La Chambre criminelle spécialisée dans les affaires de terrorisme du Tribunal de première instance de Tunis a rendu, hier, mercredi 10 décembre 2025 un jugement condamnant Bilel Chaouachi, un dirigeant de l’organisation interdite Ansar Al-Charia et de l’organisation terroriste Jibhat Al-Nosra et État islamique (Daech) en Syrie, à 55 ans de prison.
Selon Diwan FM, citant une source judiciaire, Bilel Chaouachi a été inculpé pour avoir combattu dans les rangs de Daech en Syrie. Il aurait aussi téléchargé via Internet des vidéos faisant l’apologie d’actes terroristes en Tunisie, notamment des attaques ciblant le bus de la sécurité présidentielle en janvier 2016.
Il est tout de même utile de rappeler que, lors de son passage en Syrie, Bilel Chaouachi était sous le commandement de l’actuel président de la Syrie, Ahmed Al-Charaa, ancien chef de Jibhat Al-Nosra, puis de Hayat Tahrir al-Cham. Il a eu beaucoup moins de chance que celui dont le nom de guerre était Abou Mohammed Al-Joulani.
L’adhésion de la Tunisie à l’Agence africaine de garantie du commerce (Atidi), dont la mise en œuvre a été officialisée le 24 mars 2025, lors d’une cérémonie réunissant les acteurs économiques tunisiens en Afrique, représente une étape importante dans le développement de son économie sur le continent.
Dans le cadre de ses responsabilités économiques, la Tunisie, à travers diverses initiatives, privilégie l’expansion économique dans les secteurs commercial, politique, financier et énergétique. Cependant, le pays rencontre des obstacles pour atteindre cet objectif. L’adhésion à l’Atidi pourrait néanmoins l’aider à surmonter certains de ces obstacles.
Grâce à cette intégration, la Tunisie a accès à un mécanisme visant à sécuriser ses exportations vers l’Afrique en facilitant l’accès à une assurance contre les risques commerciaux et politiques. Les mécanismes de protection contre les risques pourraient également aider à attirer les investisseurs. De plus, ils favoriseraient l’accès à des financements internationaux à des conditions avantageuses.
Grâce à Atidi, la Tunisie pourrait accéder rapidement à un soutien financier pour ses projets d’énergies renouvelables. Le pays a en effet conclu un accord pour bénéficier du Mécanisme de soutien rapide à la liquidité (RSRL), un dispositif soutenu financièrement par la banque publique allemande KfW et l’Agence norvégienne de coopération au développement (Norad).
Le soutien financier de cette entité sera axé sur : l’appui aux producteurs privés d’électricité verte; la réduction des coûts de financement des projets d’énergies renouvelables; et l’accélération de la transition énergétique, conformément à la stratégie nationale.
Fondée en 2000, l’Atidi joue un rôle crucial dans le commerce intra-africain. L’agence bénéficie d’une autonomie financière de plusieurs milliards de dollars, ainsi que d’un réseau couvrant les principales économies africaines et de collaborations stratégiques avec des institutions telles que la BAD.
L’intégration de la Tunisie à l’Atidi constitue une avancée majeure qui ouvre la voie à de nouvelles perspectives pour le pays. En s’engageant dans cette alliance, la Tunisie démontre sa volonté de se positionner comme un leader économique en Afrique du Nord. Avec un soutien adéquat et une vision claire, le pays peut transformer ces défis en opportunités et bâtir un avenir prospère pour ses citoyens. En bref, l’adhésion à l’Atidi pourrait bien être le catalyseur dont la Tunisie a besoin pour réaliser son potentiel en tant que pôle technologique, stimulant ainsi la croissance économique et le développement social dans les années à venir.
Avec l’intégration de la Tunisie, l’Atidi porte le nombre de ses membres de 24 à 25. Cette adhésion permet désormais à la Tunisie de mener ses activités sur le continent africain avec une garantie de développement.
Al Baraka Islamic Bank, l’une des principales banques du Bahreïn, a organisé un webinaire sur le financement du commerce international, réunissant les entités du Groupe Al Baraka en Jordanie, en Tunisie et en Algérie. Le but étant de favoriser l’échange d’expertise bancaire et à renforcer la coopération entre les entités du groupe bancaire.
Cette collaboration soutient la croissance des activités des trois établissements et le développement des solutions de financement du commerce international performantes, destinées à divers secteurs d’activité.
L’événement, qui s’est tenu le 3 décembre 2025, a vu la participation de représentants d’entreprises et d’institutions bahreïnies de premier plan, avec un total de 45 participants, reflétant l’intérêt du secteur privé local pour la diversité des solutions de financement du commerce international proposées par Al Baraka Islamic Bank.
Les échanges enrichissants ont permis de mieux comprendre les exigences du marché, renforçant ainsi les efforts conjoints pour développer des produits et services bancaires et financiers répondant aux besoins croissants des entreprises au Bahreïn et ailleurs.
Le webinaire a abordé un large éventail de sujets pointus, notamment les mécanismes facilitant le commerce transfrontalier, les stratégies d’amélioration de l’efficacité opérationnelle des lettres de crédit et des encaissements, ainsi que les méthodes de réduction des risques liés au commerce international. Il a également examiné les meilleures pratiques des unités du groupe Al Baraka dans la région.
Des équipes spécialisées ont présenté des opportunités clés pour la création de solutions de financement adaptées aux besoins évolutifs des entreprises à Bahreïn et dans les pays participants.
L’événement s’est conclu par l’engagement d’organiser de nouvelles initiatives conjointes renforçant la coopération entre les entités du Groupe Al Baraka et stimulant le développement de produits et services de financement du commerce de pointe. Cette démarche vise à consolider la position d’Al Baraka Islamic Bank en tant que partenaire stratégique des entreprises de la région.
À cette occasion, le Dr Adel Abdullah Salem, PDG d’Al Baraka Islamic Bank, a déclaré : «Ce webinaire marque une étape importante dans nos efforts pour renforcer la collaboration au sein du Groupe Al Baraka. Il a facilité de précieux échanges d’expertise et ouvert de nouvelles perspectives d’intégration entre les équipes de Bahreïn, de Jordanie, de Tunisie et d’Algérie. Cet événement a constitué une excellente plateforme pour partager les meilleures pratiques soutenant notre transformation stratégique dans le domaine du financement du commerce.»
La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd) et l’Union européenne (UE) ont signé un prêt senior non garanti de 10 millions d’euros avec Amen Bank, l’une des principales banques privées de Tunisie. Ce premier prêt accordé dans le cadre du mécanisme de financement de l’économie verte de la Berd en Tunisie permettra à Amen Bank de refinancer le secteur privé tunisien, notamment les micro, petites et moyennes entreprises (PME), tout en promouvant l’égalité d’accès au financement vert pour les femmes et les hommes.
Cette initiative soutient la transition de la Tunisie vers une économie verte en augmentant le financement des technologies et services sobres en carbone et résilients au changement climatique.
Ce prêt est assorti d’un programme de coopération technique financé par la Berd et l’UE. Il aidera Amen Bank dans la préparation, la mise en œuvre, la vérification et le suivi de ses projets, et assurera la formation et le renforcement des capacités de son personnel afin de promouvoir l’égalité d’accès au financement climatique.
Par ailleurs, l’UE accordera des subventions incitatives à l’investissement une fois les investissements verts menés à bien et vérifiés.
Ces subventions visent à encourager les PME éligibles à adopter plus rapidement les technologies climatiques de pointe.
Ce financement bénéficie également du soutien du Fonds de change (TCX), un mécanisme soutenu par l’UE qui renforce les marchés financiers dans les économies en développement et propose une couverture de change aux banques tunisiennes à coûts réduits.
Amen Bank est une société par actions au capital de 174,6 millions de dinars tunisiens, dont 66,44 % sont détenus par le Groupe Amen, un acteur majeur de la finance privée tunisienne, reconnu pour son engagement en faveur de l’innovation, de la performance et du soutien à long terme à ses clients.
En juin 2025, Amen Bank figurait au sixième rang des banques tunisiennes, avec une part de marché de 8,5 % en termes d’encours de dépôts et de prêts.
