La fin du droit international comme boussole des relations internationales
Les crimes israéliens en Palestine ne sont pas anecdotiques et isolés. Ils disent l’entrée dans une ère politique marquée par l’affirmation d’une violence normalisée de puissance hégémonique.
Théoriquement, les relations internationales ne sont pas qu’une affaire de force et de puissance. Elles sont aussi une affaire de principes, de règles. Ainsi, le président américain George H. W. Bush avait décrété en 1990 (à la fin de la guerre froide) l’avènement d’un «nouvel ordre mondial», d’«une nouvelle ère, moins menacée par la terreur, plus forte dans la recherche de la justice et plus sûre dans la quête de la paix (…) ; où la primauté du droit remplace la loi de la jungle. Un monde où les Etats reconnaissent la responsabilité commune de garantir la liberté et la justice. Un monde où les forts respectent les droits des plus faibles». Une perspective qui devait signer la «fin de l’Histoire». Finalement, l’Histoire continue et s’éloigne plus que jamais de cette vision «idéaliste».
Le débat théorique sur la place du droit dans les relations internationales
La question théorique de la place du droit dans les relations internationales oppose traditionnellement les «réalistes» et les «libéraux». L’approche réaliste (dominante) tend à minorer voire à marginaliser le rôle du droit international sur le comportement des puissances internationales : les relations internationales sont réduites essentiellement à une logique de puissance et de rapports de force. Le droit international ne serait pas de nature à peser sur les logiques d’intérêt national et les politiques de puissance.
A l’inverse, pour les libéraux, la nature anarchique des relations internationales n’est pas rédhibitoire : elle peut être tempérée, grâce à des modes pacifiques de régulation : la coopération, la diplomatie, le commerce et le droit international. A travers ces vecteurs de pacification des relations internationales, il s’agit de rechercher les moyens et conditions de prévenir la guerre et de promouvoir une paix durable entre les puissances. Un discours de «paix internationale par le droit» qui sera consacré et assumé par les actes fondateurs de la Société des Nations (SDN), puis de l’ONU (Organisation des Nations unies), à la base de l’ordre international post-1945.
Le droit international comme fondement de l’ordre international post-1945
La Seconde Guerre mondiale a enfanté un nouvel ordre international fondé (par les vainqueurs, en général, et le Etats-Unis, en particulier) sur des principes (non recours à la force, égalité des États souverains, mais aussi égalité des individus – constitutive des droits universels de l’Homme) et objectifs (paix et sécurité collective) consacrés par la Charte des Nations unies instituant une nouvelle organisation universelle : l’ONU. Le préambule de son acte fondateur, la Charte des Nations unies, énonce une aspiration à l’application effective de valeurs morales communes dans la conduite des affaires internationales.
Afin de protéger «les générations futures du fléau de la guerre», il prône la «foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites».
A ces principes s’ajoute une mission : celle de chercher à «créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international» et à «favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande». Ce préambule sera par la suite largement développé par la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée à l’Assemblée générale de l’ONU (1948).
Premier catalogue des droits humains conçus à l’échelle mondiale, elle assume sa vocation de guide politique et moral à l’usage de toutes les nations présentes ou futures. Sa postérité normative exceptionnelle a, de plus, inspiré les conventions internationales ou régionales de protection des droits humains ayant suivi, ainsi que des cours judiciaires internationales et régionales permettant un recours international face à leurs violations par les Etats.
Cet ordre international qualifié de libéral s’est renforcé à la fin de la guerre froide. Ainsi, depuis les années 1990, les discours et instruments juridiques internationaux des Etats et des organisations internationales ont développé les références à l’«état de droit», l’emploi de la minuscule «é» tendant à souligner que le principe de prévalence du droit ne concerne pas les seuls «Etats».
Toutefois, cet ordre international dit libéral n’a empêché ni des conflits interétatiques ou les foyers de tension, ni les crimes de masse contre des civils. En témoignent l’invasion de l’Irak, le génocide au Rwanda ou encore les crimes contre l’humanité en ex-Yougoslavie. Mais il existait un consensus relatif sur les principes fondamentaux de cet ordre : non recours à la force, respect de la souveraineté, universalité des droits de l’Homme. Or on assiste aujourd’hui à un mouvement révisionniste nourri par les puissances mondiales, russe et chinoise, mais aussi américaine.
La remise en cause de la centralité du droit dans le nouvel ordre internationale
La nouvelle configuration internationale repose sur l’affirmation de la logique de puissance et des valeurs autoritaires qui signifient une marginalisation du droit comme vecteur de régulation des relations internationales.
D’une part, l’imprévisibilité, l’instabilité et l’incertitude caractéristiques d’un ordre mondial chaotique, en phase de transition, où la loi de la jungle prévaut sur la loi internationale. La promesse d’une « paix mondiale » ou, du moins, d’une sécurité internationale, se heurte à une pluralité de crises et de conflits récurrents, persistants.
D’autre part, la première puissance mondiale, fondatrice de l’ordre international post-1945 est aussi responsable de la violation de ses piliers : respect du droit international et (donc) de la souveraineté des Etats, principe du non recours à la force, valorisation de la coopération et du multilatéralisme. L’affirmation des velléités d’une domination impériale des Etats-Unis de Trump rejoint en cela celle d’une puissance mondiale autoritaire comme la Russie…
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