Fête de la femme tunisienne : Ne touchez pas à notre fierté, elle est l’âme de la nation
En ce 13 août, la Tunisie célèbre bien plus qu’une date, elle réaffirme un choix de civilisation. Le Code du statut personnel, pilier de notre identité moderne, n’est pas un héritage figé mais un socle vivant à défendre et à renforcer.
Car là où les droits des femmes reculent, c’est toute la nation qui s’affaiblit.
La Presse — Chaque année, la Fête de la femme tunisienne nous rappelle une vérité que l’on ne répétera jamais assez : notre liberté n’est pas tombée du ciel. Elle est le fruit d’une vision, d’un courage politique et d’un combat collectif. En 1956, le Code du statut personnel a fait de la Tunisie un phare dans le monde arabo-musulman.
Abolition de la polygamie, encadrement du divorce, égalité dans le mariage… Une révolution juridique et sociale qui a inspiré d’autres pays, sans que beaucoup ne réussissent à atteindre notre niveau de progrès.
Ce Code n’est pas un simple texte de loi, c’est un socle qui a façonné notre identité moderne. Il a permis à la Tunisienne de devenir une citoyenne à part entière, d’accéder à l’éducation, au travail, à la vie publique. Il a forgé des générations de femmes instruites, cultivées, capables de former des enfants ouverts, responsables et engagés.
Mais un acquis peut se fragiliser. Et dans un monde où tant de sociétés reculent, où les femmes perdent du terrain sous le poids de traditions rétrogrades ou d’idéologies conservatrices, il serait suicidaire de croire que la Tunisie est à l’abri.
Ces fondations juridiques et sociales témoignent de cette identité singulière que la Tunisie a patiemment bâtie, au carrefour de cultures et de paysages contrastés. Gratifiée par l’histoire mais brimée par la géographie, notre pays puise dans cet équilibre fragile une richesse unique.
Entre Méditerranée et désert, elle s’est intelligemment forgé une identité particulière, reconnue dans le monde. Cette identité, ce sont nos monuments, notre culture, notre mémoire… et c’est aussi, indissociablement, la femme tunisienne. La toucher dans ses droits, c’est toucher à notre essence. La fragiliser, c’est fragiliser l’équilibre social, le pouvoir d’éduquer nos enfants, la capacité de notre pays à rester fidèle à son projet de société éclairée.
Un acquis forgé dans un contexte exceptionnel
Lorsque le Code du statut personnel a été promulgué en 1956, il a constitué une rupture sans précédent dans le monde arabo-musulman. Alors que la plupart des pays restaient enfermés dans un droit familial régi par la polygamie et la répudiation unilatérale, la Tunisie a choisi l’égalité dans le mariage et l’encadrement judiciaire du divorce.
Ce choix n’était pas un hasard, il relevait d’une vision politique audacieuse, d’une volonté assumée de rompre avec l’ordre patriarcal pour bâtir une société moderne. Plusieurs pays arabes ont tenté de suivre ce modèle, mais peu ont réussi à en reproduire l’esprit et la portée. Ce que la Tunisie a accompli à cette époque reste, près de soixante-dix ans plus tard, l’un de ses plus grands atouts sur la scène internationale.
Cet héritage est un capital précieux, il ne se dilue pas dans le temps, il se renforce lorsque l’on choisit de le protéger et de l’actualiser.
Un moteur pour la société et l’économie
Mais la femme tunisienne n’est pas seulement détentrice de droits, elle est aussi une force active de développement. Dans notre pays, la proportion de femmes diplômées dans les domaines des sciences, de l’ingénierie et de la médecine est particulièrement élevée, ce qui fait de leur présence dans ces secteurs un levier essentiel pour la croissance économique.
Leur forte représentation dans les universités et dans des secteurs à haute valeur ajoutée constitue un véritable atout pour l’avenir de la Tunisie.
Les données internationales le confirment : plus les femmes participent à la vie publique et économique, plus les sociétés sont stables, productives et résilientes. De plus, les études montrent qu’elles sont statistiquement moins enclines à la corruption et plus soucieuses de l’intérêt général. Chaque recul dans leurs droits n’est donc pas seulement une atteinte à la justice, c’est une perte sèche pour le développement du pays.
Au contraire, protéger leurs acquis, c’est investir dans l’avenir de la Tunisie, dans sa compétitivité, dans sa capacité à affronter les défis du monde contemporain.
Élever les acquis, sans les diminuer
Le 13 août ne doit pas être un simple hommage au passé, mais un engagement vivant envers l’avenir. Un pacte avec toutes les Tunisiennes, d’hier et d’aujourd’hui, de demain aussi, mais aussi avec tous les hommes tunisiens qui comprennent que la dignité et la liberté des femmes sont indissociables de celles de la nation tout entière. Parce que ce combat pour l’égalité et la justice est une cause commune, un avenir partagé où chacun a sa place, sa voix et son rôle à jouer.
Les droits des femmes, enfin, ne sont pas des faveurs que l’on accorde ni des privilèges que l’on retire selon l’humeur des vents politiques ou des idéologies dominantes, ils font partie de l’ADN de notre nation. Les fragiliser, c’est ébranler l’âme même de la Tunisie. Les renforcer, c’est lui donner un socle indestructible de justice, de dignité et de modernité.
Qu’elle soit adolescente ou grand-mère, les mains dans la terre ou sur un clavier, qu’elle tienne un foyer ou une entreprise, qu’elle enseigne, soigne, défende, invente, crée ou gouverne, chaque Tunisienne doit pouvoir exercer pleinement ses droits. Parce qu’une femme respectée et libre n’est pas seulement un symbole, elle est une force, un moteur, une lumière. Et il n’existe pas de Tunisie forte si la femme n’est pas au cœur de sa destinée.