« La Ziara » en clôture à Kasserine : Un rituel collectif
Le spectacle agit ainsi comme un moteur émotionnel, une forme de catharsis collective où le corps, le son et le silence s’unissent pour faire émerger une sensation rare de libération intérieure. La clôture du Festival de Kasserine n’a pas été qu’un événement festif. Elle a rappelé avec force que la culture n’est pas un luxe, mais une nécessité vitale.
La 44e édition du Festival international de Kasserine s’est clôturée, lundi soir, sur une note d’émotion et de transcendance avec le spectacle «Al-Ziyara» de Sami Lajmi. Loin d’un simple concert, ce moment a pris la forme d’une expérience immersive, spirituelle, où musique, chant, danse et mémoire collective ont fusionné dans un théâtre antique plein à craquer.
Le public a investi massivement les gradins du théâtre romain de Cillium, réaffirmant son attachement à une culture vivante et exigeante. Mais surtout, les spectateurs n’étaient pas de simples témoins : ils faisaient corps avec le spectacle. «Al-Ziyara», projet musical né il y a plus de dix ans, puise dans l’héritage soufi tunisien et le réinvente avec une touche contemporaine, réunissant plus de 100 artistes musiciens, choristes et danseurs dans une scénographie profondément symbolique.
«Ce n’est pas un spectacle classique, c’est une expérience en soi, une sorte de rituel qui se renouvelle à chaque fois», a expliqué Moncef Turki, l’une des voix principales du projet, dans une déclaration à l’Agence TAP. «Ce théâtre n’est pas seulement un espace de représentation, c’est une «hadra» vivante où se croisent les esprits du passé et les aspirations du présent».
Restauré en 2018, le théâtre antique de Cillium (capacité : 1.000 places) s’est imposé comme un acteur à part entière du spectacle. L’architecture millénaire, mise en valeur par un dispositif scénographique subtil, offre un écrin propice à la résonance des chants mystiques et aux mouvements chorégraphiques collectifs. L’approche de Sami Lajmi intègre harmonieusement la lumière, le son et l’espace, transformant la scène en un lieu de communion esthétique et spirituelle.
Cette année, «Al-Ziara» s’est enrichie de nouvelles dimensions visuelles et sonores. La scénographie repensée a permis d’ancrer le spectacle dans une dynamique contemporaine tout en respectant l’essence du patrimoine soufi. Les tableaux vivants formés par les interprètes évoquaient une procession intérieure, symbolisant la rencontre des âmes dans un espace sacré partagé.
Selon Moncef Turki, «Al-Ziyara», au-delà de son impact visuel et musical, tire sa force de son ancrage dans la mémoire collective tunisienne : «Ce n’est pas une simple reconstitution folklorique. C’est une relecture artistique de siècles de pratiques spirituelles populaires. Chacun s’y reconnaît, l’enfant comme l’aîné. C’est une mémoire vivante qui nous relie à notre identité profonde».
Le spectacle agit ainsi comme un moteur émotionnel, une forme de catharsis collective où le corps, le son et le silence s’unissent pour faire émerger une sensation rare de libération intérieure.
La clôture du Festival de Kasserine n’a pas été qu’un événement festif. Elle a rappelé avec force que la culture n’est pas un luxe, mais une nécessité vitale. À travers «Al-Ziara», le public a renoué avec l’idée que l’art peut être une nourriture pour l’âme, un espace de mémoire partagée et un vecteur de lien social.
Le rideau est tombé sur cette 44e édition, mais l’écho du spectacle continue de résonner dans les esprits. Comme une lointaine invocation, il rappelle que l’art authentique ne se contente pas de divertir : il élève, relie et transforme.