Abbaye de Jumièges : l’art contemporain tunisien à l’honneur avec l’exposition “Le temps creuse même le marbre”
Au cœur des ruines de l’Abbaye de Jumièges (France), site érigé au VIIème siècle, transformé en carrière de pierres avant de devenir monument historique, l’exposition collective d’art contemporain “Le temps creuse même le marbre” donne à voir, jusqu’au 21 septembre 2025, le travail de onze artistes contemporains tunisiens explorant l’image sous toutes ses formes, autour des thèmes de l’histoire, des traditions et de la mémoire.
Placée sous le commissariat de Victoria Jonathan, curatrice d’origine tunisienne, cette exposition temporaire coproduite par l’Abbaye de Jumièges et le département de la Seine-Maritime, s’articule autour du thème de l’image et la mémoire dans la création artistique contemporaine. Présentée au logis abbatial de Jumièges, (espace d’exposition) elle réunit les artistes Héla Ammar, Ismail Bahri, Asma Ben Aissa, Younès Ben Slimane, Meriem Bouderbala, Rafram Chaddad, Chiraz Chouchane, Férielle Doulain-Zouari, Farah Khelil, Amira Lamti et Fredj Moussa.
Le titre de l’exposition reprend un proverbe tunisien dont l’équivalent français pourrait être “Goutte après goutte, l’eau finit par creuser la pierre”. Il évoque l’accumulation de petits événements qui, à force de se répéter dans le temps, finissent par produire des effets profonds.
De Carthage à la colonisation, de la révolution de 2011 aux migrations contemporaines, l’exposition, organisée avec le soutien de l’Institut français de Tunisie (IFT), parcourt divers lieux et époques et propose un dialogue entre artistes de différentes générations explorant un passé oublié à travers archives, traces, rituels, vestiges et lieux abandonnés.
Dans ce dialogue avec le passé, les artistes ne se contentent pas d’illustrer, ils manipulent et transforment l’image. Cyanotypes, plaques de verre au gélatino-bromure, films 16 mm ou clichés numériques sont hybridés avec d’autres médiums (performance, installation, sculpture, vidéo, dessin) ou des techniques artisanales (broderie, mosaïque, peinture sous verre). Froisser, superposer, coudre ou projeter l’image devient un moyen d’explorer son lien à la matière et de révéler ses multiples dimensions sensorielles.
Au-delà du médium, ces démarches visent aussi à déconstruire les imaginaires hérités. Elles contestent les stéréotypes liés à la colonisation, l’impact humain sur la nature, la domination patriarcale et l’exclusion des minorités. Elles redonnent une place aux traditions féminines, aux migrants et aux luttes politiques et sociales, tout en interrogeant les transformations de l’image à l’ère du numérique.
En interrogeant les représentations qui façonnent la mémoire collective, ces artistes déconstruisent le photographique pour susciter le doute et révéler des réalités multiples et en mouvement. Leur démarche quasi-archéologique montre que rien n’est figé, mais en constante transformation.
En lien avec les œuvres présentées dans l’exposition autour de la symbolique et des gestes rituels de la machta (femme qui prépare la mariée au rite nuptial traditionnel dans la région du Sahel), la plasticienne artiste visuelle Amira Lamti et le danseur et chorégraphe Rochdi Belgasmi ont donné à voir le jour du vernissage, le 17 mai dernier, une performance “Wled el Machta” ou “Les enfants de la Machta” autour des représentations de genre et la transmission d’un imaginaire collectif dans la danse populaire tunisienne. A quatre mains, les deux artistes mêlent danse, musique et poésie, faisant vibrer les traces d’un héritage aussi contraignant qu’inspirant de la mémoire vivante.
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