Pourquoi 10 startups sur 12 finiront-elles par être rachetées en Afrique ?
À l’occasion de la première édition de LEBRIDGE 25 organisée par la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie, le 15 décembre 2025 à Tunis, Mohamed Ali Lakhoua, directeur chez AfricInvest, a exposé une réalité chiffrée du parcours des startups en Afrique. Le rêve d’une entrée en Bourse cède souvent le pas à une issue plus probable : le rachat par une entreprise établie. Cette tendance mondiale dicte, selon lui, une stratégie d’investissement et d’accompagnement spécifique, centrée sur la création de synergies industrielles dès le premier jour.
« Sur les douze startups actives de notre portefeuille, des entreprises en rachèteront dix. Seulement deux réaliseront une introduction en Bourse », a-t-il déclaré. Il souligne que cette tendance reflète une réalité mondiale du capital-risque. Selon lui, cette statistique impose une stratégie claire : les fonds doivent préparer les startups à devenir « irrésistibles pour les corporates ».
Le dirigeant base son critère d’investissement sur cette perspective. Pour lui, une startup doit présenter des synergies avec le portefeuille d’entreprises du groupe AfricInvest. « Pas de lien avec un corporate, pas d’investissement », affirme-t-il. Il explique que la startup doit avoir lancé une stratégie commerciale en direction des grandes entreprises ou avoir déjà développé cette relation.
Sur un portefeuille de quinze startups, trois ont cessé leurs activités et douze connaissent une croissance, dont neuf startups africaines. Son équipe prépare, façonne et optimise actuellement ces neuf entités pour qu’elles deviennent « irrésistibles aux yeux des corporates ». Il indique qu’il examine personnellement plus de mille cinq cents startups chaque année.
Anticiper la sortie dès la signature du premier partenariat
Mohamed Ali Lakhoua illustre son propos par des exemples concrets, notamment Move Africa, qui finance les chauffeurs Uber sur le continent, et Flare, une société de sécurité. Il révèle que le contrat de partenariat de Flare avec Uber incluait une « clause d’achat dès le départ ». Cette approche démontre la stratégie qui consiste à « anticiper l’exit dès la signature du partenariat commercial ».
Concernant le capital-risque corporate (CVC), il constate que « très peu opèrent en Afrique », à l’exception notable et récente de CMA CGM avec The Box. Pour fonctionner, estime-t-il, un CVC doit constituer « une équipe complètement indépendante avec ses propres objectifs ». Cette équipe doit évaluer les startups sur « leur capacité à se développer, la maturité de leur produit, la qualité de l’équipe, et non sur leur proximité avec le corporate ».
L’intervenant cite ses collaborations avec des CVC européens tels que SEB, CMA CGM ou Pernod Ricard. Il note que ces derniers investissent dans « les startups affichant le plus de chances de succès, même si elles opèrent dans des secteurs connexes ». Il précise que ces fonds autorisent même leurs startups à servir des concurrents, cette approche relevant avant tout d’un « business d’investissement comme un autre ».
Un ancrage panafricain et un modèle de co-investissement innovant
Le groupe AfricInvest, qu’il a fondé en Tunisie en 1994, a connu une forte expansion géographique. Il dispose désormais de bureaux dans huit pays africains, ainsi qu’à Paris et Dubaï. Aujourd’hui, les investissements hors de Tunisie représentent 95 % de son portefeuille. « AfricInvest se considère plus africain que tunisien », affirme-t-il, tout en reconnaissant un « attachement viscéral » à son pays d’origine où il participe activement à l’écosystème des startups.
Il décrit également un modèle de co-investissement que son fonds a mis en place avec des entreprises européennes. Intéressées par le capital-risque en Afrique mais confrontées à la complexité réglementaire, ces corporates investissent dans le fonds et co-investissent systématiquement dans chaque startup du portefeuille. L’équipe d’AfricInvest gère la relation avec les fondateurs, et les parties partagent les bénéfices en cas de succès.
Mohamed Ali Lakhoua estime que « l’exit par acquisition corporate n’est pas un pis-aller, c’est la norme » en Afrique comme ailleurs. Son message aux entrepreneurs reste clair : « Ceux qui anticipent cette voie dès le premier jour prennent déjà une longueur d’avance. »
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