« Ragouj-le spectacle » à la clôture du Festival de Dougga : Un pari réussi !
L’adaptation scénique de la série « Ragouj » est incontestablement un grand succès artistique qui a répondu à de fortes exigences de créativité et de moyens techniques. L’œuvre sera aussi présentée lors de l’ouverture du Festival international de Hammamet, qui affiche déjà complet.
La Presse — La 49e édition du Festival international de Dougga s’est achevée le 8 juillet avec la présentation du spectacle « Ragouj ». Après avoir accueilli trois soirées tunisiennes et quatre étrangères, c’est Abdelhamid Bouchnak qui a clôturé l’événement en apportant sur scène l’univers singulier et éclectique de sa série télévisée.
Un succès retentissant au petit écran
Après la consécration des feuilletons «Nouba» et «Ocheg Eddenia» et la série fantaisiste «Ken Ya Makenech», Abdelhamid Bouchnak a encore bousculé les codes avec « Ragouj ». Ce drame social a lieu dans un village reculé fictif qui se veut une illustration de la société tunisienne. En mêlant tragédie et humour, il présente des personnages allégoriques dans un style novateur. Dans cette campagne anodine, presque banale, le conte riche en péripéties, en émotions et en ironie devient une satire de la réalité de tout un pays.
L’amour, la corruption, la jeunesse en désespoir, la persévérance de la femme rurale et d’autres thèmes poignants sont au centre du récit. Le scénario a été sublimé par le décor, le jeu naturel des acteurs et la musique de Hamza Bouchnak.
Dans le feuilleton comme sur scène, les rôles principaux ont été attribués à Yasmin Dimassi et Fatma Sfar, dans les rôles féminins majeurs de « Nsima » et « Mahbouba », « Si El Wral » le contrebandier joué par Aziz Jebali, le fameux « Dinari » campé par Saber Oueslati, Bahri Rahali, dans le rôle de « Abbes », Chawki Belkhouja pour « Mabrouk », Pedro, alias Belgacem, l’artiste bohème joué par Mahmoud Saïdi, « Youssef » l’ingénieur incarné par Walid Ayadi, « Chema » le médecin interprétée par Rym Ayed, Mehdi Mzeh pour docteur « Hedi », Fatma Saidane dans le rôle de « Omi Manoubia »…
Les deux saisons ont été fortement appréciées par le public et les critiques. D’ailleurs, « Ragouj El-Kanz » a remporté 11 prix sur 18 des prix de la Radio tunisienne pour les meilleures productions dramatiques, décrochant le prix du meilleur feuilleton pour la deuxième année consécutive. Il a également eu le prix de la meilleure série internationale au Festival international des séries télévisées « Matera Fiction » qui s’est déroulé en Italie en juin 2025.
De l’écran à la scène
Comme pour « Nouba », Abdelhamid Bouchnak a créé une comédie musicale qui reprend les thèmes et les personnages de « Ragouj ». Les acteurs sus-cités et bien d’autres se sont réunis sur scène pour le plus grand bonheur des spectateurs venus nombreux. En effet, le spectacle a été joué à Dougga en sold out. Vu la distance géographique et les bouchons qui se sont créés dans les parkings, le public a continué à affluer jusqu’à une heure après le début et certains se sont même emparés de la zone réservée à l’équipe technique.
Cette adaptation de la série en comédie musicale a fait que les personnages se transforment en chanteurs et danseurs. La musique originale du générique composée par Hamza Bouchnak a été interprétée en direct par un orchestre d’une trentaine de musiciens sous la baguette du maestro Racem Damak.
Chawki Belkhouja, alias Mabrouk, a été le premier à entrer sur scène pour annoncer l’univers fantaisiste du spectacle. Dans une chorégraphie dirigée par Oumaïma Manaï, les danseurs ont prolongé la narration avec une grande cohérence artistique. D’ailleurs, leurs costumes s’intégraient harmonieusement à l’esthétique du feuilleton et du spectacle.
Le foulard rural est toujours remarquable pour sa richesse symbolique. « Dinari » a donné son speech par la suite avec sa touche d’humour habituelle qui a suscité de vifs applaudissements. Saber Oueslati a placé le site archéologique de Dougga au cœur de son discours, sans oublier de le ponctuer par sa fameuse phrase «Je mange, tu manges ».
La comédie musicale de deux heures et demie a repris les scènes phares du feuilleton en intégrant des chansons, d’autres formes d’expressions corporelles et des projections en arrière-plan sur écran géant. On reconnaît l’amour naissant entre Youssef et Mahbouba avec des dialogues poétiques et une chorégraphie empreinte de romantisme.
La démolition de l’école, Ida qui perd la vie, en allusion aux ouvrières agricoles victimes des accidents de transport, les monologues de « El Wral » et d’autres moments de forte intensité dramatique ont été reproduits devant le public. « Dinari » a continué à faire des passages en intermèdes entre les scènes émouvantes pour une forte dose de rire avec ses expressions sarcastiques et provocantes.
Le volet musical a inclus des titres comme « Na nghani al hobb » et « Hedhi ghnaya lihom » chantés par Pedro dans une réadaptation spéciale « Ragouj ». Rym Ayed a également interprété « Ye Denya ken jiti bidi ».
Et, pour une transposition plus réaliste du texte, un vrai cavalier à dos de cheval a fait son entrée pour quelques tours sur scène fêtant le grand retour de « Othmen weld khlifa », le charlatan mafieux joué par Moncef Ajmi. Le public interpellé en constance par les acteurs a fait partie intégrante du show en interagissant avec des réponses, des cris et des youyous.
L’histoire des ratés de Ragouj sans boulot, sans rêves sans ambitions, a connu un dénouement heureux à la fin. Des couleurs en patch work qui marquent l’anarchie du début aux robes florales gaies à la fin, le cheminement a été marqué par la persévérance des protagonistes et leur attachement à leur terre mère.
Le réalisateur a tenu à rendre hommage à certaines figures emblématiques de la scène culturelle tunisienne qui viennent de nous quitter en projetant des photos et des extraits de vidéos inclus dans le spectacle. L’apparition de Kafon, ressuscité par l’intelligence artificielle sur un écran géant pour interpréter des chansons de Ragouj, a généré de forts applaudissements.
En effet, il a fait partie des personnages marquants de la série. De vrais pigeons ont été libérés pour faire le tour de la scène, dans une dernière touche qui a impressionné les spectateurs. C’est dans une ambiance chargée d’émotion que le public a quitté le théâtre, reprenant en chœur « Houmeni », le tube qui a consacré la notoriété de Kafon.
L’adaptation scénique de la série « Ragouj » est incontestablement un grand succès artistique qui a répondu à de fortes exigences de créativité et de moyens techniques. L’œuvre sera aussi présentée lors de l’ouverture du Festival international de Hammamet, qui affiche déjà complet.