Aux éditions Arabesques : L’eveil de Selma Ben Romdhane, pilote-poète
Elle a toujours écrit, à ses moments perdus, mais c’est avec ce temps mort que nous a offert le Covid qu’elle s’y est mise avec passion, ardeur et constance.
La Presse — Est-ce de fréquenter les cieux, de courser les nuages et de suivre la route des oiseaux migrateurs qui a donné à Selma Ben Romdhane ce goût de la poésie, ce rythme du verbe et cet engouement pour les vers ?
Le fait que cette élégante jeune femme qui porte avec assurance et panache l’uniforme des conquérants du ciel, assurée et concentrée quand elle intègre la cabine de pilotage, s’envole vers d’autres univers dès qu’elle met pied à terre. Janus à deux faces, elle mène de front deux vies dans deux univers : celui de la technique maîtrisée et celui du rêve débridé.
En fait, elle a toujours écrit, à ses moments perdus, mais c’est avec ce temps mort que nous a offert le Covid qu’elle s’y est mise avec passion, ardeur et constance.
«En écrivant, j’ai découvert une partie de moi-même que j’avais totalement occultée. Les mots venaient seuls, avec fluidité, à n’importe quel moment du jour ou de la nuit, sans que je puisse contrôler le temps de l’écriture. J’ai essayé de maintenir ce côté instinctif de l’écriture. C’était pour moi une réelle thérapie».
Mais l’écriture peut être dangereuse quand elle n’est pas contrôlée. C’est ce qui s’est passé dans le parcours poétique de Selma Ben Romdhane. Envisageant cette expérience comme une thérapie bénéfique, elle a très vite découvert un mal-être insoupçonné, que ni elle ni son entourage n’avaient décelé.
« J’ai tout de même voulu aller au bout de cette démarche, sans forcément être prête à le faire. C’était un terrain inconnu, non sécurisé. Bien sûr, c’était dangereux, et ma vie a totalement changé. Je ne suis plus du tout la même qu’il y a cinq ans. J’ai découvert le vrai moi et non celui que l’on voulait que je sois. Ce moi, le vrai, a des parties sombres, d’autres lumineuses. J’ai appris à l’aimer, sans attendre le regard des autres ».
Une telle expérience a remis de nombreuses choses en question pour Selma Ben Romdhane. Sa relation aux autres a changé. Elle, qui versait souvent dans la victimisation, se sentait incomprise, trahie, abandonnée, a appris à ne pas attendre des gens des choses qu’ils ne pouvaient donner. Alors, bien sûr, dans son entourage, on a pu se sentir remis en question, mis en accusation, rejetés. D’autres ont compris, ont d’eux-mêmes réajusté leurs rapports. «Mes propres enfants m’ont cru devenue folle, puis ont compris mon cheminement. Ils me guident. Je ne suis pas parfaite, eux non plus. Nous nous améliorons les uns les autres, en étant dans la bienveillance».