit. Mieux : il résiste. Un roman d’une intensité poignante, entre noirceur du monde et éclat du cœur.
Cinq livres, cinq façons d’interroger la Tunisie, cinq regards tendus entre douleur et tendresse. Les éditions Nirvana n’éditent pas des livres pour distraire. Elles éditent pour éveiller, pour rappeler, pour ne pas oublier. Ces voix touchent, émeuvent, bousculent. Elles laissent une trace.
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