Clôture de l’Université d’été à Hammamet : Nouvelle vision sociétale du développement
Le rideau est tombé, dimanche dernier, à Hammamet, sur la 32e édition de l’université d’été qu’avait organisée, pendant trois jours, la Fondation Mohamed-Ali, conjointement avec la Cgtt (Confédération générale tunisienne du travail) et le Mosc (Mouvement social citoyen), sur le thème «Penser autrement le développement dans un contexte régional et international instable et en pleine mutation».
La Presse — Ainsi, les travaux ont abouti, sur fond d’évaluation et de recommandations, en prélude à la prochaine édition 2026 dont le comité d’organisation et de réflexion aura, aux dires de son chef d’orchestre Habib Guiza, à prévoir les tenants et les aboutissants. Mais, toujours il y a de quoi justifier le choix du sujet abordé et son contexte d’actualité. En effet, «La Tunisie à l’horizon 2040» pourrait être la prochaine idée maîtresse.
Une stratégie pragmatique
Avant de passer à l’évaluation de tout ce qui a été exposé, discuté et mis en débat franc et constructif et les leçons à en tirer, M’hamed Ali Halouani, philosophe, est revenu sur la thématique principale, en se posant la question suivante : Faut-il, alors, penser «autrement» le déclenchement pratique d’une stratégie de développement ? Ses idées se sont, d’ailleurs, inspirées de ce qu’avait, déjà, avancé le Mosc, comme une force citoyenne de proposition. L’orateur a, d’emblée, brossé un tableau peu reluisant, révélateur d’une certaine situation de blocage qui aurait besoin d’être dégeler.
Ce constat, selon lui, fait suite à des modèles de développement incohérents, ayant failli à leurs promesses d’équité, d’égalité des chances, d’amélioration de l’employabilité et de la qualité de vie, afin de réduire les disparités régionales. Effectivement, ces modèles calqués et sclérosés ne sont plus productifs et encore moins générateurs de croissance et d’emplois.
En guise de solutions, Halouani a proposé «un changement radical et structurel du modèle de développement économique et social en place, qui puise dans la conception de l’enclenchement pratique des stratégies de développement».
A l’en croire, passer des approches théorisantes par rapport à la réalité concrète à celle éminemment pragmatique. «Autrement dit, il faudrait penser et agir dans le sens d’une économie sociale et solidaire (ESS), tout en renouant avec une activité de rupture essentiellement transformationnelle des réalités vécues à tous les niveaux de la vie politico-socioéconomique, juridique, religieuse, éducationnelle et artistique», a-t-il encore expliqué. Guiza, lui aussi, semblait être dans cette logique des choses, favorisant tourner la page vers un nouveau modèle de développement beaucoup plus juste et inclusif et qui colle le mieux à nos soucis et problèmes locaux.
Faut-il réinventer la solidarité ?
Sur cette même lancée, Mme Leila Mallouli, universitaire- économiste, s’est focalisée sur «l’ESS et la réinvention de la solidarité», d’autant que ce dossier est toujours à l’ordre du jour de l’agenda du Président de la République, et c’est lui qui en fait son cheval de bataille. Les «sociétés communautaires», créées en vertu du décret présidentiel n°15-2022, publié au Jort, le 21 mars 2022, en est bel et bien l’illustration la plus exemplaire.
Sauf que «le cadre institutionnel souffre d’une accumulation de textes qui lui octroient une grande hétérogénéité», souligne-t-elle. Idem pour le cadre législatif qui constitue pour certains nouveaux promoteurs une pierre d’achoppement dont les dossiers de création de ces sociétés continuent à traîner en longueur. Et malgré les efforts déployés par les autorités, ce nouveau mode d’entreprendre n’arrive pas à décoller.
En fait, Mme Mallouli a fini par lancer, en ces termes, une recommandation: «Ce concept ESS a besoin d’être précisé dont le cadre juridique est, lui aussi, appelé à être homogénéisé, probablement autour d’un texte central fédérateur». Dans cet ordre d’idées, le projet de développement local écotourisme alternatif «Marina Gabès», tel qu’il été présenté par Taoufik Jemal, ancien directeur régional du Groupe chimique tunisien – Gabès, demeure encore en gestation.
Faute de moyens financiers et d’appui institutionnel, ce projet, initié par la Fondation Mohamed-Ali, depuis 2015, et localisé à Chott Hamrouni, dans la zone maritime sud de Gabès, a du mal à démarrer. «Ce projet nécessite un investissement initial à taille humaine, des coûts d’exploitation soutenables et une gouvernance ouverte qui associe l’Etat, le secteur privé, les associations, la société civile, et pourquoi pas des partenaires internationaux», insiste-t-il.
L’objectif étant, espère-t-il, en conclusion, de faire de la région non plus un symbole de dégradation, mais un emblème de renaissance écologique et culturelle.
D’autres enjeux en ligne de compte !
Somme toute, un nouveau modèle de développement ne devrait jamais se faire, sans pour autant négliger d’autres enjeux stratégiques à caractère écologique et géopolitique. Ces questions ont été bien explicitées, avec d’amples détails, par trois intervenants, à savoir Salem Boulbaba, enseignant politologue, Abdelaziz Messaoudi, médecin, ainsi que Samir Meddeb, expert en développement durable.
Cela étant, l’on doit penser à un modèle de développement économique et social propre à nous, dans un contexte marqué par un nouvel ordre mondial qui pointe à l’horizon. Mais aussi face à un climat naturel sévèrement capricieux qui nous menace de plus en plus, sous l’emprise des émissions des gaz à effet de serre et de pollution phénoménale.
En marge de la clôture de cette 32e édition, dédiée à la mémoire de Pr Hassine Dimassi, universitaire-économiste et ancien ministre, une cérémonie d’hommage au défunt a eu lieu en présence de sa famille, et où ses amis et collègues, dont Habib Guiza, Ridha Gouiâ (économiste) et M’hamed Ali Halouani, n’ont pas tari d’éloges sur les qualités humaines et les compétences intellectuelles ayant marqué le parcours de leur cher regretté.