Le Hezbollah en pleine restructuration financière !
Quelle résilience ! Alors qu’il a à ses trousses toutes les puissances mondiales et que toutes ses ressources financières ont été coupées, le Hezbollah a trouvé des solutions. D’abord via le système de hawala transitant par Dubaï (nous l’avons abordé en détail dans l’article « L’Iran utilise Dubaï pour transférer l’argent au Hezbollah’’) mais aussi en trouvant une alternative à sa banque Al-Qard Al-Hasan. Le Hezbollah a commencé à prendre des mesures pour la remplacer par une nouvelle entité nommée Joud, spécialisée dans les prêts sur gage (dont la garantie est l’or). Les Mozart de la finance ne se trouvent pas uniquement à Londres et à New York, ils peuvent aussi se trouver dans la banlieue sud de Beyrouth!
Imed Bahri
Selon des informations révélées par le journal londonien arabophone Asharq al-Awsat, le Hezbollah libanais a entrepris des démarches qui devraient mener à la fermeture de sa branche financière, Al-Qard Al-Hasan, ou du moins à la marginalisation de son rôle, suite aux pressions exercées par les États-Unis et la Banque centrale du Liban qui a interdit toute transaction avec l’entité. Cette initiative s’inscrit dans une stratégie dite de «repositionnement juridique» visant à contourner les pressions internationales et nationales exigeant sa fermeture.
Le mouvement chiite libanais vient de créer une nouvelle entité commerciale agréée qui a commencé à exercer certaines activités d’Al-Qard Al-Hasan, notamment en octroyant des prêts à ses sympathisants. On s’attend à ce que d’autres institutions voient le jour pour remplir des fonctions différentes.
Des prêts sans intérêt
Le Hezbollah avait précédemment rejeté les demandes américaines exigeant la fermeture de l’institution par les autorités libanaises, accusant les États-Unis de tenter de lui couper ses ressources financières afin d’éliminer le parti et de l’empêcher de fournir des services sociaux, comme l’a déclaré son secrétaire général, Naïm Qassem, dans un discours prononcé le mois dernier.
Ces dernières années, Al-Qard Al-Hasan était connu pour proposer des prêts sans intérêt, garantis par de l’or ou des garanties financières d’autres déposants. En 2024, sa clientèle dépassait les 300 000 personnes qui bénéficiaient toutes de ses prêts. L’établissement proposait également des prêts agricoles, industriels et commerciaux aux petites entreprises. Par ailleurs, fort de plus de 34 agences au Liban, il a distribué des aides financières aux personnes touchées par la guerre, aides financées par le Hezbollah après le dernier conflit.
Face aux pressions internationales exercées sur le Liban pour sa fermeture, l’institution a semblé recourir à cette opération selon des sources financières citées par Asharq Al-Awsat.
Le Hezbollah est à la recherche d’alternatives légales lui permettant de poursuivre ses activités. Cette démarche est intervenue après une série de mesures locales dont une prise par la Banque centrale du Liban interdisant toute transaction avec la banque.
Des alternatives légales
C’est ainsi que l’institution Al-Qard Al-Hasan a entamé une transformation. Les premiers signes sont apparus avec l’émergence d’une institution commerciale spécialisée dans l’achat et la vente d’or à crédit, créée et ayant commencé à se développer début décembre. Deux sources de la banlieue sud de Beyrouth ont confié à Asharq Al-Awsat avoir été surprises, lors d’une transaction effectuée au sein de l’institution, de recevoir des factures émises par une institution nommée Joud et non Al-Qard Al-Hasan. L’une d’elles a expliqué à Asharq Al-Awsat s’être rendue dans cette institution pour obtenir un petit prêt de 1 800 dollars garanti par l’or de sa femme, et avoir constaté que les procédures avaient changé. Il a expliqué : «Ils n’ont pas procédé à une transaction de nantissement d’or comme auparavant mais plutôt à une transaction en deux temps. La première transaction consistait en l’achat d’or avec une facture officielle. Par la suite, une seconde transaction commerciale a été réalisée, au cours de laquelle la même quantité d’or m’a été vendue à tempérament (la vente à tempérament est un crédit accordé par un commerçant souvent via un organisme financier qui permet d’acheter un bien en le payant par versements périodiques et échelonnés, Ndlr), également avec une facture officielle».
Selon cette source, le contrat d’achat stipule que les sommes dues seront payées sur 18 mois par mensualités fixes et que l’or sera livré 15 jours après le dernier paiement. Il ajoute : «C’est la même méthode qu’auparavant mais les documents sont différents».
