Approche économique : Réinventer la Tunisie avec un modèle sur mesure
Face aux défis économiques actuels, la Tunisie doit adopter un modèle économique dynamique et durable. Selon les experts, plusieurs axes stratégiques sont à privilégier pour assurer une croissance inclusive et résiliente.
La Presse — Cela fait près de deux décennies que la Tunisie traverse une période de mutations économiques profondes, marquée par des défis structurels et des opportunités de croissance à saisir. Face à ces défis, le pays doit impérativement repenser son modèle économique pour assurer un développement durable et inclusif. Quel modèle économique conviendrait alors le mieux à la Tunisie d’aujourd’hui ?
Les limites du modèle actuel
Depuis son indépendance, la Tunisie a connu plusieurs phases économiques. On a commencé par une économie dirigée dans les années 1960, ensuite un libéralisme encadré dans les années 1970-1980, puis une ouverture progressive au marché dans les années 1990-2000. Cependant, ces réformes n’ont pas permis de résoudre certaines failles structurelles. Et qui dit failles dit chômage élevé, notamment chez les jeunes diplômés, malgré un taux de scolarisation élevé, un déficit budgétaire croissant, aggravé par une dette publique qui dépasse 80 % du PIB, une économie informelle prédominante, représentant près de 50 % du PIB, échappant ainsi à l’impôt et un investissement étranger entravé par une bureaucratie lourde. Face à ces constats, un changement de cap s’impose pour bâtir un modèle économique résilient et inclusif.
Pas de copier-coller !
De l’avis de plusieurs économistes tunisiens et étrangers, la Tunisie ne peut pas simplement copier un modèle économique étranger, mais doit en élaborer un sur mesure, combinant plusieurs approches. De ce point de vue, l’économie sociale et solidaire (ESS) peut être d’une grande utilité pour le pays, dès lors qu’elle repose sur des valeurs de coopération et de partage des richesses. Ce modèle pourrait être une solution pour encourager les coopératives agricoles et artisanales, notamment dans les régions défavorisées. Il permet également de favoriser les entreprises à impact social, générant de l’emploi tout en répondant aux besoins de la population. Dans la même optique, d’autre voix appellent à formaliser une partie de l’économie informelle en incitant les petits entrepreneurs à intégrer un cadre légal avantageux. La Tunisie dispose d’un capital humain qualifié dans le domaine technologique. Pour cela, il est essentiel de développer les startup technologiques et les industries créatives à travers des financements publics et privés. Il faut aussi digitaliser les services publics et administratifs pour améliorer l’efficacité et réduire la corruption. L’Etat est, de surcroît, appelé à investir dans la formation aux métiers du numérique, afin de répondre aux exigences du marché mondial. Autrement, plutôt que de dépendre d’un modèle basé sur une main-d’œuvre bon marché, la Tunisie doit miser sur une industrialisation axée sur l’innovation, en soutenant les secteurs de l’électronique, de l’aéronautique et des énergies renouvelables. Elle a aussi intérêt à miser sur une agriculture intelligente et durable, réduisant la dépendance aux importations et valorisant les produits locaux sur le marché international.
Un tourisme repensé et diversifié
Le tourisme de masse pratiqué en Tunisie doit évoluer vers un tourisme durable et écologique, mettant en valeur le patrimoine naturel et culturel. Cette évolution n’aura pas lieu sans une diversification des offres, en intégrant l’agrotourisme, l’écotourisme et le tourisme médical. Ajoutons une amélioration des infrastructures pour attirer une clientèle à fort pouvoir d’achat. Reste à dire que pour mettre en place ce nouveau modèle économique, plusieurs conditions sont nécessaires. C’est qu’il faut réunir une gouvernance transparente et efficace, limitant la corruption et améliorant le climat des affaires et un cadre juridique incitatif, simplifiant les démarches pour les entrepreneurs et investisseurs. S’y ajoutent consécutivement un système éducatif adapté aux nouvelles exigences économiques, formant des compétences en adéquation avec les besoins du marché et un partenariat public-privé dynamique, encourageant l’investissement et la création d’emplois. La Tunisie a, in fine, les ressources humaines et naturelles pour bâtir un modèle économique résilient et inclusif. Un modèle hybride, combinant innovation, économie sociale et solidaire ainsi que des industries à forte valeur ajoutée et un tourisme diversifié, pourrait permettre au pays de surmonter ses défis et d’assurer une croissance durable. Pour y parvenir, il faudra une volonté politique forte, des réformes structurelles ambitieuses et un engagement collectif des différents acteurs économiques et sociaux.