Le service militaire en Tunisie – les réalités complexes d’un devoir national : S’acquitter d’une noble mission
Pour un jeune tunisien, se rendre utile à son pays et à l’Etat passe souvent par la case «service militaire», comme on le voit dans les pays avancés. A défaut, on laisse planer un sentiment de trahison et de manque de patriotisme flagrant. Malgré tout, la désertion fait encore rage dans les rangs des jeunes troupes…
La Presse — En Tunisie, le service militaire est une obligation légale pour tout citoyen de sexe masculin atteignant l’âge de 20 ans. Inscrit dans les textes de loi depuis l’indépendance, il est perçu comme un devoir national, une école de civisme et de discipline, mais aussi un pilier essentiel de la défense et de la sécurité du pays.
Cependant, si l’idée du service à la nation reste un principe intangible, sa mise en œuvre et les réalités vécues par les jeunes générations posent de plus en plus de questions, notamment en ce qui concerne la désertion. Sur les conditions d’éligibilité et exemptions, la loi tunisienne est claire.
Tout Tunisien de 20 ans est appelé à accomplir son service militaire. La durée est de 12 mois. Toutefois, la loi prévoit des cas d’exemption et de sursis. Une loi spéciale de 2024 permet aux jeunes nés avant 2000 d’obtenir une exemption pour régulariser leur situation et annuler les jugements par défaut prononcés à leur encontre.
Il faut déposer un certificat d’exemption au tribunal militaire et se présenter à l’audience. Par ailleurs, 93.000 dossiers de jeunes nés entre 2000 et 2002 ont été transmis à la justice militaire pour non-accomplissement du service. Ces poursuites peuvent mener à des jugements par contumace, mais les personnes concernées peuvent toujours régulariser leur situation. Les jeunes Tunisiens à l’étranger peuvent également régler leur cas via les ambassades.
Motifs d’exemption
Les motifs d’exemption sont multiples, à commencer par l’inaptitude physique ou mentale. Les jeunes souffrant de graves problèmes de santé peuvent être dispensés du service après un examen médical. Les dossiers sont examinés par des commissions spécialisées. Le soutien de famille est un 2e motif pour être réformé.
Les jeunes qui sont les seuls soutiens de leurs parents ou de leurs frères et sœurs peuvent bénéficier d’une exemption. Les études également. Les étudiants peuvent obtenir un sursis jusqu’à l’obtention de leur diplôme ou l’âge de 28 ans. Il est également possible de se racheter moyennant le paiement d’une somme d’argent (désigné par le vocable «affectation personnelle»), une option qui a suscité de nombreux débats au fil des ans, certains la qualifiant d’inégalitaire. En attendant, le ministère de la Défense appelle à la raison et au ralliement des troupes.
Appel insistant de la Défense
Le ministère tunisien de la Défense a appelé récemment tous les jeunes hommes de 20 à 35 ans à régulariser leur situation militaire, en se basant sur la loi de 2004. Pour ce faire, ils doivent se présenter dans l’un des cinq centres de recrutement du pays pour s’engager, demander un report ou une exemption.
Les jeunes peuvent obtenir un report d’un an, renouvelable, pour des raisons de santé, d’études ou des motifs sociaux. Pour cela, un dossier avec justificatifs est à déposer auprès des services compétents. L’idée est de lutter contre la désertion des jeunes, un phénomène grandissant.
Malgré le caractère obligatoire du service militaire, de nombreux jeunes Tunisiens tentent de s’y soustraire. Ce phénomène, communément appelé «désertion», est une réalité complexe qui s’explique par plusieurs facteurs. Le changement des mentalités car la jeunesse tunisienne, plus ouverte sur le monde, a parfois du mal à adhérer à un concept qu’elle perçoit comme archaïque ou contraignant, au regard des défis économiques et sociaux qui l’attendent.
Les difficultés économiques exacerbent les tensions
La précarité et le chômage poussent certains jeunes à donner la priorité à la recherche d’un emploi, craignant que le service militaire ne retarde leur insertion professionnelle. L’image renvoyée car le service militaire souffre parfois d’une réputation qui ne fait pas l’unanimité, alimentée par des récits d’expériences difficiles ou de conditions de vie spartiates.
La désertion n’est pas sans conséquences. La loi tunisienne est claire. Les déserteurs sont passibles de poursuites judiciaires, qui peuvent aller jusqu’à des peines de prison. Sur le plan civil, les déserteurs se voient refuser certains services administratifs, comme l’obtention d’un passeport ou d’un permis de conduire, les empêchant de voyager et de se construire un avenir en dehors de la Tunisie. Le service militaire est-il devenu un devoir national en mutation ?
Face à ce phénomène, les autorités tunisiennes tentent de moderniser le service militaire. Le but est de le rendre plus attractif en proposant une formation plus professionnalisante, en adéquation avec les besoins du marché de l’emploi. L’idée n’est plus seulement de former des soldats, mais de préparer les jeunes à la vie active.
Le service militaire en Tunisie est un sujet qui continuera de faire débat. Il est l’expression d’un devoir national, mais aussi le reflet des aspirations et des défis d’une jeunesse qui cherche sa place dans une société en pleine mutation. Trouver le juste équilibre entre tradition et modernité, entre obligation et incitation, est le défi majeur que devront relever les autorités tunisiennes pour que le service militaire redevienne une fierté, et non plus un fardeau, pour les jeunes Tunisiens.
Pour simplifier les démarches, le ministère prévoit le lancement d’une plateforme en ligne. Un nouveau projet de loi est aussi en préparation pour moderniser la législation actuelle qui remonte à 2004. La troisième session de recrutement pour 2025 se tiendra du 1er septembre au 3 octobre.