Depuis le début de ses opérations en Tunisie en 2012, la Berd a investi 2,9 milliards d’euros dans 83 projets à travers le pays, dont 66 % dans le secteur privé.
Cela fait 23 ans que le responsable politique palestinien, membre du Fatah, Marwan Barghouti est détenu dans les prisons israéliennes et depuis le mois de septembre, il a été transféré à celle de Megiddo, l’une des pires d’Israël et durant ce transfert il a été violemment agressé. Alors que le Fatah est discrédité et fortement impopulaire auprès de la population palestinienne et que le Hamas est ostracisé et rejeté par la communauté internationale, Barghouti est l’un des rares à bénéficier d’une respectabilité aussi bien en Palestine qu’à l’étranger et sa modération fait de lui un véritable homme de paix ce qui dérange fortement l’actuel gouvernement israélien, extrémiste et belliciste. De plus en plus de voix s’élèvent pour exiger que Donald Trump fasse pression pour sa libération s’il est vraiment sérieux dans son souhait de pacifier le Moyen-Orient.
Imed Bahri
Le Guardian a consacré un éditorial sur la nécessité de libérer le célèbre dirigeant palestinien emprisonné à l’heure où les Palestiniens ont besoin d’un avenir politique ainsi que de l’aide humanitaire et de tout ce qui est nécessaire à la reconstruction. La libération de Barghouti, incarcéré depuis plus de vingt ans, est essentielle à la paix que le président américain prétend vouloir instaurer au Moyen-Orient, estime le journal britannique.
L’éditorial note qu’avec l’accord de cessez-le-feu conclu, les massacres, y compris ceux d’enfants ont ralenti mais n’ont pas cessé. L’aide a augmenté mais reste bien insuffisante car Israël continue de bloquer l’entrée de l’assistance vitale.
Les Palestiniens ont un besoin urgent de sécurité, d’aide humanitaire et de reconstruction mais aussi d’un horizon politique. Le plan de Trump n’en fait aucune mention, et s’il l’évoque, c’est en termes vagues et conditionnels concernant un État palestinien, que les Israéliens, y compris le gouvernement extrémiste, rejettent catégoriquement. Néanmoins, l’État palestinien a bénéficié d’un soutien international sans précédent à la suite de deux années de guerre d’usure.
La figure la plus influente en Palestine
Le Guardian estime que le destin politique des Palestiniens est inextricablement lié à celui de Barghouti. Après plus de vingt ans d’emprisonnement, ce leader de 66 ans demeure la figure la plus influente capable de rassembler les factions déchirées par l’idéologie et l’animosité. Bien que membre du Fatah, Barghouti a critiqué l’Autorité palestinienne et jouit d’un grand respect au sein du Hamas. La vieille garde de l’Autorité palestinienne est perçue comme opportuniste, inefficace, irresponsable et, en réalité, comme un instrument de sécurité israélien en Cisjordanie.
La conviction que Barghouti peut revitaliser la politique palestinienne et insuffler l’élan nécessaire à la création d’un État palestinien et à l’instauration d’une paix durable est à l’origine de la nouvelle campagne internationale en faveur de sa libération, soutenue notamment par Paul Simon, Delia Smith, Richard Branson, Margaret Atwood et d’autres personnalités publiques connus sous le nom de The Elders (Les Anciens ou Sages universels est une organisation non gouvernementale regroupant des personnalités publiques reconnues comme hommes d’État, activistes politiques pour la paix et avocats des droits de l’homme rassemblés par Nelson Mandela en 2007).
Il est important de noter que certains membres des milieux politiques et sécuritaires israéliens partagent ce point de vue.
Partisan de la solution à deux États
Barghouti soutient depuis longtemps la solution à deux États, a contacté à plusieurs reprises des responsables israéliens et a même appris l’hébreu par lui-même. Il a été condamné lors d’un procès critiqué par des experts juridiques et décrit comme oppressif. Il lui a été reproché d’avoir ordonné des attaques ayant coûté la vie à des civils israéliens pendant la Seconde Intifada.
Les États du Golfe ont fait pression pour obtenir sa libération dans le cadre d’un accord de cessez-le-feu mais Israël s’y est opposé. En même temps, Israël a libéré ceux qu’il considérait comme des meurtriers. Comme l’a récemment fait remarquer un ancien officier militaire : «Israël est prêt à libérer des criminels dangereux mais il n’a aucun intérêt à libérer des figures symboliques».
Pour les Palestiniens, Barghouti, que certains d’entre eux surnomment Mandela, représente une voie vers leurs droits inaliénables. De nombreux dirigeants, y compris en Israël même, sont passés de la lutte armée à la manœuvre politique. Israël se plaint depuis longtemps de l’absence d’un véritable partenaire pour la paix. Cependant, Benjamin Netanyahu et ses alliés ne craignent pas que l’État israélien ne puisse jamais se réconcilier avec un homme comme Barghouti mais ils craignent qu’il le puisse.
La libération du leader palestinien signifierait que le gouvernement israélien est prêt à envisager la création d’un État palestinien, une perspective que Netanyahu ne tolérera même pas, aussi lointaine soit-elle. Par conséquent, la libération de Barghouti ne sera possible que sous la pression extérieure et c’est dans ce sens que Donald Trump devrait agir.
Le Guardian rapporte que les conditions de détention des prisonniers palestiniens se sont considérablement détériorées depuis 2023. Une vidéo, apparue cet été, montre le ministre de la Sécurité d’extrême droite, Itamar Ben-Gvir, se moquant de Barghouti, amaigri et méconnaissable, et le menaçant.
Sa famille affirme qu’il a été violemment battu par des gardiens et le Bureau des médias des prisonniers palestiniens (organe médiatique des détenus palestiniens) a révélé mercredi dernier que Barghouti avait été agressé dans une prison israélienne à la mi-septembre et souffrait de côtes cassées. Sur sa chaîne Telegram, le Bureau des médias précise que le prisonnier Barghouti a été agressé lors de son transfert de la prison de Ramon à celle de Megiddo (sinistre prison située dans le nord d’Israël surnommée le Guantanamo israélien) à la mi-septembre. Huit membres de l’unité Nahshon relevant du service pénitentiaire israélien avaient participé à l’agression de Barghouti lors de son transfert. Il avait perdu connaissance et souffrait de quatre côtes cassées à cause de l’agression.
Le Guardian fait part de ses craintes que le gouvernement n’adopte définitivement le projet de loi instaurant la peine de mort pour les Palestiniens poursuivis pour terrorisme. Le journal britannique insiste sur le fait que libération de Barghouti est une question urgente. Il y a quelques semaines, le président américain a laissé entendre qu’il pourrait aborder le sujet. Il devrait exhorter Israël à le libérer dans l’intérêt de la paix qu’il prétend vouloir instaurer au Moyen-Orient.
Pour Da Empoli, le chaos n’est plus un accident. Il devient stratégie. Les dirigeants actuels l’utilisent pour fragiliser les adversaires, neutraliser les oppositions et renforcer leur pouvoir. Les purges spectaculaires, les coups médiatiques et les démonstrations de force ne sont plus des accidents, mais des instruments de domination.
Mohammed ben Salmane, lors de la fameuse opération au Ritz-Carlton de Riyad, en est l’exemple parfait. L’auteur décrit comment les autocrates contemporains orchestrent le désordre pour s’assurer que tous les autres acteurs suivent leur rythme, une leçon que les démocraties occidentales ont peine à comprendre : «Comme dans le cas de Moctezuma, la docilité des gouvernants n’a pas suffi : les conquistadors modernes ont progressivement imposé leur empire.»
L’Onu, théâtre d’ombres
Le parallèle avec l’histoire aztèque est frappant : les puissants du monde contemporain, face aux «conquistadors de la tech» et aux nouveaux autocrates, se retrouvent souvent paralysés, incapables de prendre des décisions efficaces.
