Tourisme tunisien : Les conditions sine qua non d’une relance durable
Porté par un élan soutenu en 2024, le secteur touristique tunisien retrouve son rôle stratégique dans l’économie nationale. Mais pour inscrire cette dynamique dans la durée, plusieurs conditions sine qua non doivent être réunies : montée en gamme, diversification de l’offre, modernisation des infrastructures et engagement en faveur de la durabilité. « Il est essentiel de développer des segments alternatifs et d’élever la qualité des prestations pour sortir du modèle low-cost », souligne Houssem Ben Azouz, président de la Fi2t. Une mutation profonde est en cours.
La Presse —Après des années de turbulences marquées par la pandémie et des crises régionales, le secteur touristique retrouve des couleurs. Avec plus de 10 millions de visiteurs en 2024, et des recettes record, il redevient un pilier stratégique de l’économie nationale. Porté par une stratégie de diversification et d’innovation, le secteur ambitionne non seulement de dépasser les performances d’avant la crise, mais aussi de jouer un rôle accru dans la relance économique, la création d’emplois et le développement régional.
Un virage structurel s’impose toutefois pour sortir du modèle « low-cost » et faire du tourisme un levier durable de croissance. Houssem Ben Azouz, président de la Fédération Interprofessionnelle du Tourisme Tunisien (Fi2t), a expliqué qu’après plusieurs années marquées par des crises majeures notamment la pandémie de Covid-19 et les tensions géopolitiques, le secteur touristique tunisien connaît, depuis 2024, une reprise spectaculaire.
Miser sur la durabilité et l’innovation
D’après lui, les chiffres parlent d’eux-mêmes : « Plus de 10 millions de visiteurs ont été enregistrés cette année-là, générant des recettes estimées à près de 9 milliards de dinars, soit une progression significative par rapport aux années précédentes. En 2025, la tendance reste nettement positive, avec déjà plus de 2,3 millions de touristes accueillis au premier quadrimestre et des recettes en hausse de plus de 85 millions de dinars par rapport à la même période en 2024 ».
Ben Azouz a par ailleurs, mentionné que cette dynamique repose sur une stratégie concertée entre les autorités publiques et les professionnels du secteur, articulée autour de la diversification de l’offre, de l’amélioration de la qualité des services, de la numérisation et de la promotion du tourisme intérieur. Grâce à cette approche, les perspectives s’annoncent très prometteuses : la Tunisie ambitionne de dépasser les 11 millions de visiteurs en 2025, en misant sur la durabilité et l’innovation pour répondre aux attentes d’une clientèle de plus en plus exigeante et diversifiée.
Le professionnel fait savoir que le secteur devrait continuer à jouer un rôle de premier plan dans l’économie nationale, avec un impact direct et indirect estimé à environ 14 % du PIB, et près de 418.000 emplois générés.
Toutefois, Ben Azzouz a regretté que le modèle actuel reste « encore largement centré sur le tourisme balnéaire à bas coût ». Un modèle qui, selon lui, « montre aujourd’hui ses limites ». Le concept du « All Inclusive », s’il attire une clientèle attentive aux prix, ne permet pas de valoriser pleinement les richesses culturelles, naturelles et patrimoniales du pays.
Le responsable a insisté ; « Pour diversifier l’offre et monter en gamme, plusieurs transformations structurelles s’imposent. Il est essentiel de développer des segments alternatifs tels que l’écotourisme, le tourisme culturel, saharien, sportif ou médical qui permettent d’étaler l’activité sur l’ensemble de l’année et d’attirer une clientèle à plus fort pouvoir d’achat. Il convient également d’élever le niveau de qualité des prestations en renforçant la formation des professionnels, en adoptant des standards internationaux et en offrant une expérience authentique et haut de gamme ».
Ce qui est essentiel pour exceller
Il a continué par expliquer que la modernisation des infrastructures constitue un autre chantier prioritaire : des investissements ciblés dans l’hébergement, les transports et les équipements touristiques sont nécessaires pour répondre aux attentes d’une clientèle premium. Parallèlement, l’image de la destination doit être rénovée.
Il s’agit de sortir du positionnement low-cost pour mettre en avant l’authenticité, la durabilité et le confort, avec pour objectif de fidéliser les visiteurs et d’en faire de véritables ambassadeurs de la Tunisie. Il a révélé que la réussite de cette transition exige une vision stratégique claire, un engagement politique fort et des investissements conséquents.
Dans ce contexte, le tourisme peut devenir un levier stratégique de croissance économique, de développement régional et de création d’emplois durables. « Le secteur contribue en effet à plusieurs niveaux. Sur le plan économique, il représente environ 10 % du PIB et près de 40 % des recettes de la balance commerciale, en générant des devises essentielles pour l’économie nationale.
Sur le plan régional, le développement d’offres touristiques dans des zones encore peu exploitées favorise une croissance équilibrée du territoire et stimule l’investissement dans les infrastructures locales », a-t-il fait savoir. Ben Azzouz a estimé qu’en matière d’emploi, le tourisme mobilise directement et indirectement près de 400.000 personnes.
Les initiatives de tourisme durable, mises en place depuis 2019, ont déjà permis la création de plus de 1.100 emplois, avec une forte implication des femmes. En renforçant la qualité des services et en diversifiant davantage l’offre, le secteur est en mesure de générer des emplois plus stables, mieux rémunérés et adaptés aux nouvelles attentes des voyageurs.
« Ainsi, en s’appuyant sur une stratégie intégrée alliant diversification, qualité, durabilité et innovation, le tourisme peut redevenir un puissant moteur de l’économie tunisienne. Il peut non seulement stimuler l’investissement et créer des emplois pérennes, mais aussi renforcer la cohésion territoriale et valoriser l’image d’une Tunisie moderne, accueillante et résolument tournée vers l’avenir », a -t-il conclu.