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Gestern — 14. Mai 2025Haupt-Feeds

Anis Ben Saïd, conseiller fiscal, à La Presse : « Les réformes structurelles sont essentielles pour relancer la croissance de la Tunisie » 

14. Mai 2025 um 18:40

Dans un contexte économique marqué par des prévisions de croissance modestes, Anis Ben Saïd, conseiller fiscal agréé et expert judiciaire, met en lumière les réformes nécessaires pour redynamiser l’économie tunisienne. Il évoque les leviers potentiels pour stimuler l’emploi, moderniser les secteurs clés et renforcer la compétitivité du pays, tout en soulignant les opportunités de transformation à travers une gouvernance améliorée et une meilleure gestion des ressources.

La Presse — Quelle lecture faites-vous des projections de croissance limitées à 1,4 % pour la Tunisie à l’horizon 2026, et quels en sont, selon vous, les principaux déterminants ?

La Tunisie a enregistré les taux suivants au cours de la période 2022-2024 : en 2022, l’économie a connu une croissance de 2,6 %, portée par la reprise postpandémique et des exportations relativement solides. En 2023, la croissance a nettement ralenti à 0,4 %, tandis qu’en 2024, un léger rebond à 1,4 % a été observé, principalement grâce à la bonne performance du secteur agricole et à une reprise modérée des industries manufacturières et des services.

Bien que cette progression modeste puisse être interprétée comme un signe de résilience dans un contexte économique mondial incertain, elle traduit davantage une stagnation préoccupante. Le taux de chômage élevé, estimé à 16,4 % en 2024, ainsi qu’une inflation persistante, bien qu’en légère baisse — passant de 7,1 % en 2024 à 6,7 % en 2025 —, témoignent de tensions économiques et sociales profondes.

Quelles réformes économiques la Tunisie devrait-elle prioriser pour sortir durablement de cette croissance atone et relancer son développement?

Selon les observateurs, il est nécessaire d’engager des réformes structurelles pour stimuler la croissance économique. Ces réformes incluent l’amélioration de la gouvernance, la simplification des procédures administratives, le développement du secteur privé et la promotion des exportations. Parallèlement, l’institution insiste sur l’importance de renforcer la protection sociale afin d’atténuer les effets potentiellement négatifs de ces réformes sur les populations les plus vulnérables.

Les prévisions de croissance pour la Tunisie ne traduisent pas une résilience économique, mais plutôt une stagnation préoccupante. Sans la mise en œuvre de réformes structurelles ambitieuses, le pays risque de voir sa situation économique se dégrader davantage. Pour dépasser la croissance modérée actuelle et relancer la dynamique économique, plusieurs réformes profondes s’imposent, selon les analyses du FMI, des économistes tunisiens et des institutions internationales. La réforme de la gouvernance publique et la lutte contre la corruption visent à rétablir la confiance des investisseurs et des citoyens.

Elle passe par la numérisation de l’administration, une plus grande transparence budgétaire, la réforme des marchés publics et le renforcement de l’indépendance de la justice. L’impact attendu est une amélioration notable du climat des affaires, accompagnée d’une hausse des investissements, tant étrangers que locaux. L’allègement de la bureaucratie et la réforme du cadre réglementaire figurent également parmi les priorités fondamentales. L’objectif est de stimuler l’entrepreneuriat et l’investissement privé, grâce à des mesures telles que la simplification des procédures de création d’entreprise, l’unification des régimes fiscaux et la réduction des autorisations administratives. Cela devrait favoriser la croissance des PME et la formalisation de l’économie informelle. La réforme des entreprises publiques a pour but de réduire la charge qu’elles représentent pour les finances publiques, tout en améliorant leur efficacité économique.

Les mesures préconisées incluent des audits, des restructurations, des partenariats public-privé et des privatisations ciblées, avec pour résultat attendu une diminution du déficit public, des services plus performants et un effet d’entraînement pour l’investissement privé. La refonte du système fiscal a pour objectif d’accroître les recettes de l’Etat de manière équitable et durable. Cela implique l’élargissement de l’assiette fiscale, la lutte contre l’évasion fiscale et la mise en place d’une fiscalité plus progressive. L’impact attendu est un meilleur financement des services publics et une réduction des inégalités sociales. La modernisation du secteur agricole et le soutien à l’économie verte visent à valoriser les ressources naturelles du pays tout en diversifiant l’économie. Cela passe par des investissements dans l’irrigation intelligente, l’agro-industrie et les énergies renouvelables. Ces actions devraient permettre la création d’emplois en milieu rural et favoriser une croissance durable et résiliente. La réforme du marché du travail a pour ambition de réduire le chômage des jeunes et de mieux aligner la formation sur les besoins du marché.  

Elle repose sur le développement de la formation professionnelle, une révision du code du travail et des incitations à l’embauche. L’objectif est d’améliorer l’employabilité et de renforcer l’inclusion économique. Enfin, le renforcement du secteur financier vise à améliorer l’accès au financement pour les entreprises et les ménages. Les leviers identifiés incluent le développement de la microfinance, la digitalisation des services bancaires et la réforme des banques publiques. L’effet attendu est une dynamisation de l’investissement privé et un soutien accru à l’activité économique.