À New York, au siège des Nations unies, la diplomatie multilatérale semble dépassée. Entre chefs d’État, conseillers et gardes du corps, chaque délégation croit être au centre du monde. L’auteur décrit la scène avec une précision presque clinique : des hommes fatigués, des dialogues codés, des protocoles absurdes, et l’impression que personne ne contrôle rien : «Même les Tuvalu. Même le Timor oriental. Vous commencerez à comprendre pourquoi les Nations unies ne peuvent pas fonctionner. Mais peut-être aussi pourquoi nous ne pouvons pas nous en passer.»
Dans ce microcosme global, le chaos n’est pas accidentel : il reflète la transformation profonde du pouvoir mondial, où les règles classiques de la diplomatie vacillent.
Les nouveaux «conquérants» : tech et IA
Les seigneurs de la tech ne se contentent pas d’accompagner les mutations du pouvoir : ils redéfinissent les règles du jeu. Les plateformes numériques structurent l’information et façonnent la société. L’intelligence artificielle, outil promis à l’avenir, échappe déjà aux régulations classiques.
Da Empoli insiste sur la fracture entre ceux qui créent les règles et ceux qui les subissent. Les géants du numérique évoluent dans un univers parallèle, parfois en décalage total avec les sociétés qu’ils transforment. Dans ce contexte, le chaos devient calculé, voulu et revendiqué.
Pour le Sud global, le message est clair : rester passif est dangereux. Les pays du Maghreb et de la Méditerranée subissent les secousses des stratégies des prédateurs : «Les guerres régionales, la dépendance énergétique, les migrations forcées et les pressions technologiques sont autant de conséquences directes des stratégies des ‘prédateurs’.»
Comprendre ces dynamiques est vital. La stabilité régionale dépend de la capacité à anticiper les mouvements de puissances plus grandes, mais aussi à développer des stratégies propres, capables de protéger les sociétés locales.
Livre court, avertissement puissant
Les dirigeants locaux ne peuvent plus se contenter de suivre les règles dictées par d’autres : ils doivent comprendre les logiques du pouvoir mondial et réagir avec lucidité.
Avec seulement 176 pages, L’heure des prédateurs propose une grille de lecture du présent et un avertissement pour l’avenir. La lucidité de Da Empoli est celle d’un Machiavel moderne, capable d’analyser la stratégie des puissants, tout en gardant une hauteur morale qui invite à la réflexion.
L’écriture, vive et imagée, rend accessibles des concepts complexes : le chaos, l’instabilité planifiée, la montée de l’IA et la domination des géants du numérique. Chaque anecdote – de l’Onu à Riyad, en passant par les interactions entre dirigeants – illustre un monde où le désordre est instrumentalisé.
Comment protéger la démocratie, la paix et la justice dans une ère où le chaos est volontaire ? Da Empoli n’offre pas de solution clé en main. Son essai agit comme un signal d’alarme. Comprendre les logiques de domination, observer les forces à l’œuvre et se préparer devient déjà une forme de résistance.
‘‘L’heure des prédateurs’’ est plus qu’un essai politique : c’est un miroir tendu à notre époque, une alerte nécessaire face à la brutalité du réel.
Le premier juge d’instruction du pôle judiciaire économique et financier a informé l’homme d’affaires Youssef Mimouni, un ancien directeur général d’une banque publique, ainsi que des avocats et des experts judiciaires, de la clôture de l’instruction et du renvoi du dossier devant la chambre d’accusation près la Cour d’appel de Tunis, qui statuera sur les poursuites.
Rappelons que des mandats de dépôt ont été émis contre plusieurs accusés, dont Ghazi Mimouni, le fils du principal accusé, tandis que d’autres font l’objet d’une interdiction de voyager.
Les poursuites concernent des faits présumés de faux et usage de faux, blanchiment d’argent, corruption et abus de fonction, liés à des transactions entre une banque publique, la Banque de l’Habitat (BH) en l’occurrence, et des sociétés appartenant à l’homme d’affaires.
Ancien peintre en bâtiment qui s’est enrichi grâce à sa proximité avec l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali, qui lui a mis le pied à l’étrier, Mimouni a fait fortune avant mais aussi après la chute de ce dernier grâce à ses «entrées dans le système» et quelques pots de vin opportunément distribués.
Ses activités Mimouni vont de la peinture à la construction métallique, en passant par le liège et la biomasse. Mais aussi la restauration (à travers le restaurant Le Grand Bleu à Gammarth) et l’hôtellerie (chaîne Dar Ismaïl).
Ce self made man, qui a longtemps rogné sur les biens de l’Etat, et notamment le domaine public maritime, a entraîné dans sa chute beaucoup de monde dans l’administration publique et les finances.
Le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), Noureddine Taboubi, a démenti les rumeurs de démission du secrétaire général adjoint Anouar Ben Kaddour, lors d’une intervention, ce mercredi 10 décembre 2025, dans l’émission ‘‘Houna Tounes’’ sur Diwan FM.
«C’est faux… ce ne sont que des rumeurs qui circulent sur Facebook, et je n’ai reçu aucune démission», a déclaré M. Taboubi, soulignant que les informations diffusées sur les réseaux sociaux sont sans fondement.
Cette clarification intervient après la circulation de rumeurs concernant des «démissions» au sein de la direction de l’organisation syndicale, rumeurs que cette dernière a catégoriquement démenties, soulignant qu’elle poursuivrait ses activités normalement.
Ces rumeurs interviennent aussi dans un contexte de crise politique, de crispation du pouvoir et de mésentente cordiale entre le gouvernement et la centrale syndicale qui a annoncé une grève générale nationale pour le 21 janvier 2026 pour protester contre l’abandon du dialogue social par le pouvoir politique et la tentative d’exclure l’UGTT des négociations sur les augmentations salariales.
Ceci explique sans doute cela : depuis l’annonce de la décision de grève générale nationale, les pages proches du pouvoir multiplient les attaques contre la centrale syndicale et parlent de division en son sein entre les partisans du secrétaire général, soucieux de l’unité de l’organisation en cette phase délicate, et ceux qui s’opposent à lui et cherchent à l’éjecter au cours du prochain congrès prévu en mars prochain.
La Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme (LTDH) «est attachée à la neutralité et plus soucieuse d’appliquer la loi que le ministère de la Justice lui-même», a déclaré son président, Me Bassem Trifi, en réaction au communiqué de ce département accusant de l’organisation de violer les termes de la convention relative aux visites des prisons.
Me Trifi, qui parlait lors d’une conférence de presse aujourd’hui, mercredi 10 décembre 2025, au siège du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), à Tunis, dans le cadre de la commémoration de la Journée internationale des droits de l’homme, a expliqué que la LTDH a respecté la dite convention la liant au ministère de la Justice et n’en a jamais violé les dispositions, ni diffusé d’informations erronées, s’élevant contre la volonté des autorités de faire des prisons des lieux hermétiquement fermés.
Me Trifi a révélé que l’accusation selon laquelle la Ligue aurait manqué à ses obligations est infondée et a appelé le ministère de la Justice à respecter ses engagements et les dispositions de sa convention avec la LTDH.
«La Ligue tire aujourd’hui la sonnette d’alarme concernant les droits de l’homme, alors que le travail civil et politique est criminalisé et que des journalistes, des militants de la société civile et des hommes politiques sont poursuivis en justice», a déclaré Me Trifi, notant que «le pouvoir politique en place n’écoute que lui-même et jette en prison quiconque n’est pas d’accord avec lui».
Rappelons que le ministère de la Justice a démenti les informations diffusées dans les communiqués publiés par la LTDH et plusieurs de ses sections régionales concernant «l’existence d’une décision de résiliation implicite» de l’accord signé le 10 juillet 2015 entre les deux parties et qui autorise des délégations de la Ligue à visiter les prisons dans tout le territoire de la république.
Le ministère affirme avoir constaté des manquements répétés de la part de la Ligue, notamment la diffusion de données erronées sur la situation de certains détenus, en violation des obligations de neutralité et de transparence prévues par la convention.
Depuis 2011, la Tunisie se cherche un modèle de développement capable de redonner souffle à une économie en transition et de répondre à la crise sociale et écologique qui s’accentue. Le modèle productiviste hérité des décennies précédentes — fondé sur la main-d’œuvre bon marché, le tourisme de masse et une agriculture dépendante des intrants importés — montre désormais ses limites. La dépendance extérieure, la fragilité du tissu industriel, la dégradation des ressources naturelles et les inégalités régionales ont rendu nécessaire une révision profonde du paradigme national.
