Rentrée scolaire : Pour qu’elle ne soit ni triste ni ennuyeuse
La Presse — « Maman, tu as la liste. Achète ce que tu veux ». La mine renfrognée, il est en cinquième, le gamin ne semble pas du tout ravi par cette rentrée. Pourtant, dans la même grande surface, d’autres enfants vivent une tout autre ambiance. Des éclats de rire, des fournitures qu’ils essaient de fourguer parce que cela leur a plu, alors que leur maman ou leur papa est déjà à la caisse. Un fait accompli auquel les parents, pris de court, refusent rarement.
Les sommes qui apparaissent sur l’afficheur des caisses sont effarantes. Oui, la scolarité est gratuite, mais quelque part on l’oublie et alors que cahiers et livres sont maintenus à des prix abordables, étant subventionnés par l’Etat, le coût des fournitures dépasse tout entendement. Pourtant, des générations et des générations qui ont donné à ce pays des cadres et des hommes exceptionnels n’ont jamais utilisé feutres et autres artifices. Passons.
Pour un bon nombre de ces élèves, cette nouvelle rentrée n’est pas la bienvenue. Il y a quelque chose qui cloche dans leurs esprits. Ils auraient voulu que les vacances durent encore et cette reprise les importune.
Leurs parents n’ont sans doute pas veillé à les préparer. La rentrée est une adaptation et non pas une fuite en avant. Il aurait fallu, sans avoir l’air d’y toucher, préparer l’enfant en revenant à son espace de travail. Acheter une étagère pour leur bureau, le nettoyer et le faire reluire, ranger progressivement (sans donner l’impression de l’en priver), ce qui a servi lors des vacances, ramener quelques cahiers et les poser sur le bureau avec une fausse indifférence en soulignant que « cela pourra te servir », éteindre la lumière plus tôt, c’est un sacrifice à faire par le reste de la famille), rappeler de jolis souvenirs racontés avant les vacances, insister sur l’aspect des retrouvailles dans les relations humaines, etc., sont des agissements et comportements qui préparent à la reprise. Un passage sans heurts ni regrets dont l’enfant a besoin.
Ce retour progressif est important. En l’ajustant pour mettre en valeur l’importance de l’apprentissage, on réanime le désir d’apprendre.
La rentrée est en effet difficile après des mois de repos. Certains en font un repos actif en faisant participer leurs enfants à des ateliers de peinture, de musique, de théâtre, de jeux collectifs sur les plages etc., mais cela n’est pas à la portée de tout le monde.
Nous ne devons jamais oublier que quelques uns de nos enfants ont souffert de la chaleur, ont entendu parler de plages mais ne les ont jamais vues. Certains, sous un soleil de plomb, ont contribué à la cueillette de fruits ou surveillé un troupeau, d’autres ont passé des vacances mouvementées, pour une raison ou une autre. Ces enfants courageux ont du mérite. En fin de compte, ils n’ont pas eu de vacances.
Mais ce retour sur les bancs de l’école qui englobe tout ce petit monde, il faudrait nécessairement le préparer pour le démystifier et le rendre le plus acceptable possible.
C’est délicat, mais cette angoisse de la reprise peut être atténuée par la création d’une ambiance familiale, portée sur l’importance des retrouvailles et les valeurs qui forment l’homme en devenir. Confier des responsabilités à l’aîné, comme par exemple réveiller ses frères ou sœurs, sortir acheter du pain pour le petit-déjeuner, vérifier le cartable du benjamin de la famille (les parents l’ont déjà fait mais c’est juste pour responsabiliser) etc., écartent cette angoisse et remettent progressivement au travail l’ensemble de la famille.
Cela revient à dire, qu’il faut éviter de rappeler certaines situations qui sapent le moral comme « tu n’as rien fait cet été et tu as sans doute tout oublié », ou « tu n’as plus droit à l’erreur arrête de m’ennuyer » ou encore « pas de cours supplémentaires cette année, nous n’avons plus d’argent » etc. C’est la meilleure façon d’associer l’école à la tristesse et à l’ennui.
Dans les pays développés, dont on essaie d’imiter le système éducatif, pour les résultats qu’ils obtiennent, on a compris que « l’enfance est sacrée et que l’apprentissage s’épanouit mieux lorsque son rythme naturel est respecté ».
Bon courage !