Une seconde source a indiqué à Asharq Al-Awsat avoir également obtenu un prêt par la même méthode et avoir constaté que la facture d’achat à tempérament incluait un contrat à quatre conditions. Il a expliqué que la facture avait été émise par un établissement appelé Joud et comportait le numéro d’enregistrement de l’établissement au registre du commerce ainsi qu’un numéro de facture, ce qui signifie qu’elle était soumise au droit commercial libanais et conforme à la réglementation en vigueur.
Asharq Al-Awsat a examiné la facture jointe au contrat qui stipule qu’elle constitue une promesse de vente à tempérament et que la vente n’est considérée comme définitive qu’après paiement intégral de la facture.
La deuxième clause du contrat précise que toutes les échéances deviennent immédiatement exigibles si l’acheteur ne règle pas deux échéances. L’acheteur autorise le créancier à effectuer les paiements en son nom. La quatrième clause stipule que l’acheteur s’engage à recevoir l’or dans un délai maximal de 15 jours à compter de la date de paiement de la dernière échéance et qu’en cas de retard, des frais de stockage de 0,02 $ par gramme et par mois seront facturés.
Cette mesure s’inscrit dans le cadre du plan de transformation de l’institution, mis en œuvre en réponse aux pressions externes et internes visant à sa fermeture. Des sources libanaises proches des demandes internationales affirment que ce changement témoigne de l’échec de toutes les tentatives de sauvetage de l’institution par le biais de négociations entre le Hezbollah et les autorités libanaises. Ils ont ajouté à Asharq Al-Awsat que la conviction du Hezbollah l’a conduit à scinder les services offerts par l’institution, de manière à lui permettre de continuer à en fournir certains malgré sa fermeture complète.
L’entité affirme sur son site web qu’elle vise à aider la population en lui accordant des prêts à des conditions spécifiques afin de contribuer à la résolution de certains de ses problèmes sociaux et qu’elle vise à promouvoir l’esprit de coopération, d’entraide et de solidarité au sein de la société.
Les sources ont ajouté : «Suite à la scission des services, le prêt sur gage d’or a été retiré de son champ d’activité et transféré à l’établissement commercial, lui permettant ainsi de poursuivre ses activités dans le respect de la loi. Ceci s’ajoute à la suspension de plusieurs autres services, notamment les services de distributeurs automatiques de billets. Ils adressent ainsi un message aux autorités libanaises : ces services sont fournis dans le respect de la loi, avec des factures officielles et sont soumis aux impôts et à la réglementation régissant les transactions commerciales».
Cependant, les mêmes sources soulignent que le rapport financier officiel, dans ce cas précis, concerne les clients et non les déposants ou la provenance des fonds, ce qui complique l’éventualité d’une reconnaissance internationale de cette transformation. Elles précisent que trois propositions visant à régulariser la situation d’Al-Qard al-Hassan ont été soumises et rejetées par les autorités américaines. La première prévoyait sa transformation en société de secours mutuel, tandis que la deuxième, celle d’une société financière agréée, a également été rejetée par la Banque centrale du Liban. La troisième proposition consistait à en faire une coopérative financière proposant des prêts et des crédits subventionnés, à l’instar d’autres coopératives financières au Liban et à l’international, opérant conformément au droit libanais et publiant l’identité de ses clients. Selon ces sources, toutes ces propositions ont été entièrement rejetées.
Ce constat concorde avec les analyses financières libanaises qui excluent toute transformation de l’institution susceptible d’obtenir l’approbation américaine.
Le refus américain subsistera
Une source financière libanaise de premier plan a déclaré à Asharq Al-Awsat : «Cette initiative ne devrait pas être bien accueillie par le Trésor américain qui examine minutieusement chaque détail financier au Liban». Elle a souligné que le Liban est soumis à une surveillance stricte du Trésor américain en raison de l’inflation monétaire importante et leur évaluation indique qu’il est impossible de contrôler la circulation de l’argent liquide en dehors du secteur bancaire car cette pratique relève de l’économie informelle.
Cette même source a ajouté : «Cette mesure ne satisfera pas les Américains qui ont décidé que ce service devait être fermé et en ont informé le gouvernement libanais. Un changement de forme ne les apaisera pas tant que la structure sous-jacente demeurera», faisant référence à la persistance d’Al Qard al-Hassan et de ses services même sous une forme différente. Elle a expliqué : «Légalement, et selon la législation libanaise en vigueur (à l’exception de celle de la Banque centrale du Liban), une société commerciale peut se livrer à des activités d’achat et de vente, y compris des paiements échelonnés. Cependant, cela ne signifie pas que le problème fondamental – le refus américain – soit résolu. Car il subsistera des liquidités en dehors du secteur bancaire et, du point de vue américain, cela restera un sujet de suspicion dans le contexte politique actuel».
On l’aura compris, le jeu du chat et de la souris entre la communauté internationale (et à sa tête les États-Unis) et les argentier madrés et teigneux du Hezbollah est loin d’être terminée.
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