Zouhaïr Ben Amor *
Or, la Tunisie dispose d’atouts uniques : une situation géographique exceptionnelle à la pointe nord de l’Afrique, face à l’Europe, ouverte sur la Méditerranée et connectée au monde arabe et africain; une diversité naturelle rare pour un pays de sa taille; et surtout, un patrimoine culturel et historique d’une richesse exceptionnelle. Ces éléments constituent les fondements d’un modèle alternatif, que l’on pourrait résumer par une équation simple : Environnement + Culture + Tourisme.
Ce triptyque pourrait devenir l’ossature d’un développement durable à la tunisienne — un modèle reposant sur la protection de l’environnement (y compris l’agriculture), la valorisation culturelle et un tourisme repensé dans sa dimension qualitative et territoriale.
1. La Tunisie et ses atouts naturels et humains
La Tunisie est bénie par la nature. Son climat méditerranéen tempéré, son littoral de plus de 1 300 km, ses reliefs variés, ses zones humides, ses oasis, et ses terres agricoles confèrent au pays une diversité écologique que peu de nations arabes possèdent.
Pourtant, ces richesses naturelles sont aujourd’hui menacées. La surexploitation des nappes phréatiques, l’avancée de la désertification, l’érosion des sols et la pollution côtière pèsent lourdement sur les équilibres environnementaux. Selon la Banque mondiale, la Tunisie perd chaque année près de 0,7 % de son PIB à cause de la dégradation environnementale.
Mais l’environnement ne se réduit pas à un décor; il constitue une base de production, un patrimoine vivant et une source de bien-être collectif. C’est là que l’agriculture, composante essentielle de ce pilier, trouve toute sa place. L’Office national de l’agriculture (Onagri) rappelle dans son Référentiel pour une agriculture durable en Tunisie (2015) que «la durabilité du secteur agricole passe par la préservation des ressources, la diversification des cultures et la valorisation du savoir-faire paysan».
À ces atouts naturels s’ajoute un patrimoine culturel et historique d’une densité exceptionnelle. La Tunisie est un carrefour de civilisations : phénicienne, romaine, byzantine, arabe, ottomane, andalouse, européenne. Ses médinas, ses sites archéologiques, ses traditions artisanales et musicales, ainsi que ses langues et cuisines régionales constituent une mosaïque culturelle d’une grande richesse.
Enfin, le pays dispose d’un capital humain jeune et éduqué, d’une diaspora dynamique et d’un secteur créatif en plein essor (design, photographie, cinéma, artisanat, arts plastiques). Ce potentiel humain et symbolique doit être placé au cœur du projet de développement.
2. Environnement et agriculture : socle de la résilience
Le pilier environnemental ne peut être dissocié de l’agriculture, qui reste le premier utilisateur de l’eau et un pilier social pour près d’un tiers des Tunisiens. Cependant, la pression climatique et hydrique impose une refonte totale des pratiques. La Tunisie est classée parmi les pays les plus exposés au stress hydrique dans le monde, avec moins de 400 m³ d’eau douce disponible par habitant et par an, loin du seuil de pauvreté hydrique fixé à 1 000 m³.
L’adoption de modèles agroécologiques, la modernisation raisonnée de l’irrigation, l’usage d’énergies renouvelables dans les exploitations et la revalorisation des déchets organiques constituent des priorités. Des expériences locales en permaculture, à Grombalia, Sidi Bouzid ou Tozeur, montrent qu’il est possible de produire autrement, avec des rendements stables et des sols régénérés.
Les politiques publiques doivent encourager ces transitions : crédits verts, labels bio, circuits courts entre producteurs et consommateurs, coopératives territoriales. Dans le monde, des exemples inspirants existent : l’Italie du Sud, le Maroc (plan Génération verte) ou encore le Portugal ont réussi à associer agriculture locale, tourisme rural et durabilité environnementale.
L’agriculture tunisienne peut devenir à la fois productrice de biens, de paysages et de valeurs culturelles. Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) recommande de considérer les zones agricoles comme «systèmes écoculturels» : chaque terroir est porteur d’une identité, d’un savoir-faire et d’une biodiversité spécifique.
Ainsi, la préservation de l’environnement devient la condition de la durabilité économique : sans eau, sans sol fertile, sans paysages intacts, ni agriculture ni tourisme ne peuvent survivre.
3. Culture et patrimoine : l’âme du développement
La culture, dans ce modèle, n’est pas un supplément d’âme. Elle est la clé de la cohésion nationale et le moteur symbolique du développement. En effet, c’est la culture qui donne sens à l’espace, valeur au territoire, et attractivité à la nation.
La Tunisie possède une trentaine de sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco, et des centaines d’autres en attente de reconnaissance. Pourtant, beaucoup de ces trésors sont sous-exploités ou laissés à l’abandon. La restauration des médinas (Tunis, Kairouan, Sousse, Sfax) et la mise en réseau de leurs artisans pourraient devenir un puissant levier économique et social.
Au-delà du patrimoine bâti, le patrimoine immatériel (chants, gastronomie, savoir-faire, mémoire populaire) doit être valorisé.
L’expérience de Djerba, récemment classée à l’Unesco (2023), montre qu’un territoire peut être reconnu pour la coexistence de ses traditions, de ses religions et de ses architectures vernaculaires.
La culture, lorsqu’elle s’ouvre à la création contemporaine, devient aussi un facteur d’innovation et de différenciation internationale. Le tourisme culturel, qui attire une clientèle curieuse et respectueuse, est une alternative durable au tourisme balnéaire de masse.
De plus, la culture ancre le développement dans la dignité. Elle valorise l’artisan, le musicien, le conteur, la potière ou le tisserand, en leur offrant reconnaissance et débouchés. Cette dynamique, soutenue par des circuits culturels (routes du patrimoine, festivals, musées vivants), peut revitaliser les régions intérieures et réduire les fractures territoriales.
4. Tourisme durable : catalyseur du modèle
Le troisième pilier, le tourisme, représente historiquement un moteur de devises et d’emplois, mais son orientation vers le «tout balnéaire» a fragilisé sa durabilité. Le tourisme tunisien a longtemps misé sur le volume plutôt que sur la qualité. Cette approche a généré des effets pervers : saisonnalité extrême, faibles marges, pression sur les ressources naturelles, dégradation du littoral et homogénéisation culturelle.
Aujourd’hui, un tournant s’impose. La stratégie nationale du tourisme durable à l’horizon 2035, élaborée avec l’appui de la Banque mondiale, recommande une diversification profonde : écotourisme, tourisme culturel, rural, saharien, sportif et médical.
L’écotourisme est un levier prometteur. Il repose sur la valorisation des parcs nationaux (Ichkeul, Bou Hedma, Chaambi), des zones montagneuses (Kef, Zaghouan), et des oasis (Douz, Tozeur, Nefta). Ces espaces, gérés de manière participative, peuvent devenir des laboratoires de durabilité.
Le tourisme rural et agricole, quant à lui, permet d’intégrer les populations locales : hébergement en gîtes, dégustation de produits du terroir, initiation aux pratiques agricoles, découverte des savoir-faire artisanaux. Cette approche, déjà expérimentée à Takrouna ou dans le Cap Bon, crée un lien humain et économique entre visiteurs et habitants.
L’exemple du projet BioTED (Tunisie-Belgique) est emblématique : il a permis de développer des circuits agrotouristiques bio, valorisant les petits producteurs et les paysages ruraux.
Enfin, le tourisme doit devenir un espace de responsabilité. Les visiteurs d’aujourd’hui recherchent l’authenticité, la nature et le sens. Le pays qui saura leur offrir cela gagnera en notoriété et en respect. La Tunisie a les moyens de devenir cette destination méditerranéenne durable, entre mer, désert et culture.
5. Les défis à surmonter
Ce modèle intégré, aussi séduisant soit-il, se heurte à plusieurs obstacles.