Dans quelle mesure les prévisions de croissance économique influencent-elles les perspectives d’emploi et d’insertion professionnelle des jeunes diplômés ?

La prévision économique joue un rôle déterminant dans la confiance des investisseurs étrangers et dans la capacité de la Tunisie à créer des emplois, notamment pour les jeunes diplômés. En 2024, le pays a enregistré une augmentation significative des investissements étrangers, avec une hausse de 16,7 % par rapport à l’année précédente, atteignant 2.956,6 millions de dinars.

Cette progression, principalement portée par les investissements directs étrangers (IDE) dans les secteurs manufacturier et énergétique, témoigne de l’attractivité croissante de la Tunisie aux yeux des investisseurs internationaux. Cependant, malgré cette dynamique positive, le marché du travail tunisien continue de faire face à des défis structurels. Le taux de chômage des diplômés de l’enseignement supérieur a atteint 25 % au troisième trimestre 2024, mettant en lumière une inadéquation persistante entre les compétences acquises et les besoins réels du marché. Cette situation est aggravée par la rigidité du marché de l’emploi et par la fuite des talents, de nombreux jeunes diplômés choisissant d’émigrer à la recherche de meilleures perspectives de carrière et de conditions de vie plus attractives. 

Pour répondre à ces défis, plusieurs initiatives ont été lancées. Le programme de renforcement de l’enseignement supérieur pour l’employabilité, l’innovation et la résilience (Steeir), financé par la Banque mondiale, vise à moderniser les cursus universitaires et à renforcer les liens entre le monde académique et le secteur privé. Par ailleurs, le programme « CAP Emplois », mis en œuvre en collaboration avec la Banque africaine de développement, ambitionne de créer des emplois décents pour les jeunes, en particulier pour les femmes et les diplômés de l’enseignement supérieur. En conclusion, bien que les prévisions économiques favorables aient contribué à renforcer la confiance des investisseurs étrangers, la Tunisie doit poursuivre ses efforts pour adapter son système éducatif et améliorer la flexibilité de son marché du travail afin de maximiser les retombées positives sur l’emploi des jeunes diplômés.

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IA et Biotechnologie : Quand la science booste l’économie

11. Mai 2025 um 18:20

Face aux défis sanitaires mondiaux et aux transformations technologiques accélérées, la Tunisie dispose d’un atout de taille : son capital humain scientifique. À l’intersection de l’intelligence artificielle et de la biotechnologie, des chercheurs comme Emna Harigua tracent les contours d’une nouvelle économie fondée sur l’innovation. Et si l’IA devenait le moteur d’une souveraineté sanitaire tunisienne et d’un positionnement stratégique à l’échelle régionale ?

La Presse — En Tunisie, l’alliance entre la science et l’innovation numérique n’est plus un simple pari d’avenir : elle devient une nécessité économique et sanitaire. Portée par des chercheurs de haut niveau et un capital humain reconnu, Emna Harigua, chercheuse à l’Institut Pasteur de Tunis et entrepreneuse engagée, illustre cette dynamique en menant des projets ambitieux à l’intersection de l’IA et de la recherche biomédicale. Son parcours et ses initiatives offrent une réflexion lucide sur les leviers à activer pour transformer le potentiel tunisien en véritable avantage compétitif, notamment dans le domaine prometteur de l’AI-Biotech.

Collaboration interdisciplinaire, innovation et engagement

L’IA appliquée à la santé pourrait redessiner les limites de l’économie tunisienne. Dans ce contexte, Emna Harigua, chercheuse à l’Institut Pasteur de Tunis (IPT), a souligné : «Je coordonne actuellement le projet «Bind», une plateforme basée sur l’intelligence artificielle pour la découverte de nouveaux médicaments contre les maladies infectieuses. Ce projet incarne ma conviction que l’IA peut transformer l’approche traditionnelle de la recherche pharmaceutique, en permettant d’identifier de nouvelles entités et cibles thérapeutiques et d’optimiser les traitements contre des pathologies humaines. En outre, j’ai lancé un projet de startup, AI4HD, avec l’objectif de développer des technologies en IA pour faciliter le diagnostic médical et réduire les coûts d’accès aux soins. J’ai une vision : mettre à profit l’intelligence artificielle et la rendre accessible aux acteurs de la santé en première ligne. Ma démarche scientifique repose sur l’idée que la collaboration interdisciplinaire, l’innovation technologique et un engagement constant avec la communauté scientifique mondiale sont essentiels pour relever les défis de santé les plus pressants. Aussi, je mise beaucoup sur le capital humain de mes compatriotes, et surtout sur la jeunesse, pour rendre le monde meilleur à travers la recherche scientifique et l’innovation responsable».

