Intégration économique maghrébine : Une union en suspens, un marché à inventer
Alors que le monde s’organise en blocs régionaux, le Maghreb reste l’une des zones les moins intégrées économiquement. Malgré un potentiel considérable et des complémentarités évidentes entre les cinq pays membres de l’Union du Maghreb arabe, les échanges commerciaux intrarégionaux stagnent à des niveaux dérisoires.
Face aux défis économiques, sociaux et géopolitiques du moment, relancer le projet maghrébin n’est plus une simple option : c’est un impératif stratégique à concrétiser.
La Presse — La Tunisie, l’Algérie, le Maroc, la Libye et la Mauritanie, cinq grands pays, riches en histoire et disposant d’une position stratégique enviable. Malheureusement, l’Afrique du Nord, en l’absence d’une intégration économique, continue d’afficher des échanges intra-maghrébins bien en-deçà de ses ambitions et de son potentiel, alors que face aux défis économiques et géopolitiques mondiaux, la construction d’un marché maghrébin intégré reviendrait à gagner en puissance et en influence.
Aujourd’hui, le volume du commerce intra-maghrébin reste marginal : à peine 3 à 4 % du commerce extérieur total des cinq pays membres et la grande majorité des échanges sont limités à quelques secteurs, à l’instar de l’énergie, des produits agricoles, et, dans une mesure moindre, les biens de consommation. En outre, les flux d’investissements croisés restent faibles et largement limités par d’importantes barrières non tarifaires.
100 millions de consommateurs
En dépit des initiatives de coopération, bien que nombreuses, les avancées restent très modestes, mais une chose est certaine, l’union douanière ou la zone de libre-échange, évoquées depuis la création de l’Union du Maghreb arabe en 1989, restent, pour l’instant, en sommeil !
Pourtant, le potentiel inexploité est manifeste, car une meilleure intégration économique permettrait d’accéder à un marché commun de près de 100 millions de consommateurs, permettant, pour le coup, de générer des économies d’échelle et structurer les investissements directs étrangers.
Des domaines aussi divers que l’agriculture, le numérique, l’industrie manufacturière, les énergies renouvelables et le tourisme sont autant de secteurs où la complémentarité régionale pourrait créer davantage de valeur et d’emplois. Selon la Banque mondiale et différents organismes économiques, une meilleure intégration économique et surtout un abaissement des obstacles réglementaires pourraient multiplier par deux, voire par trois, le volume des échanges commerciaux régionaux.
Presque mécaniquement, une telle dynamique permettrait l’éclosion de nouvelles PME et une augmentation de la production et de la productivité. Certaines PME maghrébines pourraient rapidement s’internationaliser et gagner en compétitivité.
Être mieux armé pour négocier
Par ailleurs, il est important de souligner qu’un Maghreb économiquement uni serait mieux armé pour négocier avec ses partenaires traditionnels comme l’Union européenne, les Etats-Unis, ou encore la Chine. Plutôt que de subir le diktat des « grands », la région pourrait parler d’une seule voix dans les négociations commerciales, imposer des normes communes et défendre ses intérêts dans les grandes instances internationales.
Il serait vain de parler d’intégration maghrébine sans reconnaître les blocages politiques persistants qui freinent toute dynamique régionale. Le différend autour du Sahara occidental, qui continue de tendre les relations entre le Maroc et l’Algérie, deux pays moteurs de la région, constitue l’un des principaux obstacles à la relance de l’Union du Maghreb arabe. A cela s’ajoutent des divergences diplomatiques et stratégiques qui compliquent la construction d’un climat de confiance.
Dans ce contexte difficile, la Tunisie reste attachée à une coopération fondée sur le respect mutuel, le dialogue et l’intérêt partagé. Plus que jamais, les peuples maghrébins ont besoin d’un projet commun capable de transcender les différends et de répondre aux défis économiques, sociaux et géopolitiques qui s’accumulent.