Le dĂ©mantĂšlement de lâAxe de la rĂ©sistance a balisĂ© la voie Ă la guerre dâIsraĂ«l contre lâIran
La Ceinture du feu composĂ©e par les groupes armĂ©s et financĂ©s par lâIran dans divers pays du Moyen-Orient et thĂ©orisĂ©e par lâancien chef du Corps des Gardiens de la rĂ©volution Qassem Soleimani avait pour vocation de protĂ©ger la RĂ©publique islamique de toute attaque israĂ©lienne. Si lâĂtat hĂ©breu frappait lâIran, il subirait les foudres de cette Ceinture du feu. Aujourdâhui, celle-ci nâexiste plus, les IsraĂ©liens lâont dĂ©mantelĂ©e maillon par maillon et attaquent dĂ©sormais lâIran et le cĆur de TĂ©hĂ©ran. (Ph. Immeuble Ă TĂ©hĂ©ran dĂ©truit par des raids aĂ©riens israĂ©liens, le 13 juin 2025).
Imed Bahri
Dans une analyse publiĂ©e par le Guardian, Jason Burke est revenu sur la mĂ©thode du Premier ministre israĂ©lien Benjamin Netanyahu qui a systĂ©matiquement et avec succĂšs affaibli ses ennemis rĂ©gionaux pour enfin se concentrer sur le rĂ©gime iranien quâil veut faire tomber.
Burke indique que lâoffensive israĂ©lienne contre lâIran est le dernier maillon dâune sĂ©rie dâĂ©vĂ©nements dĂ©clenchĂ©s suite Ă lâopĂ©ration DĂ©luge dâAl-Aqsa le 7 octobre 2023. Tous ces Ă©vĂ©nements ont successivement affaibli TĂ©hĂ©ran et, militairement du moins, renforcĂ© IsraĂ«l et sâils nâavaient pas eu lieu, il est difficile dâimaginer comment la nouvelle offensive lancĂ©e directement contre lâIran vendredi aurait Ă©tĂ© possible.
Au commencement, la guerre contre le Hamas
Il y eut dâabord lâoffensive israĂ©lienne Ă Gaza, qui a dĂ©jĂ tuĂ© des dizaines de milliers de Palestiniens en quelques semaines et a suffisamment affaibli militairement le Hamas pour quâil ne reprĂ©sente plus une menace significative pour les IsraĂ©liens.
Le Hamas faisant partie de ce quâon appelle lâAxe de la RĂ©sistance, une coalition dâorganisations similaires Ă travers le Moyen-Orient, rassemblĂ©e par TĂ©hĂ©ran au cours de la derniĂšre dĂ©cennie pour projeter sa puissance dans la rĂ©gion et dissuader IsraĂ«l de frapper son programme nuclĂ©aire iranien, cette offensive a eu des implications rĂ©gionales majeures.
En avril dernier, IsraĂ«l a bombardĂ© e consulat de la RĂ©publique islamique dâIran Ă Damas tuant sept personnes dont des hauts gradĂ©s du corps des Gardiens de la rĂ©volution. En rĂ©ponse, lâIran a attaquĂ© IsraĂ«l directement pour la premiĂšre fois, lançant une salve inefficace de missiles et de drones. Le conflit entre lâIran et IsraĂ«l, longtemps menĂ© par des intermĂ©diaires, des assassinats et des frappes hors du territoire israĂ©lien, sâĂ©tait alors ouvert au grand jour.
La déroute du Hezbollah libanais
Ă lâautomne, le Hamas Ă©tant affaibli, IsraĂ«l pouvait se retourner contre le Hezbollah, le groupe basĂ© au Liban et soutenu par lâIran, de loin le plus puissant des membres de lâAxe de la rĂ©sistance.
En septembre, IsraĂ«l a Ă©liminĂ© lâensemble des dirigeants du Hezbollah ainsi que la majeure partie de son redoutable arsenal de missiles et a envahi le cĆur de son territoire, le sud du Liban, sans rencontrer de rĂ©sistance significative. MĂȘme les partisans du Hezbollah ont reconnu avoir subi une dĂ©faite cuisante.
LâIran a de nouveau lancĂ© une offensive aĂ©rienne inefficace contre IsraĂ«l qui a ripostĂ© par des frappes aĂ©riennes qui ont anĂ©anti une grande partie de son systĂšme de dĂ©fense aĂ©rienne ouvrant ainsi la voie Ă lâattaque plus vaste de vendredi.
La chute de la dynastie Assad
De mĂȘme, la faiblesse soudaine du Hezbollah a empĂȘchĂ© lâIran de dĂ©fendre le rĂ©gime Al-Assad en Syrie, son autre alliĂ© crucial, lorsque les rebelles ont lancĂ© une offensive.