Le premier est le changement climatique : la diminution des précipitations, la montée du niveau marin, l’érosion côtière et la salinisation des sols sont des menaces existentielles. La Tunisie doit urgemment moderniser la gestion de l’eau : récupération des eaux pluviales, dessalement, réutilisation des eaux usées traitées, et tarification rationnelle.
Le deuxième défi est institutionnel : les politiques publiques restent fragmentées. L’environnement, l’agriculture, la culture et le tourisme dépendent de ministères différents, rarement coordonnés. Une approche intégrée nécessite une gouvernance territoriale, des agences régionales, et des compétences transférées aux collectivités locales.
Le troisième obstacle est économique : le financement de la durabilité. Or, les outils existent. Le Fonds vert pour le climat, la Banque européenne d’investissement et de nombreuses institutions internationales proposent des lignes de crédit pour les projets verts et culturels. La Tunisie pourrait en bénéficier à condition de présenter des projets cohérents et bien évalués.
Enfin, le quatrième défi est culturel au sens civique : il faut réhabiliter la conscience collective de la valeur de la nature et du patrimoine. La durabilité ne se décrète pas, elle s’éduque. Les écoles, les médias, les associations doivent inculquer une culture écologique et patrimoniale, un sens du bien commun.
6. Pour une gouvernance intégrée et participative
L’un des points faibles chroniques des politiques tunisiennes est la fragmentation administrative. Pour que ce modèle fonctionne, il faut une structure de gouvernance transversale — une Agence nationale du développement durable territorial — chargée d’orchestrer les actions entre les ministères, les collectivités et les acteurs privés.
Cette agence pourrait, par exemple, piloter des projets intégrés sur des territoires pilotes : un gouvernorat côtier, un territoire oasien, une médina restaurée. Ces expériences locales serviraient de laboratoires avant leur généralisation.
L’implication des citoyens est cruciale. La durabilité se construit à partir des communautés locales. Les municipalités, les associations, les coopératives, les universités doivent être associées à la conception et à l’évaluation des projets. Une gouvernance ascendante, fondée sur la concertation, garantit la continuité et l’appropriation.
De plus, la Tunisie pourrait mettre en place un système de paiement pour services environnementaux : les acteurs économiques qui profitent des paysages (hôtels, agences, promoteurs) devraient contribuer à leur préservation. Une telle mesure, déjà appliquée au Costa Rica et au Maroc, permet d’allier économie et écologie.
7. Comparaisons internationales et inspirations
Dans la région méditerranéenne, plusieurs pays ont engagé des transitions similaires. Le Portugal, après avoir connu un tourisme de masse, a réorienté sa stratégie vers la durabilité en misant sur la culture, la nature et la gastronomie. Résultat : un allongement de la saison touristique, une hausse du revenu par visiteur et une meilleure répartition régionale.
Le Maroc a intégré la culture et le tourisme durable dans son Plan Vision 2020, créant des circuits culturels et ruraux (Routes des kasbahs, du safran, des oasis). La Jordanie a développé le tourisme communautaire autour de Petra et de Dana, en impliquant directement les habitants dans la gestion et les bénéfices.
Ces exemples montrent que la durabilité n’est pas une utopie. Elle est économiquement rentable à moyen terme et politiquement valorisante. La Tunisie, par son histoire et sa position géographique, a toutes les conditions pour devenir une référence méditerranéenne du développement intégré.
8. Perspectives et impacts attendus
Si la Tunisie met en œuvre une stratégie cohérente articulant environnement, culture et tourisme, plusieurs effets vertueux peuvent être anticipés.
Sur le plan écologique, la restauration des milieux naturels, la reforestation, la rationalisation de l’eau et la réduction de la pollution amélioreraient la qualité de vie et la résilience climatique.
Sur le plan économique, la diversification des activités rurales, la création d’emplois dans la restauration patrimoniale, l’agrotourisme et les industries créatives pourraient absorber une partie du chômage des jeunes diplômés.
Sur le plan social et culturel, la revalorisation des savoir-faire traditionnels et la reconnaissance des cultures locales contribueraient à la cohésion nationale et au sentiment d’appartenance.
Enfin, sur le plan international, une image renouvelée de la Tunisie — moderne, durable et authentique — renforcerait son attractivité et sa crédibilité dans les circuits touristiques et environnementaux mondiaux.
9. Conclusion : un souffle pour la Tunisie de demain
L’équation Environnement + Culture + Tourisme n’est pas un slogan, mais une voie stratégique. L’environnement représente la base matérielle et biologique de la vie ; la culture en incarne l’âme et la mémoire ; le tourisme, s’il est durable, devient le moteur économique qui fait circuler les deux.
La Tunisie doit désormais passer de la parole à l’action :
investir dans l’agriculture durable et l’économie circulaire ;
restaurer et valoriser son patrimoine matériel et immatériel ;
repositionner son tourisme sur la qualité, l’expérience et la responsabilité.
Ce modèle intégré, soutenu par une gouvernance décentralisée et des financements verts, pourrait être le levier d’une renaissance nationale. Il offrirait à la Tunisie non seulement un nouvel horizon économique, mais aussi une identité réconciliée avec elle-même : un pays où le respect de la nature, la fierté culturelle et la dignité sociale se conjuguent pour bâtir un avenir durable.
Ainsi, la Tunisie pourrait redevenir ce qu’elle a toujours été au fil des siècles : un pont entre les civilisations, un jardin fertile au cœur de la Méditerranée, et un exemple pour les nations qui cherchent à conjuguer progrès et humanité.
* Universitaire.
Références bibliographiques (sélection):
Onagri, Référentiel pour une agriculture durable en Tunisie, 2015.
Banque mondiale, Toward Sustainable Tourism in Tunisia, 2024.
Pnud, Rapport sur le développement humain en Tunisie, 2023.
Arab Reform Initiative, Tunisia’s Climate Justice Movement, 2023.
Eco-Conseil Belgique, Projet BioTED, 2022.
Agenda 21 Culture, Cultural Policy for Sustainable Development in Tunis, 2022.
FAO, Agriculture, eau et changement climatique en Méditerranée, 2020.
World Tourism Organization (UNWTO), Sustainable Tourism Indicators for the Mediterranean, 2022.
Le Monde, Les producteurs tunisiens face au manque d’eau, 2024.
Institut Tunisien des Études Stratégiques (ITES), Tunisie 2030 : modèle de développement durable, 2022.
Chaque année, le 10 décembre, le monde célèbre la Déclaration universelle des droits de l’homme. Un texte fondateur, né après les pires tragédies du XXᵉ siècle, qui devait servir de boussole morale universelle, plaçant la dignité humaine au-dessus des intérêts politiques, économiques ou géostratégiques. Mais célébrer aujourd’hui cet anniversaire relève presque de l’ironie. Car tandis que les discours officiels se multiplient, les pratiques, elles, s’éloignent dangereusement de l’esprit du texte de 1948.
Najet Zammouri *
Nous assistons, aujourd’hui, à une régression mondiale des droits humains, à une banalisation de l’arbitraire, et à une inquiétante dérive qui érige le deux poids deux mesures en norme internationale.
Les droits humains deviennent optionnels
Dans de trop nombreux pays, les droits humains ne sont plus perçus comme des principes sacrés, mais comme des variables d’ajustement entre les mains des gouvernements. Liberté d’expression réduite au silence, législations liberticides, justice instrumentalisée, criminalisation des voix dissidentes : la liste s’allonge.
Le plus troublant est que ces violations ne choquent plus. Elles se normalisent. La répression passe désormais sous les radars, rattrapée par des crises successives qui détournent l’attention ou par une lassitude générale face à la multiplication des conflits.
Le cynisme du deux poids, deux mesures
Jamais la contradiction entre principes proclamés et pratiques réelles n’a été aussi flagrante.
Ainsi, certains États qui se posent en champions des libertés ferment les yeux lorsque leurs alliés commettent l’impensable; d’autres justifient l’injustifiable au nom de la sécurité nationale.
Cette hiérarchisation des indignations sape la crédibilité même du système international des droits humains. Comment prétendre défendre l’universalité lorsque les violations sont condamnées ici, mais tolérées là-bas? Lorsque les migrant·e·s, les femmes, les minorités ou les défenseur·e·s des droits humains voient leurs droits dépendre de leur nationalité, de leur origine, de leur religion ou des intérêts des puissants ?
