L’Instance nationale de la sécurité sanitaire des produits alimentaires (Insspa) a annoncé que ses équipes de contrôle ont saisi d’importantes quantités de produits non conformes aux normes sanitaires dans plusieurs régions du pays, et ce, dans le cadre des campagnes de contrôle menées en partenariat avec les services de sécurité.
La Presse —Selon la dernière information, on a saisi 1.589 tonnes de produits de consommation à Mahdia, que l’on se chargera de détruire. Pour la bonne raison que ces produits ne pourront être consommés ni par les humains ni par les animaux. Ils sont avariés, parce que certainement mal conservés. Tout d’abord ce n’est pas la première fois que l’on saisit un tonnage aussi important. Les saisies se succèdent à un rythme accéléré, ce qui revient à dire que la lutte contre ces hors-la-loi est sur la bonne voie.
Les spéculateurs ne reculent devant rien et malgré l’étau qui se resserre autour d’eux, ils continuent de sévir. La raison se trouve dans la liberté d’action qu’ils ont eue lors de la période du Covid-19 qui a ouvert les portes, favorisé, la mise en place de réseaux de mieux en mieux organisés. Des réseaux qui se sont consolidés par la formation de véritables relais mafieux, qui ont littéralement quadrillé le pays. Les dépôts clandestins et les pseudo — chambres frigorifiques, ont surgi partout. Surtout au sein des cités populaires qui ont été envahies et organisées pour servir de paravents. Il y avait même des gamins que l’on chargeait de bloquer l’avancée des patrouilles de contrôle. Depuis, un bon nombre a été mis hors d’état de nuire. Mais il en reste certainement encore.
Ces chambres frigorifiques, il ne faudrait pas se tromper, ne sont pas de simples espaces que l’on garnit de quelques compresseurs pour faire baisser la température. Elles sont tenues de répondre à des caractéristiques bien définies et c’est ce que l’on met dedans qui détermine la température. Il faut de véritables spécialistes pour les faire fonctionner.
On ne met pas des bananes avec des oranges ou du raisin avec des prunes (celles qui sont actuellement sur le marché sont bouffées par le froid et à la limite de la consommation humaine). Et comme lorsqu’on spécule on n’est pas très regardant à ces aspects techniques, la qualité de ce que l’on conserve laisse à désirer.
Il n’y a qu’à voir le raisin actuellement sur le marché. La grappe est sèche, de couleur marron, ce qui suppose qu’on l’a cueillie depuis un bon bout de temps.
Le goût confirme cette manipulation.
Mais la conséquence de toutes ces saisies est beaucoup plus importante que ce qu’elle représente au niveau de la valeur de cette marchandise que l’on est obligé de mettre hors circuit.
En effet, lorsque les produits saisis sont en bon état et comestibles, on les remet sur le marché et le trésor bénéficie de ce que cela rapporte.
Mais dans le cas où tout serait détruit, pour des raisons de santé du consommateur, la valeur de ces produits est une perte sèche pour la communauté.
En effet, ces produits qui ont été retirés à la source, ces quantités siphonnées sont plus où moins importantes et leur retrait déstabilise le marché, provoquent des pénuries et, bien entendu, sont à la base d’une évolution des prix, étant donné que la demande est en deçà de l’offre.
Pour provoquer une panique au sein des marchés de gros, comme auprès des consommateurs, semer la zézaie, il n’y a pas mieux. C’est la raison pour laquelle nous retrouvons du raisin en pleine saison avec un prix minimum uniforme partout de six dinars et plus, des figues à plus de douze dinars, des pêches plates en matière plastique à huit dinars. De quoi dénaturer le goût et mener le consommateur par le bout du nez.
Ce tonnage impressionnant de produits impropres à la consommation, il fallait non seulement le stocker, mais aussi le conserver. Et c’est là que le bât blesse.
Comment ces fruits et ces légumes, ces produits de toutes sortes, ont-ils traversé le territoire sans être inquiétés? Comment a-t-on fait pour ramasser toutes ces quantités de marchandises ?
Ce sont les questions que l’on doit se poser, car pour assainir la situation, il faudrait remonter à la source et assurer à ces ventes sur pied une traçabilité minimale. La reprise en main du transport des produits agricoles, comme ceux qui sont destinés à la consommation humaine et même animale, devrait être un dossier à prendre sérieusement en main.
N’oublions pas que le transport a été libéralisé pour améliorer entre autres les échanges entre gouvernorats. Et voilà qu’il devient source de problèmes. C’est exactement le cas des «frigos». On a encouragé leur implantation et voilà qu’elles sont devenues des moyens de déstabiliser le marché et de hausses de prix en faussant les quantités à mettre en vente.
Il ne sert à rien d’avouer, de reconnaître que l’eau minérale, les boissons gazeuses, les conserves, le lait et laitages, etc, subissent des transferts nocifs pour la santé à cause de leur transport non adapté ou dans des camions à découvert sous le soleil ou la pluie. Les instances directement intéressées devraient être plus exigeantes, rigoureuses, sans pitié, pour ces réseaux qui semblent encore à l’aise, contrôlent les quantités à injecter, décident du timing, fixent les prix et se permettent de choisir de quels desserts le consommateur doit disposer.
Cela revient à dire que ces tonnages «capturés» représentent une perte souvent sèche pour l’économie nationale. Cette marchandise a coûté de l’eau, des semences de qualité et des intrants souvent importés, de l’énergie, des fertilisants, de la main-d’œuvre, des frais bancaires, etc. C’est bien dommage qu’elle finisse brûlée, ensevelie dans une décharge.
L’accepter, serait tout simplement oublier que tout ce qui est détruit a une valeur et avouer qu’en ce qui concerne cette spéculation, on n’est pas encore convaincu qu’il faudrait remonter à la source et assécher ses territoires conquis, par une traçabilité rigoureuse ne souffrant aucune concession.