Promotion de la culture financière dans le monde arabe : Un facteur de résilience et de paix sociale
« La culture financière doit être inculquée aux jeunes générations, au même titre que l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, pour que nos sociétés soient plus résilientes et capables de planifier l’avenir », souligne le gouverneur de la BCT, Fethi Zouhair Nouri.
La Presse — Promouvoir la culture financière dans les sociétés arabes a été le thème débattu hier à Tunis, à l’occasion de la 4e édition de la Conférence arabe sur l’épargne et l’éducation financière. Coorganisée par l’Observatoire de l’Inclusion Financière (OIF), la GIZ et « Mena Money », cette manifestation à vocation financière a réuni des experts et banquiers venus des quatre coins du monde arabe pour discuter des moyens de renforcer la culture financière dans ces pays.
Ouvrant la conférence, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Fethi Zouhair Nouri, a affirmé que l’éducation financière est devenue un pilier du développement économique et social. Elle n’est plus un luxe intellectuel, mais bien une condition essentielle à la justice sociale et à la stabilité économique, a-t-il insisté.
Il a ajouté, dans le même sillage, que l’enjeu aujourd’hui n’est plus simplement d’encourager la possession de comptes bancaires, mais de parvenir à éduquer le citoyen à la planification financière, à l’épargne, ainsi qu’à l’investissement responsable.
« Nous vivons dans un monde où les transformations économiques s’accélèrent, qu’il s’agisse de l’inflation, de l’endettement, de la numérisation ou des crises bancaires. Dans ce contexte, la conscience financière est devenue l’un des piliers de la paix sociale. Les expériences internationales, notamment en Occident, ont montré que les richesses ne se créent pas uniquement à partir des ressources, mais aussi grâce à l’approche adoptée pour leur gestion », a-t-il déclaré.
Langue du siècle, l’éducation financière est devenue un impératif, a martelé Nouri, précisant que toute personne incapable de la maîtriser risque de devenir une victime plutôt qu’un acteur. « La culture financière doit être inculquée aux jeunes générations, au même titre que l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, pour que nos sociétés soient plus résilientes et capables de planifier l’avenir », a-t-il affirmé.
Il a toutefois regretté que, dans plusieurs pays arabes et pays en développement, les écarts en matière de culture financière et de compréhension des principes fondamentaux de la finance demeurent importants. Il a ajouté que plusieurs études ont révélé des indicateurs alarmants qui menacent la stabilité financière et sociale, tels que la faible propension à l’épargne et à la planification (dès le plus jeune âge), le faible taux de bancarisation, le recours croissant à des circuits informels pour la gestion de l’argent, et l’absence de notions relatives à l’intérêt bancaire ou à la gestion des risques.
Un pari à gagner
« L’argent est un outil, mais sans conscience financière, il devient un fardeau. Notre rôle est de permettre au citoyen arabe non seulement d’accéder au financement, mais aussi d’acquérir la capacité de comprendre, choisir et participer. L’éducation financière n’est pas une matière théorique, c’est une expérience vécue au quotidien ».
Et de poursuivre « Un citoyen conscient financièrement protège sa famille des crises ; l’épargnant contribue au renforcement de l’économie nationale ; la femme instruite financièrement devient un acteur clé du développement ; et le jeune qui maîtrise les outils numériques et l’intelligence artificielle devient un créateur d’opportunités plutôt qu’un demandeur d’emploi ».
Selon lui, la transformation digitale que connaît actuellement la société offre à la fois des opportunités et des défis. Si les services financiers numériques et l’intelligence artificielle peuvent être des leviers d’inclusion financière et de confiance envers les systèmes financiers, des enjeux majeurs demeurent, il s’agit principalement de la protection des données, la réduction du fossé numérique, et l’accès équitable aux services financiers.
Enfin, le gouverneur de la BCT a appelé à simplifier l’accès aux services financiers, soutenir le financement des petits projets, développer des produits financiers adaptés au contexte tunisien, et à intégrer l’éducation financière dans les programmes scolaires afin qu’elle devienne un comportement social et non une simple idée.
De son côté, Ibrahim Khalil Ibrahim, directeur exécutif de « Mena Money », a souligné que la culture financière sous-tend les enjeux économiques et sociaux des pays. Il a rappelé que les sociétés arabes sont encore loin d’intégrer pleinement cette culture, qui est liée à la fois à la consommation, l’épargne, l’investissement et l’assurance.
« Les banques centrales appellent à renforcer la culture financière car elle constitue un bouclier contre les crises. La culture financière, c’est la sécurité financière », a-t-il conclu.