La sélectivité est devenue un langage diplomatique. Elle est aussi un aveu de faiblesse morale.
Des défenseur·e·s de droits humains ciblés comme jamais
Au moment même où l’humanité aurait besoin de voix courageuses, ce sont elles qui sont le plus menacées.
Intimidations, campagnes de diffamation, procès iniques, violences : les défenseur·e·s des droits humains, particulièrement les femmes, paient un prix exorbitant pour leur engagement.
Pourtant, leur combat est essentiel. Ils et elles sont le dernier rempart contre l’arbitraire et les dérives autoritaires. Ignorer leur protection, c’est accepter que le silence remplace la justice.
Réaffirmer l’universel : un devoir, pas un luxe
La Déclaration universelle des droits de l’homme n’est pas un texte du passé, mais un projet politique et éthique pour l’avenir, dont la survie exige qu’elle redevienne un véritable engagement et non un simple slogan. Réaffirmer son universalité signifie exiger une égalité de traitement pour toutes les violations, quel que soit l’auteur ou la victime, défendre avec courage les libertés fondamentales même lorsqu’elles dérangent, soutenir sans relâche les défenseur·e·s des droits humains partout dans le monde et replacer la dignité humaine au cœur des décisions politiques et économiques.
Face à la montée des extrémismes, aux conflits dévastateurs, aux discriminations et à l’impunité, la tentation de la résignation est grande, mais y céder serait trahir les aspirations fondamentales ayant inspiré la Déclaration de 1948.
Aujourd’hui plus que jamais, il faut rappeler que les droits humains ne sont ni un privilège ni une faveur, mais la condition indispensable à toute société juste, pacifique et véritablement humaine.
* Première vice-présidente de la Ligue tunisienne des droits de l’homme.
Le Centre pour le respect des libertés et des droits en Tunisie (CRLDHT), association tunisienne basée à Paris, appelle à un meeting citoyen de solidarité avec les prisonniers politiques et d’opinion en Tunisie, le mardi 16 décembre 2025 à 19 heures à la Bourse du Travail (Rue Château d’eau, Paris, Métro République).
Le meeting, mis sous le slogan «L’opposition n’est pas un crime. La solidarité internationale s’impose», est organisé avec le soutien et la présence de responsables de la société civile française et internationale (associations, partis politiques et syndicats), indique le CRLDHT. Son objectif principal : «témoigner collectivement de la répression qui frappe depuis 2023 les voix libres, la société civile, les médias, les avocat·e·s, les blogueurs et les syndicalistes.»
«Depuis 2023, la Tunisie subit une répression sans précédent. Les premières arrestations massives dans l’affaire dite du “complot contre la sûreté de l’État” ont ouvert la voie à une stratégie visant à criminaliser la dissidence et à soumettre la justice aux injonctions du pouvoir.
«Le 27 novembre 2025, cette dérive atteint son paroxysme : le tribunal d’appel prononce 824 années de prison en quelques heures, sans accusés, sans défense, sans procès réel. Un verdict politique.
«Depuis, la machine répressive s’emballe : Maître Ayachi Hammami, arrêté pour avoir dénoncé l’arbitraire ; Chaïma Issa, militante et journaliste, arrêtée en pleine manifestation ; Néjib Chebbi, 81 ans, figure historique de l’opposition, arrêté à son tour ; ainsi que des activistes, blogueurs, journalistes, avocats, syndicalistes et membres de la société civile.
«En parallèle, le pouvoir a entrepris de mettre au pas la justice, d’étrangler les libertés publiques, de réduire l’espace médiatique et d’intimider toutes les organisations indépendantes», lit-on dans le communiqué annonçant le meeting.
‘‘Chaque jour je vous ai écrit’’ (Ed. Asmodée Edern, Bruxelles), recueil de poèmes de la Libanaise L. Yamm, au titre emprunté à un vers de René-Guy Cadou, vient de paraître dans la Collection «Poétiques» que dirige le poète et académicien, Eric Brogniet.
Née dans le nord du Liban, L Yamm, publie ici un deuxième recueil, des poèmes-lettres, entre, évocations, souvenirs, appels et regrets de paradis perdus. Poèmes amoureux, sensuels et doux, chants nostalgiques. L’être aimé, de l’intimité physique, de l’éloge du corps, s’allie au paysage, au pays quitté, fusion et résonance, mots chargés de métaphores, où il n’est pas difficile de reconnaître un ancrage dans le lyrisme arabe.
L’amour du pays natal est une célébration mélancolique du corps intime, comme si la revue Jassad«Corps» qu’animait Joumana Haddad planait sur une écriture qui se lit sans fioritures de langage ni exercices de style.
Le recueil est une suite de correspondances imaginaires, l’être absent emporte le présent, soulève l’auteure, l’habite, il y a comme une douleur du pays qui manque, un désir que la plume tente de sauver, ouvrant les paravents d’une terre, d’une mer, d’une montagne, dont les fragrances remplissent le cœur et l’âme de celle qui part, qui quitte, sans avoir jamais quitté ni le lieu ni l’être :
‘‘Avec Irina, un opéra russe’’ (Éditions Emmanuelle Collas, 2025), Anouar Benmalek signe un roman ample et bouleversant, traversé par la douleur de l’exil, la fidélité à la mémoire et la fragile beauté de l’amour. L’écrivain algérien, dont l’œuvre est marquée par la quête de vérité et l’épreuve de la lucidité, poursuit ici son exploration du tragique humain à travers les destins croisés d’Irina, de Walid et de Vladimir, dans une Russie tourmentée où résonnent les échos d’autres histoires et d’autres silences.
Djamal Guettala
L’histoire commence à Leningrad, en 1978. Irina, soprano aux rêves de grandeur, aborde Walid, étudiant algérien, devant l’entrée du musée de l’Ermitage. Elle sollicite son aide pour accéder à la «petite salle italienne», où se trouve un étrange tableau du Caravage, puis disparaît. Walid se prend d’une passion pour l’opéra russe, espérant retrouver cette belle inconnue. Commence alors une longue histoire d’amour qui survivra à l’absence, pendant quarante années, jusqu’au retour de Walid à Saint-Pétersbourg en février 2022, décidé à retrouver Irina.
Fiction, drame et poésie
Dans ce livre, la Russie devient un miroir, celui des nations blessées, traversées par les violences de l’Histoire et par le mensonge institutionnalisé. Benmalek y interroge la manière dont les États fabriquent leurs mythes, effacent leurs fautes et travestissent la mémoire collective pour mieux régner sur les consciences. À travers le destin de Vladimir, le grand-père d’Irina, il nous plonge dans la sombre histoire de l’URSS au Kazakhstan dans les années 1930, mêlant splendeur et misère, drame et poésie. La fiction, chez lui, ne se contente pas de raconter : elle rétablit une justice poétique et redonne voix à ceux que l’Histoire officielle a condamnés au silence.
‘‘Irina, un opéra russe’’ n’est pas seulement une fresque politique ou historique. C’est aussi une méditation intime sur la condition humaine. Chaque personnage porte en lui une part de solitude, d’espoir brisé, de vérité retenue. L’exil — qu’il soit géographique, affectif ou intérieur — devient la métaphore d’un monde où tout être est séparé de ce qu’il aime. Et face à cette séparation, Benmalek oppose la seule force invincible qu’il reconnaisse : l’amour. Cet amour qui, loin d’être refuge, devient résistance — la dernière forme de dignité quand tout vacille.
Son écriture, tendue, poétique, incandescente, reflète cette tension entre la beauté et la violence. On y sent le poids de l’Histoire, mais aussi la musique du désespoir. Rien n’est apaisé dans son style : chaque phrase semble arrachée au silence, chaque mot pèse d’une mémoire.
Lire Benmalek, c’est entrer dans un univers où la langue elle-même devient combat — contre l’oubli, contre la lâcheté, contre la bêtise triomphante.
Résistance et mémoire
L’auteur, fidèle à lui-même, ne dissocie jamais l’acte d’écrire de la responsabilité morale. Loin des slogans et des illusions, il affirme que l’écrivain n’a pas à changer le monde, mais à témoigner de son désordre. Écrire, c’est penser «malgré l’évidence», affronter le réel dans sa complexité et ses blessures.