L’IA est aujourd’hui une discipline incontournable, en particulier dans les domaines où les données sont complexes à analyser ou les coûts de développement technologique sont élevés. C’est notamment le cas de la biotechnologie et de la recherche biomédicale. Ainsi, l’intégration de l’IA dans ces secteurs devient nécessaire pour plusieurs raisons : sa capacité à analyser des données massives et complexes, et son potentiel à réduire les coûts en Recherche et Développement (R&D). Pour l’Institut Pasteur de Tunis (IPT), intégrer l’IA et les sciences des données dans ses axes de recherche est une opportunité de valoriser et de consolider sa position d’institut de référence en recherche biomédicale et en santé publique, tant au niveau régional qu’africain.

La chercheuse a mentionné que le développement d’un écosystème en AI-Biotech en Tunisie serait, en effet, bénéfique pour l’ensemble des acteurs de la recherche en biotechnologie. Cet écosystème pourrait devenir un levier de croissance économique, compte tenu du capital humain compétent du pays et du coût de développement compétitif par rapport aux pays développés. Par ailleurs, la Tunisie bénéficie d’un positionnement stratégique entre les marchés européens et africains, lui permettant de jouer un rôle de hub potentiel pour les services digitaux et de biotechnologie, tout en s’appuyant sur un tissu entrepreneurial en plein développement, malgré les freins liés à la bureaucratie et au manque de digitalisation des processus.

Former, réguler, connecter

Et d’ajouter : « Les secteurs les plus porteurs, selon moi, incluent la santé — notamment le diagnostic assisté, la médecine de précision et la télémédecine — ainsi que l’Agritech et la Bioproduction, qui présentent un fort potentiel de développement. En renforçant les synergies technologiques et en stimulant les partenariats entre acteurs public et privé, la Tunisie a l’opportunité de consolider sa compétitivité et de se positionner en leader régional, voire international, dans l’intégration des technologies de pointe ».

L’association IA-Biotech pourrait ainsi devenir un pilier stratégique du développement économique tunisien, à condition d’être soutenue par des politiques publiques d’encouragement à l’innovation, par des investissements ciblés dans la formation et la recherche, et par des partenariats public-privé solides. La formation des biologistes — entendus ici au sens large, incluant tout scientifique œuvrant dans les domaines de la biologie et de la santé — aux outils de l’IA et de la science des données est également un levier essentiel. Cela s’inscrit dans la continuité des efforts de formation et de renforcement des capacités en bioinformatique, domaine dans lequel l’IPT a été pionnier en Tunisie, au Maghreb, dans le monde arabe et en Afrique.

Cela dit, l’IPT n’a pas une vocation éducative formelle, et tous ses efforts en matière de formation émergent d’initiatives individuelles sous le leadership de ses scientifiques. Pour amplifier l’impact de ces efforts, des collaborations avec des universités permettraient d’élargir la portée de la formation, en mobilisant l’expertise de l’IPT en bio-informatique, en analyse de données biologiques et en santé publique. Ces collaborations interdisciplinaires autour de la formation pourraient également permettre de créer des communautés scientifiques interconnectées, servant de levier pour la création de startup « Deep Tech » en santé, lesquelles nécessitent un tissu pluridisciplinaire à haut potentiel.

Faire émerger un hub AI-Biotech

Par ailleurs, l’IPT héberge une large diversité d’experts, de projets et d’initiatives pouvant constituer une fondation solide pour une réflexion plus innovante et orientée vers le business autour des besoins en AI-Biotech.

L’innovation naît souvent lorsqu’un besoin sociétal ou technologique fort est exprimé et que des acteurs motivés et engagés y répondent. Cependant, pour catalyser ces innovations et les transformer en produits à haut impact, il est indispensable de disposer de mécanismes pour leur mise en œuvre et leur croissance. C’est dans ce cadre que l’écosystème joue un rôle clé. 

Créer et développer un environnement réglementaire et économique qui sécurise, incite et accélère l’innovation est donc nécessaire, notamment pour déployer rapidement des cas d’usage (MVPs, démonstrateurs) permettant de prouver la valeur et d’attirer investisseurs et partenaires internationaux.

Il est également impératif d’instaurer une réglementation nationale claire régissant les données de santé et génomiques, garantissant un accès encadré et conforme aux standards internationaux (Rgpd ou équivalent). De plus, il faut développer des référentiels encadrant l’usage de l’IA dans le diagnostic médical, notamment en l’intégrant dans les processus réglementés (essais cliniques, certification d’algorithmes, etc.). Les aspects éthiques liés à l’usage de l’IA sont tout aussi essentiels que ceux concernant l’accès aux données de santé.

Harigua a révélé qu’en Tunisie, nous disposons d’un capital humain exceptionnel, que nous risquons de voir fuir faute d’un environnement propice et compétitif.

Mettre en place des mécanismes pour attirer ces talents vers leur pays d’origine ou inciter des talents étrangers à investir en Tunisie contribuerait à fertiliser le tissu global et à faire de la Tunisie un véritable hub en AI-Biotech.

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