À Sousse, Dominique de Villepin décrypte un monde en bascule et appelle à un nouveau pacte euro-méditerranéen
Invité d’honneur des 39es Journées de l’Entreprise, organisées du 11 au 13 décembre 2025, Dominique de Villepin a livré une intervention dense et ambitieuse sur les bouleversements de l’ordre économique mondial.
Devant des chefs d’entreprise, des responsables institutionnels et de nombreux jeunes, l’ancien premier ministre français a dressé le constat d’un monde entré dans une phase de transformation sans précédent.
D’emblée, Dominique de Villepin a insisté sur le caractère décisif du moment actuel. Selon lui, jamais depuis plusieurs siècles l’humanité n’a connu une mutation aussi profonde et simultanée de l’économie, de la politique, des institutions et des sociétés. Dans ce nouveau XXIᵉ siècle, a-t-il expliqué, il ne serait plus possible de fonctionner avec les modèles du passé. Il a évoqué une véritable phase de «destruction créatrice» de l’ordre économique mondial, où toutes les pièces du puzzle bougent en même temps, emportant avec elles les repères établis.
Dominique de Villepin a ensuite décrit l’effondrement progressif des grands piliers qui structuraient la mondialisation. Il a d’abord souligné le recul de la domination occidentale, longtemps au cœur de l’organisation économique mondiale. Cette hégémonie serait désormais dépassée, alors que la Chine, après des siècles d’effacement, retrouve une place centrale, rejointe par d’autres régions du monde. Contrairement aux idées reçues, a-t-il souligné, la Chine ne se limiterait plus aux segments industriels à bas coût. Elle se situerait aujourd’hui en tête dans de nombreux domaines technologiques stratégiques, notamment dans les batteries électriques, l’intelligence artificielle, les communications optiques ou encore le calcul quantique.
L’ancien premier ministre a ensuite évoqué la remise en cause de la mondialisation libérale, fragilisée par la montée des guerres commerciales et des accords bilatéraux déséquilibrés. Il a décrit une logique impériale fondée sur l’accaparement des ressources, la pression sur les partenaires économiques et la volonté de suprématie technologique, notamment dans le numérique et l’intelligence artificielle. Cette dynamique, a-t-il averti, comporte de lourds risques pour l’économie mondiale. Parmi ces risques, il a cité la possibilité d’une stagflation globale, alimentée par la hausse des droits de douane, la pression inflationniste et le ralentissement de la croissance. Il a également mis en garde contre une bulle spéculative, en particulier autour de l’intelligence artificielle, dont les valorisations et les investissements pourraient devenir déconnectés des réalités économiques. Enfin, sans annoncer un effondrement imminent, il a jugé désormais «pensable» un choc sur le dollar, fragilisé par l’ampleur des déficits américains et la perte progressive de confiance de certains acteurs internationaux.
Pour Dominique de Villepin, le nouvel ordre économique qui se dessine sera marqué par une multipolarité renforcée. La géographie économique mondiale se réorganiserait autour de pôles et de zones d’influence, mettant fin à l’illusion d’un libre-échange universel. Dans ce contexte, le commerce intrarégional devrait se développer, notamment en Afrique, où l’intégration économique reste encore très en deçà de son potentiel. Il a insisté sur l’importance des corridors d’infrastructures, de la digitalisation et de l’unification des standards pour soutenir cette dynamique.

La Tunisie au cœur des stratégies euro-africaines
Abordant la question européenne, l’ancien premier ministre a reconnu que l’Europe traverserait encore des années difficiles. Mais il a estimé qu’elle ressortirait plus indépendante et plus forte de ces épreuves. Confrontée à la pression chinoise, à la domination américaine dans les services numériques et financiers, et à la nécessité de se décarboner, l’Europe serait contrainte de corriger ses dépendances. Elle devrait assumer un protectionnisme ciblé, industriel, environnemental et financier, tout en repensant ses relations avec son voisinage immédiat.
C’est dans ce cadre que Dominique de Villepin a accordé une place centrale au Maghreb, à l’Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Selon lui, l’avenir économique et géopolitique de l’Europe ne se jouerait pas seulement à l’Est, mais d’abord de l’autre côté de la Méditerranée. Il a rappelé que la faible intégration économique du Maghreb constituait à la fois un handicap et une immense opportunité. Selon lui, le développement des échanges intramaghrébins serait un atout décisif pour renforcer l’attractivité de la région vis-à-vis de l’Union européenne.
S’adressant plus particulièrement à la Tunisie, Dominique de Villepin a mis en avant ses atouts pour devenir une plateforme d’interconnexion euro-africaine. Il a souligné son potentiel dans le nearshoring, les services financiers, l’innovation et les technologies numériques.
L’ancien premier ministre a également insisté sur le rôle clé des diasporas, qu’il considère comme un réservoir d’énergie entrepreneuriale et d’innovation encore insuffisamment mobilisé. Il a plaidé pour un renforcement des échanges de formation et a même suggéré la création d’un «Erasmus méditerranéen», afin de rapprocher durablement les jeunesses des deux rives.
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Lors de la session ministérielle à Bagdad, le ministre du Tourisme Sofiane Tekaya a prononcé l’allocution officielle de la Tunisie. Il y a rappelé que les transformations mondiales rapides imposent une vision plus agile du secteur: «Le tourisme est désormais au croisement des enjeux économiques, sociaux et culturels, et sa gestion exige innovation, flexibilité et durabilité», a-t-il déclaré. 