Au fil de ces pages, Benmalek déploie une lucidité sans complaisance. Il observe la barbarie contemporaine, les guerres, les exils, la perte du sens, et en tire cette conclusion simple : la littérature ne sauve pas, mais elle empêche la mort spirituelle. Elle maintient vivante la possibilité d’un regard libre, d’une conscience éveillée.
‘‘Irina, un opéra russe’’ est ainsi bien plus qu’un roman : c’est une œuvre de résistance et de mémoire, un opéra intérieur où la douleur s’accorde à la tendresse, où la vérité se conquiert mot après mot. Benmalek, fidèle à son exigence, rappelle que la seule noblesse de l’écrivain est de «faire de son mieux» — c’est-à-dire de ne jamais céder à l’oubli ni à la facilité.
Dans un monde saturé d’images et vidé de sens, son livre résonne comme un acte de foi dans la lecture elle-même : lire pour penser, lire pour ne pas disparaître.
L’avocat d’affaires Aslan Berjeb, a souligné la nécessité de rompre avec l’idée de compter uniquement sur l’État pour trouver du travail et de s’appuyer plutôt sur l’autonomie individuelle et l’initiative privée, affirmant qu’il est possible d’investir dans les industries créatives et culturelles qui ne nécessitent pas de nombreuses procédures administratives ni d’énormes financements.
Le président de Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect), qui présidait, ce mardi 9 décembre 2025, l’ouverture de la première édition du programme Tunisian Culture Builders (TCB) ou Tunisiens… Bâtisseurs de culture, une initiative de son organisation en partenariat avec Game, dans le cadre de l’initiative Scale (Sport, Culture & Loisirs), a souligné que ce projet encourage les jeunes à entreprendre, expliquant que «l’économie orange», qui englobe toutes les industries créatives et culturelles, ne nécessite pas beaucoup de financement, mais seulement trois éléments : la jeunesse, la créativité et la capacité de promouvoir et développer le patrimoine culturel.
Le projet TCB, qui a pour slogan« Transformez votre passion en projet entrepreneurial ! », appelle les jeunes Tunisiens ayant entre 18 et 35 ans, qu’ils soient passionnés par le sport, la culture, les loisirs ou les industries créatives, qu’ils soient au chômage ou en reconversion professionnelle, à postuler pour intégrer un programme innovant alliant formation certifiée LinkedIn, bootcamp entrepreneurial intensif, incubation hybride (présentiel et en ligne), avec, en perspective, un mentorat et financement de lancement pour 5 projets.
Le but du programme est de booster l’employabilité, de renforcer la visibilité professionnelle et d’accompagner les postulants dans la création d’un projet durable à fort impact.
Dans un communiqué publié ce mardi 9 décembre 2025, la présidente du Conseil national de l’ordre des médecins de Tunisie, Dr Rym Ghachem, dénonce la promotion de la «tradithérapie» dans les médias, «comme alternative ou substitut à la médecine fondée sur les preuves».
Dr Ghachem alerte l’opinion publique, au nom de tout le conseil de l’Ordre, au sujet de la diffusion, dimanche soir, sur la chaîne El Hiwar Ettounsi, de contenus promouvant cette pratique douteuse et qui s’apparente au charlatanisme, «sans encadrement scientifique rigoureux ni avertissement clair», induisant le public en erreur, banalisant des méthodes non validées et exposant les citoyens à des «retards diagnostiques ou thérapeutiques parfois graves.»
«Ces contenus fragilisent les fondements mêmes de la médecine moderne, qui repose sur la science, l’évaluation méthodologique et la sécurité du patient», souligne le Conseil, en rappelant que «la santé des Tunisiens ne peut être exposée à des pratiques dénuées de validation scientifique.»
Tout en affirmant qu’il prendra toutes les mesures qu’il jugera nécessaires et utiles pour préserver l’exercice médical, protéger le public et garantir le respect strict des règles qui encadrent la profession, le Conseil appelle l’ensemble des médias à exercer leur responsabilité éthique «en évitant la diffusion de contenus susceptibles d’induire la population en erreur et en valorisant des informations fondées sur des données scientifiques fiables.»
Il s’agit de défendre «une médecine de qualité, rigoureuse, responsable et au service de tous les Tunisiens», conclut Dr Ghachem.
Au cours du week-end dernier, la police judiciaire de Menzel Temime (Nabeul, Cap Bon) a démantelé un réseau de trafic de drogue dirigé par trois personnes, deux originaires de la même ville et la troisième de Kelibia, a rapporté Mosaïque FM le mardi 9 décembre 2025, citant une source sécuritaire responsable.
La police judiciaire de Menzel Temime a reçu des informations concernant un trafic de drogue dans cette ville. Elle a identifié les membres du réseau qu’elle a traqués pendant trois jours avant de mener une série de raids qui ont permis d’arrêter les suspects et de démanteler, en même temps, un autre réseau impliqué dans des vols.
Au total, 20 personnes ont été arrêtées, dont 3 trafiquants de drogue opérant sur l’ensemble du territoire national. D’importantes quantités de cocaïne, d’ecstasy et de résine de cannabis ont été saisies.
Le procureur a autorisé la détention provisoire des suspects et l’ouverture de poursuites judiciaires à leur encontre pour possession et trafic de stupéfiants.
La Compagnie tunisienne de navigation (CTN) a annoncé, ce mardi 9 décembre 2025, l’ouverture des réservations sur les lignes Marseille et Gênes pour la saison 2026, et ce à partir du 16 décembre courant.
La compagnie a précisé, dans un communiqué, que les réservations sont possibles dans ses agences et les agences de voyage partenaires en Tunisie et en Europe, ainsi que sur son site web.
Après avoir relaté dans un précédent article les dures conditions d’enfance et d’adolescence de J-D Vance, qui ne l’ont pas empêché de devenir le vice-président des USA, l’auteur nous fait part dans cet article d’une autre «success story» américaine, celle de Zohran Mamdani, parti à l’âge de 7 ans de Kampala en Ouganda, pour devenir à 34 ans le plus jeune et le premier maire musulman de la métropole de New York(15 millions d’habitants). Il en tire des leçons de vie et même une lettre ouverte qu’il adresse aux jeunes Tunisiens.
Sadok Zerelli *
Dans un récent article, j’avais comparé les conditions de jeunesse et de vie de ma génération des «Baby boomers», née autour des années 1950, à celles de la génération Z, née entre l’arrivée du phénomène de la mondialisation au début des années 1990 et la «crise des surprimes » de 2008.
Je concluais que ma génération a eu la chance de vivre dans un monde en pleine expansion, un monde qui croyait encore au progrès, à l’ascension sociale par l’école, à un avenir toujours meilleur
Par contre, la génération Z a grandi, étudié et travaillé — ou cherche à le faire — dans un contexte de fragmentation constante. L’information est partout, mais la cohérence nulle part. L’avenir est au bout des doigts, mais instable comme une connexion wifi.
La révolution numérique lui offre certes une liberté quasi illimitée — mais avec une solitude accrue, un culte de la performance, une exposition permanente au regard social. Le prix de la liberté, c’est souvent le doute et l’épuisement. (voir dans Kapitalis : ‘‘La génération Z est-elle moins chanceuse que celle des «Baby-boomers»?’’)
Dans un autre article, j’avais donné un aperçu sur l’autobiographie rédigée par J-D Vance, le vice-président américain actuel, alors qu’il n’avait que 32 ans et n’était nullement connu, vendue à trois millions d’exemplaires aux USA et traduite dans plusieurs langues, dont le Français (Edition Globes) : ‘‘Une famille américaine : de la grande pauvreté aux ors de la maison blanche’’.
J’avais fait ressortir que, né au sein d’une famille pauvre, d’origine «appalachienne» (les «hillbillies»), toute son enfance était marquée par les disputes entre sa mère, toxicomane, et ses différents maris (cinq), les menaces, les déménagements constants et une absence totale de sécurité émotionnelle ou matérielle.
