Huile d’olive tunisienne : L’or vert triomphe en Scandinavie, après les médailles, place aux réformes
La Tunisie a remporté haut la main la Scandinavian International Olive Oil Competition 2025, raflant 64 médailles et devançant les géants historiques du secteur. Une nouvelle consécration qui confirme la qualité exceptionnelle de l’huile d’olive tunisienne à l’échelle mondiale. Mais derrière cette réussite éclatante, une question demeure : comment transformer ces victoires symboliques en progrès durables pour toute la filière ?
La Presse — La Tunisie s’est hissée à la première place de la Scandinavian International Olive Oil Competition (Siooc), organisée du 27 au 29 juin 2025 par le groupe suédois Global International Olive Oil Competitions (Giooc). Ce concours, qui s’est déroulé en ligne, a réuni près de 100 échantillons soumis par 80 entreprises venues de 14 pays, dont la Grèce, l’Italie, l’Espagne, la Turquie, le Maroc, la Jordanie et l’Arabie saoudite.
Avec un total impressionnant de 64 médailles — dont 45 médailles d’or dans la catégorie qualité, 4 d’argent dans cette même catégorie, et 15 médailles d’or dans la catégorie «santé» — la Tunisie s’impose en tête du classement, devançant ainsi des poids lourds historiques du secteur oléicole, comme l’Italie, la Turquie, ou la Grèce.
Le jury, composé d’experts tunisiens et grecs reconnus pour leur compétence en dégustation sensorielle, a salué l’excellence des huiles tunisiennes, reflet d’un savoir-faire transmis de génération en génération, de terroirs d’exception et d’un engagement croissant des producteurs vers l’excellence et les normes internationales.
Une reconnaissance internationale qui s’affirme
Ce résultat n’est pas un fait isolé. Il s’inscrit dans une dynamique que la Tunisie confirme année après année. L’huile d’olive tunisienne s’impose de plus en plus dans les grands concours internationaux. Elle s’y distingue non seulement par sa qualité organoleptique (goût, arôme, texture), mais aussi par ses propriétés nutritionnelles et sa capacité à répondre aux exigences croissantes des marchés en matière de santé et de traçabilité.
Elle devient ainsi un produit à fort potentiel dans un marché mondial de plus en plus attentif à la durabilité, à l’authenticité et aux bienfaits pour la santé.
Le Giooc, organisateur du concours, rappelle d’ailleurs que cette compétition scandinave est la dernière d’un cycle annuel prestigieux, comprenant également l’European International Olive Oil Competition en Suisse, le Global Olive Oil Competition à Abu Dhabi, et le United States International Olive Oil Competition à Miami. À travers ces événements, le groupe suédois œuvre à la mise en valeur des meilleures huiles d’olive vierge extra du monde et à l’accompagnement des producteurs dans leur stratégie de rayonnement international.
Des investisseurs qui scrutent le potentiel tunisien
Dans cette logique d’ouverture à l’international, et alors que les médailles pleuvent, la Tunisie cherche aussi à capter de nouveaux investissements. Une réunion s’est tenue récemment entre la Tunisia Investment Authority (TIA) et le groupe Iffco, basé aux Émirats arabes unis, afin d’explorer les perspectives de développement du secteur agroalimentaire en Tunisie.
Iffco, déjà implanté dans le pays à travers plusieurs structures (Cogia SA, SDA Zitouna, l’Appétissante), envisage d’élargir ses activités, en optimisant ses installations existantes et en étudiant les opportunités offertes par l’industrie tunisienne de transformation des aliments, notamment dans le domaine oléicole.
La présidente de la TIA, Namia Ayadi, a profité de cette rencontre pour présenter les dispositifs de soutien mis en place par l’agence, les mesures d’accompagnement personnalisées et les avantages comparatifs de la Tunisie, qu’il s’agisse de sa position géographique, de la compétence de sa main-d’œuvre, ou encore de la richesse de ses filières agricoles. L’objectif est clair : faire de la Tunisie un pôle régional incontournable de l’agro-industrie.
L’heure est à la structuration
Mais au-delà des distinctions, aussi réjouissantes soient-elles, une question s’impose : que faisons-nous de ce succès ? L’or vert tunisien ne manque ni de qualité ni de reconnaissance. Ce qui lui manque encore, c’est un écosystème suffisamment robuste, cohérent et structuré pour transformer ces performances ponctuelles en succès durables.
Nous ne pouvons indéfiniment aligner des chiffres flatteurs et des trophées sans poser un regard lucide sur les fragilités du secteur. La chaîne de valeur oléicole tunisienne reste inégalement développée. Trop souvent, la production est morcelée, les outils de transformation sont vieillissants, et l’exportation reste majoritairement orientée vers le vrac, au détriment d’une mise en bouteille valorisante et compétitive.
Dans ces conditions, moderniser les infrastructures de production, renforcer les capacités des petits producteurs et encourager des pratiques agricoles durables ne relèvent plus du choix stratégique, mais de l’urgence nationale.
Par ailleurs, la Tunisie gagnerait à repenser sa stratégie de promotion à l’international. Trop souvent, nos huiles primées restent invisibles pour les consommateurs finaux, faute d’un marketing adapté et d’une identité de marque forte. Pour s’imposer sur les marchés haut de gamme, en particulier dans les secteurs bio ou gourmet, il est essentiel de miser sur l’origine, la traçabilité, la certification, mais aussi la valorisation des terroirs. L’huile d’olive du nord-ouest ne ressemble pas à celle du Sahel ou du sud, et c’est cette richesse, cette diversité de textures et d’arômes qu’il faut apprendre à raconter et à faire apprécier.
Semer aujourd’hui pour récolter demain
Ce moment d’alignement des astres — où la Tunisie brille sur la scène internationale et attire l’intérêt des investisseurs — doit être saisi comme un levier pour repenser en profondeur le modèle de développement de la filière oléicole. Il ne suffit plus de se réjouir des prix remportés.
Il faut les inscrire dans une vision long terme, adossée à une stratégie de montée en gamme, à une gouvernance efficace, et à un accompagnement rigoureux des producteurs. Ce que nous récoltons aujourd’hui est le fruit d’un héritage, d’un savoir-faire, d’une passion. Mais ce que nous risquons de perdre demain, si nous n’agissons pas, ce sont les débouchés, la compétitivité, et même l’identité culturelle portée par cet or liquide. Les réformes structurelles ne sont donc pas un luxe ou une ambition vague, elles représentent une condition de survie.
À l’image de cette moisson de médailles en Scandinavie, la Tunisie peut viser haut. Mais pour que ces victoires aient un impact durable, il faut qu’elles s’inscrivent dans une dynamique cohérente, portée par des choix clairs, des investissements ciblés et une mobilisation collective autour de ce produit d’exception, qui n’est pas seulement agricole, mais profondément national.