La chute dâAssad en dĂ©cembre a mis fin Ă des dĂ©cennies de relations Ă©troites entre TĂ©hĂ©ran et Damas. Cela a encore affaibli lâAxe de la rĂ©sistance dĂ©jĂ en dĂ©clin, exposĂ© les mandataires iraniens en Syrie et permis aux avions de chasse israĂ©liens dâatteindre plus facilement des cibles vulnĂ©rables en Iran.
Les milices soutenues par lâIran en Syrie et en Irak Ă©tant convaincues que transformer les menaces rhĂ©toriques dâattaquer IsraĂ«l en actes Ă©tait une mauvaise idĂ©e, les Houthis au YĂ©men sont restĂ©s le seul membre de lâAxe de la rĂ©sistance encore engagĂ© dans les hostilitĂ©s avec IsraĂ«l. Ils ont certes harcelĂ© les navires en mer Rouge mais les missiles balistiques quâils ont lancĂ©s sur Tel-Aviv ne pouvaient causer aucun dommage stratĂ©gique significatif.
Une fenĂȘtre dâopportunitĂ©
Le Premier ministre israĂ©lien Benjamin Netanyahu, dĂ©sireux dâexploiter ce qui pourrait ĂȘtre une fenĂȘtre dâopportunitĂ©, a commencĂ© Ă prĂ©parer lâoffensive majeure quâil espĂ©rait lancer depuis longtemps.
Le prĂ©sident amĂ©ricain Donald Trump nâa accordĂ© que 60 jours aux nĂ©gociations avec TĂ©hĂ©ran pour parvenir Ă un nouvel accord sur le programme nuclĂ©aire iranien. Ce dĂ©lai a expirĂ© la semaine derniĂšre. Vendredi, Netanyahu a dĂ©clarĂ© aux Iraniens quâil espĂ©rait que la poursuite de lâopĂ©ration militaire israĂ©lienne en Iran ouvrirait la voie Ă leur libertĂ©, autrement dit Ă la chute du rĂ©gime des mollahs.
MĂȘme si IsraĂ«l ne cherche pas Ă remonter le temps jusquâĂ des annĂ©es antĂ©rieures Ă la rĂ©volution iranienne de 1979, Ă©poque Ă laquelle le pays Ă©tait un proche alliĂ© dâIsraĂ«l et des Ătats-Unis, la nature des cibles choisies par les stratĂšges israĂ©liens pourrait avoir pour effet de dĂ©manteler le rĂ©gime au pouvoir depuis cet Ă©vĂ©nement sismique. Cela sâexplique en partie par le rĂŽle central que joue encore en Iran une gĂ©nĂ©ration dâhommes ayant dĂ©butĂ© leur carriĂšre au lendemain de la chute du Shah voire avant.
LâIran seul face Ă son destin
Les premiĂšres victimes de vendredi comprenaient de nombreux officiers supĂ©rieurs parmi les premiĂšres recrues du Corps des gardiens de la rĂ©volution islamique (CGRI), fondĂ© en 1980 pour protĂ©ger le nouveau pouvoir puis devenu le cĆur idĂ©ologique et militant du projet rĂ©volutionnaire. Plusieurs dâentre eux Ă©taient Ă©galement des vĂ©tĂ©rans de la guerre Iran-Irak, qui a durĂ© de 1980 Ă 1988 et que de nombreux historiens considĂšrent comme le creuset oĂč le rĂ©gime actuel sâest forgĂ©.
Au moins un des scientifiques nuclĂ©aires tuĂ©s lors de la premiĂšre vague de frappes Ă©tait Ă©galement un vĂ©tĂ©ran du CGRI. Ăgalement, Ali Shamkhani, un proche collaborateur du Guide de la RĂ©volution Ali KhameneĂŻ visĂ©, avait Ă©tĂ© un militant islamiste clandestin dans les annĂ©es 1970 avant dâoccuper une sĂ©rie de postes de plus en plus importants. KhameneĂŻ lui-mĂȘme est arrivĂ© au pouvoir en tant que successeur de lâayatollah Khomeini en 1989 mais son parcours dâactiviste islamiste a dĂ©butĂ© Ă la fin des annĂ©es 1960.
Il est extrĂȘmement improbable quâune fois la guerre terminĂ©e, lâIran revienne Ă une position pro-israĂ©lienne ou pro-amĂ©ricaine. En revanche, il semble trĂšs probable que le pouvoir des hommes qui ont dâabord renversĂ© le chah puis dirigĂ© le rĂ©gime rĂ©volutionnaire au cours des dĂ©cennies suivantes soit gravement, voire fatalement, affaibli. Et il est certain que la stratĂ©gie de lâAxe de la RĂ©sistance censĂ© protĂ©ger lâIran avec les groupes mandataires qui le composaient a Ă©chouĂ©. Aujourdâhui, la RĂ©publique islamique fait face Ă son destin toute seule.
Lâarticle Le dĂ©mantĂšlement de lâAxe de la rĂ©sistance a balisĂ© la voie Ă la guerre dâIsraĂ«l contre lâIran est apparu en premier sur Kapitalis.