C’est sa grand-mère, qu’il appelle Mamaw, une femme rude, drôle, violente parfois, qui l’a élevé et qui devint la figure salvatrice de sa vie. Elle lui imposait certes des règles très strictes mais justes, avait une croyance inconditionnelle en son potentiel et lui inculpa l’idée qu’il peut s’extraire de son milieu sans renier ses racines.
J’avais tiré du parcours de vie de J-D Vance sept leçons de vie pour nos jeunes Tunisiens, dont les plus importantes sont que «l’origine sociale n’est pas un destin», «la discipline et l’effort sont des armes contre le chaos social», «ne pas renier ses origines mais ne pas s’y laisser enfermer» et surtout que«l’éducation est le meilleur ascenseur social». (voir dans Kapitalis : ‘‘La vie de D.J. Vance, un exemple pour nos jeunes’’).
Le présent article porte sur une autre «success story», qui n’est pas seulement un autre récit de réalisation du rêve américain, mais constitue un autre témoignage universel sur la pauvreté, l’immigration, l’ambition et la capacité de rebondir.
C’est celle de Zohran Mamdani qui, né en 1991 à Kampala en Ouganda et émigré à l’âge de 7 ans aux USA avec sa famille issue de la diaspora indienne, devint le 4 novembre 2025 et à l’âge de 34 ans, le plus jeune maire de New York depuis plus d’un siècle et le premier musulman à accéder à ce poste.
Un intérêt précoce pour la politique
Après son arrivée aux États-Unis, Mamdani effectue sa scolarité dans le Queens, un quartier pauvre et populaire de New York.
Pour ses études supérieures, il intègre le Bowdoin College, un établissement d’arts libéraux situé dans le Maine. Il en est diplômé en 2014, avec une licence en «Africana Studies» (études africaines / diaspora) et une mineure en gouvernement.
Pendant son passage à Bowdoin, il a cofondé l’ONG étudiante «Students for Justice in Palestine» (Étudiants pour la Justice en Palestine), ce qui illustre très tôt ses engagements politiques et sociaux. Il a aussi travaillé pour le journal étudiant du collège, ce qui suggère un intérêt pour l’écriture, le débat et les questions politiques/sociales.
Ainsi, son adolescence et ses études l’ont façonné et il a été exposé tôt aux idées de justice sociale, d’engagement civique et d’activisme.
Un «socialiste démocrate»
Après l’université, Mamdani s’est engagé en politique. Il a été élu en 2020 à la New York State Assembly, représentant un district de l’ouest du Queens. Il a été réélu en 2022 et 2024, ce qui montre que son ancrage local a grandi et qu’il a su gagner la confiance de ses électeurs.
Au sein de l’Assemblée, il a initié un nombre important de projets de loi, ce qui suggère qu’il ne s’est pas contenté d’être un élu de base, mais qu’il a activement participé à la législation.
Sur le plan politique, il se décrit comme un «socialiste démocrate», c’est-à-dire issu de l’aile gauche du parti démocrate, avec un projet progressiste et un discours en faveur des classes populaires.
Parcours édifiant pour les jeunes
L’histoire de Mamdani est emblématique du rêve américain mais qui est en réalité universel : immigrant d’enfance, ayant grandi dans le Queens, éduqué dans une université prestigieuse, puis devenu représentant politique, tout cela malgré des origines modestes.
Son profil -jeune, issu de la diaspora, de confession musulmane, socialiste- incarne une diversité rarement vue. Son élection marque un tournant politique et symbolique pour tous les jeunes du monde, y compris en Tunisie.
Son engagement de longue date pour la justice sociale, les droits des minorités et les causes progressistes lui donne un capital de crédibilité auprès d’une population new-yorkaise très diverse, souvent sensible à la question des inégalités.
Leçons de vie pour les jeunes
L’élection de Mamdani comme maire de New York peut être un exemple puissant pour nos jeunes Tunisiens pour plusieurs raisons profondes : sociales, politiques, psychologiques et symboliques. Elles peuvent être résumées comme suit
1. Les origines modestes ne sont pas une barrière : Mamdani était un immigrant africain, arrivé enfant aux États-Unis, ayant grandi dans un quartier populaire. Pour nos jeunes, souvent convaincus que laréussite est réservée aux autres, son parcours montre que «l’origine sociale, le pays de naissance, la couleur de peau ou la religion ne doivent pas enfermer une vie».
2. L’engagement civique peut transformer une vie : Mamdani n’était pas un héritier politique. Il a commencé par des associations étudiantes, de l’activisme social et des actions locales dans son quartier. Puis il est devenu élu local, puis maire de New York.
Pour nos jeunes souvent désabusés par la politique, son élection rappelle que le changement commence localement, par une association, un groupe d’entraide, un projet citoyen, une initiative environnementale.
3. S’engager ouvre des portes : son élection prouve qu’on peut être jeune et accéder au pouvoir et devenir le maire de l’une des villes les plus importantes du monde.
En Tunisie, où beaucoup de jeunes se sentent exclus des responsabilités publiques, son exemple montre que l’âge n’est pas un obstacle, le leadership n’est pas réservé aux aînés et qu’un esprit jeune peut gérer une grande ville, innover et gouverner.
4. Une réussite qui valorise la diversité : Mamdani est musulman, afro-asiatique, et issu de l’immigration. Il devient maire d’une ville occidentale majeure.
Pour nos jeunes souvent confrontés au rejet et au racisme en Europe ou à la discrimination, cela montre qu’on peut être différent, et réussir, que l’identité n’est pas une faiblesse, mais une richesse. Cela redonne de l’espoir à ceux qui pensent qu’ils devront toujours «se cacher» pour réussir dans les pays où ils ont émigré.
5. Un modèle d’honnêteté et d’engagement social : son élection est portée par la lutte contre les inégalités, la défense des minorités, la justice sociale et un discours sincère et ancré dans la réalité.
Pour une jeunesse tunisienne qui souffre du chômage, du clientélisme, de la corruption et du sentiment d’injustice, Mamdani montre qu’un leader propre, jeune et engagé peut gagner. C’est un message très puissant : les valeurs peuvent triompher du système.
6. Un parcours international est possible : sans quitter ses racines, Mamdani a réussi dans un autre pays. Cela envoie un message aux jeunes Tunisiens : voyager, étudier, migrer n’est pas renoncer à soi.
L’expérience internationale peut construire des leaders et le monde est plus ouvert qu’on ne le croit.
7. L’avenir appartient à ceux qui osent : l’histoire de Mamdani dit aux jeunes Tunisiens : tu n’es pas condamné à subir, tu peux créer, agir, diriger.Aucune origine n’efface ton potentiel et aucun système n’étouffe une volonté sincère.
Lettre ouverte aux jeunes Tunisiens
Jeunes de Tunisie, garçons et filles. Vous qui marchez chaque jour entre l’espoir et le découragement. Vous qui rêvez d’un avenir qui semble parfois trop loin, regardez l’histoire de Zohran Mamdani, ou de J-D Vance. Pourquoi pas vous ?
Vous vivez dans un pays où les difficultés sont certes réelles : le chômage, la corruption, les inégalités, l’injustice, la bureaucratie du système.
Mais vous vivez aussi dans un pays où l’intelligence est vive et l’ambition une tradition familiale.
Vous êtes les héritiers d’une terre qui a toujours résisté et d’une jeunesse qui a déjà prouvé qu’elle peut transformer l’Histoire.
N’écoutez pas ceux qui vous disent que vous ne pouvez rien changer.
N’écoutez pas ceux qui vous disent que vous n’avez pas les bonnes origines, ou pas les bonnes relations, ou pas les bonnes portes d’entrée.
Les portes, vous pouvez les ouvrir.
Les chemins, vous pouvez les tracer.
Le destin, vous pouvez le renverser.
Les exemples de Mamdani et Vance vous disent ceci : on peut venir de loin et aller encore plus loin.
On peut être jeune et diriger.
On peut être différent et réussir.
On peut être Tunisien et conquérir le monde.
La Tunisie a besoin de vous et de vos idées créatrices.
N’abandonnez ni votre pays ni vos rêves.
* Economiste universitaire et consultant international.