Le producteur Habib Attia invité à rejoindre The Academy of Motion Picture Arts and Sciences
Le producteur tunisien Habib Attia figure parmi les nouveaux membres invités à rejoindre l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences, prestigieuse institution qui organise chaque année les Oscars. Cette reconnaissance confirme l’importance de son parcours et de sa contribution au renouveau du cinéma tunisien, qu’il accompagne depuis près de deux décennies à travers des œuvres puissantes, singulières et désormais incontournables sur la scène internationale.
Habib Attia rejoint ainsi un cercle encore restreint de professionnels tunisiens admis au sein de l’Academy, tous ayant joué un rôle actif dans le développement du cinéma tunisien. Avant lui, la réalisatrice Kaouther Ben Hania – dont il a produit plusieurs films –, la réalisatrice Raja Amari, la productrice Dorra Bouchoucha, la monteuse franco-tunisienne Nadia Ben Rachid, ou encore la réalisatrice Meryam Joobeur (Brotherhood, nommé aux Oscars en 2020), ont été invités à siéger dans différentes branches de l’institution. Le producteur Tarak Ben Ammar, qui a produit plusieurs films tournés en Tunisie et soutenu l’industrie locale dès les années 1970, en fait également partie. L’entrée d’Habib Attia vient ainsi renforcer une présence tunisienne encore modeste mais croissante dans cette institution de référence.
À la tête de la société Cinétéléfilms, fondée par son père Ahmed Bahaeddine Attia, producteur historique de films majeurs comme Les Silences du palais, Les Sabots en or et Halfaouine, Habib Attia a su, dès son retour en Tunisie en 2007 après avoir terminé ses études en Italie, faire émerger une nouvelle génération de cinéastes. Son nom est aujourd’hui indissociable de la percée du cinéma tunisien sur la scène mondiale, notamment grâce à une série de films qui ont franchi les frontières des festivals pour accéder aux plus hautes sphères de reconnaissance, jusqu’à l’Académie elle-même.
L’un des projets les plus marquants qu’il a portés reste L’homme qui a vendu son dos/The Man Who Sold His Skin, réalisé par Kaouther Ben Hania, qui a permis à la Tunisie de décrocher sa toute première nomination à l’Oscar du meilleur film international, en 2021. Le film, audacieux et visuellement stylisé, interroge les notions de liberté, de frontières et de marchandisation des corps, à travers l’histoire d’un réfugié syrien devenu œuvre d’art vivante. Présenté à la Mostra de Venise, il a connu un parcours exceptionnel jusqu’aux Oscars, consolidant la réputation de Habib Attia comme producteur capable de porter des projets à la fois artistiquement exigeants et internationalement viables.
Deux ans plus tard, en 2023, il produit Les Filles d’Olfa, également réalisé par Kaouther Ben Hania. Le film est présenté en compétition officielle au Festival de Cannes (première présence d’un film tunisien en sélection officielle depuis 1970) et y remporte quatre prix décernés par des jurys indépendants : l’Œil d’or du meilleur documentaire, le Prix François-Chalais, le Prix de la Citoyenneté et le Prix du Cinéma positif. Il est ensuite nommé aux Oscars 2024 dans la catégorie meilleur documentaire. Œuvre hybride, entre documentaire et fiction, Les Filles d’Olfa interroge le destin d’une mère tunisienne dont deux filles ont rejoint Daech, tout en explorant les traumatismes intimes et politiques que cette histoire incarne. Là encore, le geste de production de Habib Attia est fondamental : accompagner une œuvre complexe, qui bouscule les formats narratifs traditionnels, tout en lui assurant une visibilité mondiale.
Mais au-delà de ces deux films emblématiques, Habib Attia a produit, depuis une quinzaine d’années, plusieurs œuvres majeures du cinéma tunisien post-révolutionnaire. Dès 2013, Le Challat de Tunis, satirique et impertinent, marquait le début de sa collaboration avec Kaouther Ben Hania. Il s’était auparavant engagé dans la production de No More Fear de Mourad Ben Cheikh, l’un des tout premiers films à documenter la révolution tunisienne, ou encore It Was Better Tomorrow de Hinde Boujemaa. Il est aussi coproducteur de Brotherhood de Meryam Joobeur, qui a valu à la Tunisie sa première nomination aux Oscars dans la catégorie du court-métrage de fiction.
Aujourd’hui, son entrée à l’Academy vient consacrer un parcours fondé sur la rigueur, la fidélité artistique et une rare capacité à faire rayonner des récits tunisiens profondément ancrés dans le réel. Elle atteste aussi de la place croissante qu’occupe le cinéma tunisien sur la scène internationale. Si le cinéma tunisien est de plus en plus présent dans les festivals majeurs et accède aux cérémonies prestigieuses comme les Oscars, il reste cependant en marge des grands circuits industriels de production mondiaux, marqués par des enjeux économiques et de distribution complexes. La trajectoire de producteurs comme Habib Attia prouve qu’un autre modèle est possible : celui d’un cinéma indépendant, audacieux, libre, qui n’attend pas qu’on lui tende la main pour exister.
Neïla Driss
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