Un film fort et haletant qui, dans une course folle, retrace deux jours de la vie d’un sans-papier guinéen.
Projeté à la 35e édition des JCC dans le cadre de la section Cinéma du monde, « L’histoire de Souleymane » de Boris Lojkine, Prix du jury et Prix d’interprétation masculine pour Abou Sangare au Festival de Cannes 2024, est un film fort et haletant qui retrace deux jours de la vie d’un sans-papier guinéen.
Le film traite de la question brûlante des sans-papiers. Le sujet préoccupe les autorités européennes qui font un tri sélectif de migrants et tentent de refouler hors de leurs frontières les clandestins. Souleymane représente les indésirables. Son souci est d’obtenir des papiers officiels lui permettant de vivre au grand jour sans avoir à se cacher et de fuir la police.
En attendant, Souleymane travaille comme livreur. Il roule sans relâche à grande vitesse sur son vélo dans la capitale parisienne grouillant de monde. Il grille parfois les feux rouges pour livrer une commande. On le voit livrer une pizza que le fils a commandé pour son vieux père. Souleymane, courtois, tente de l’aider. Une scène significative qui révèle le taux élevé de vieillesse de la population vivant isolée. Cela veut dire que l’Europe a besoin de se repeupler et d’accepter sur son territoire des jeunes comme Souleymane. Au cours de sa course folle pour livrer le maximum de commande afin de gagner plus d’argent, Souleymane percute une voiture, tombe à terre et se relève vite puis repart sans faire d’embrouille avec le conducteur, d’autant plus qu’il n’a ni le temps ni les documents nécessaires pour faire un constat. L’histoire de Souleymane est celle des centaines voire des milliers de migrants clandestins qui n’ont ni des droits ni un boulot fixe et permanent qui leur permet de mener une vie normale.
Souleymane ne se résigne pas et cherche à s’en sortir. Il a l’espoir de gagner la bataille en répétant en boucle les quelques phrases en français correct qu’il va réciter à un agent de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), chargé d’étudier sa demande d’asile. Souleymane a dû traverser le Sahara, les prisons libyennes et la Méditerranée pour rejoindre la France avec l’espoir de vivre une vie décente.
La force du film est de se concentrer sur les 48 heures de la vie de Souleymane dont le personnage est campé par un acteur non-professionnel Abou Sangare, devenu célèbre avec ce rôle. Lui-même est un sans-papiers et travaille comme mécanicien. « L’histoire de Souleymane » tient en haleine le spectateur. Le risque de se faire attraper par la police est imminent. Une série d’obstacles entravent le parcours de Souleymane : un policier un peu trop zélé le contrôle, mais sans conséquence, une altercation avec un loueur sans scrupule de compte Uber, un bus pressé qui ne veut pas attendre, une cliente insatisfaite sont autant d’entraves à franchir pour réaliser son objectif.
La réalisation dans des décors naturels est minimaliste pour être au plus près du réel. Très proche du thriller urbain, le film épouse le point de vue des précaires, ici les sans-papiers, qui malgré leur vulnérabilité et grâce à leur courage et leur détermination, veulent sortir de l’ombre à la lumière.
L’article JCC 2024 – « L’histoire de Souleymane » de Boris Lojkine (France) : Un excellent thriller urbain est apparu en premier sur La Presse de Tunisie.